Quelle est la réponse de L’Union Européenne face à la crise énergétique ?

La pandémie qui perdure et la guerre en Ukraine ont exacerbé les tensions géopolitiques et ont ébranlé les dogmes de la distribution énergétique. L’Union européenne, originellement fondée pour prévenir et guérir ce genre de crises, joue la carte de la coopération entre États. Cet article vise à mettre en perspective les tenants et les aboutissants de la crise énergétique que nous vivons et explique en quoi l’Union Européenne s’efforce d’y apporter une réponse diplomatique concrète. 

Une crise énergétique, c’est quoi ? 

Communément, l’expression “crise énergétique” renvoie à une asymétrie entre les besoins énergétiques des ménages et les ressources disponibles pour y répondre. La diminution d’énergie produite ou distribuée à l’origine d’une telle crise peut s’expliquer par plusieurs facteurs, et dans notre cas ils sont essentiellement politiques et environnementaux. On parle effectivement de crise car cette situation perdure et crée des tensions allant bien au-delà d’un rapport d’offre et de demande. 

Comment en sommes-nous arrivés à de telles circonstances ? 

On le sait, la récente crise sanitaire a drastiquement freiné l’ordre économique mondial, mettant en pause tous les secteurs d’activités. A l’aube du deuxième confinement en France, l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle a par exemple vu son activité aéroportuaire chuter de 75,6% avec seulement deux de ses huit terminaux encore ouverts en décembre 2020. Or, le secteur des transports est responsable d’approximativement 30% de la consommation d’énergie mondiale et d’environ 60% de la consommation de pétrole. Il est le secteur le plus énergivore de tous. Face à la demande quasi-nulle de carburants, les prix ont naturellement chuté jusqu’à atteindre les seuils les plus bas de l’ère contemporaine. A titre d’exemple, certaines entreprises ont même été contraintes de donner gratuitement des barils de pétrole (les mêmes qui sont aujourd’hui vendus autours de 100$ pièce). Le regain post-covid de l’activité a été largement sous-estimé et, agissant comme un autre bouleversement, a entraîné une soudaine augmentation du prix de l’énergie. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en mars 2022 n’est venue qu’amplifier la forte progression du prix de l’énergie. 

La Russie occupe en effet une place centrale dans le marché de l’énergie en tant que troisième producteur mondial derrière la Chine et les États-Unis. Avec son écrasante superficie de 17 125 192 km2 s’étalant sur plusieurs continents, possédant le statut de troisième puissance maritime et bénéficiant d’une géographie éclectique, elle abrite les plus larges réserves de gaz du monde et offre une diversité de ressources disponibles. Elle est également pionnière dans le secteur du nucléaire: la Russie a construit la première centrale nucléaire de l’histoire et a été pionnière en matière de nucléaire civil.

Néanmoins, la tentative d’annexion de l’Ukraine par la superpuissance a eu un effet direct sur son poids dans le secteur énergétique. Souhaitant freiner l’européanisation du pays qu’il considère encore comme sa zone d’influence directe, Poutine avait déjà annexé la Crimée en 2013.  Mais les choses ont pris une envergure nouvelle lorsque le projet d’intégration de l’Ukraine à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) s’est concrétisé.

Mais concrètement, quelle est la réponse de l’Union Européenne ? 

D’après les célèbres propos de la Déclaration Schuman de 1950, l’Union Européenne a été pensée pour répondre aux crises d’une seule et même voix. Et la crise énergétique que nous vivons est sûrement l’une des plus importantes que l’institution ait eu à connaître. Bien que les processus décisionnels européens soient souvent lents et fastidieux (contrepartie nécessaire de la démocratie), ils n’en sont pas moins efficaces. Face à cette crise à la fois politique, économique et sociale, l’Union s’est efforcée de diversifier ses solutions. 

La première réaction européenne fût simple: créer une alliance avec les pays de la péninsule arabique, hôtes de nombreux gisements pétroliers et gazeux. 

Le plan REpowerEU vient par ailleurs s’inscrire dans une démarche de réduction de la dépendance énergétique européenne à l’égard de la Russie et se déploie en trois piliers: 1° diversifier les sources d’approvisionnement, 2° réaliser des économies d’énergie, 3° poser les bases d’une sérieuse transition faisant face à la crise climatique. 

Quant à la cause première, l’augmentation croissante des besoins, l’UE a là aussi trouvé une solution: diversifier ses sources d’approvisionnement. C’est ainsi qu’en mars 2022 les Etats-Unis et l’UE ont conclu un partenariat sur la livraison de milliards de tonnes de gaz naturel liquéfié. En plus de se libérer de l’étau russe, l’UE montre par là qu’elle peut techniquement faire face à la hausse exceptionnelle de demande d’énergie. Encore plus récemment, les 27 ont annoncé se rapprocher de la Norvège pour accroître leurs liens commerciaux à travers l’inauguration du gazoduc Baltic Pipe ce 28 septembre. L’Europe parie donc sur la diversification et l’intensification des approvisionnements. 

Mais toute solution ne vient pas sans inconvénient : le prix des matières fossiles venant d’Amérique ou de Norvège sont grandement plus élevés que ceux proposés jadis par la Russie. Cette hausse s’est naturellement répercutée sur le budget des citoyens européens: la facture énergétique a fait un bond de + 38,3 % dans la zone euro en août dernier. 

L’Europe a également établit la création d’une plateforme européenne de l’énergie favorisant l’achat de ressources à un niveau international plutôt que national afin de bénéficier de prix plus avantageux et tenter d’étouffer l’incidence des prix élevés, car comme nous le savons acheter en grande quantité rime toujours avec prix cassé, et assurer que chaque pays membre possède les ressources nécessaire afin de subvenir à la demande nationale. 

“Unity, Security and Renewable energy”, ce slogan annonce la couleur: ce sera du vert pour l’Union Européenne. Accélérer la transition écologique se place au cœur des préoccupations de l’administration Von Der Leyen afin de tirer profit de cette crise en entreprenant de doubler la part des énergies renouvelables dans notre consommation d’énergie d’ici 2030. Pour cela, elle entend accélérer les procédures d’autorisation pour les projets éoliens et solaires, stimuler la production et l’utilisation d’énergie propre et introduire une obligation d’utilisation de panneaux solaires pour les nouveaux bâtiments commerciaux et publics. 

Ces initiatives semblent fructueuses puisque l’approvisionnement du gazoduc russe a radicalement diminué, passant de  41% à 7,5% d’après le conseil de l’Union Européenne.

Cela ne semble évidemment pas ravire la Russie qui est tenue pour suspecte dans l’attaque du gazoduc Nord Stream. Explosions sous-marines, actes de sabotage et espionnage des infrastructures, tout semble accuser Poutine. Lui impute ces évènements aux Anglo-saxons pro-Brexit lorgnant sur les ressources européennes.  

Bouillonnements marins provoqués par les fuites de gaz du gazoduc Nord Stream/Source: AFP

Finalement, l’Europe a engagé un dernier axe à la fois spectaculaire et controversé : imposer une diminution de la consommation de gaz aux États membres. Ici, l’Europe agit sur la demande et non plus sur l’offre ou sur les prix. C’est en juillet dernier que l’idée de réduire la consommation de gaz en Europe de 15 % jusqu’au printemps prochain a été révélée par la Commission européenne. 

A l’heure actuelle, cette diminution n’a qu’une valeur d’incitation envers les États membres. Mais les choses pourraient changer si l’hiver que l’on attend se révèle plus froid que prévu.

Manon Ring

Photo de couverture: La présidente de la commission européenne, Ursula Von Der Leyen, lors d’ une déclaration à la presse relative au plan REpowerEU./Source: Euractiv

Sources:

https://actu.fr/ile-de-france/tremblay-en-france_93073/confinement-l-aeroport-de-roissy-cdg-tourne-au-ralenti-seuls-deux-terminaux-ouverts_37817009.html

https://transportgeography.org/contents/chapter4/transportation-and-energy/

https://www.senat.fr/rap/r09-182/r09-182_mono.html#toc32 

https://www.youtube.com/watch?v=ZqH-Mwly4Qo 

https://www.bbc.co.uk/news/world-europe-63044747 

https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal/repowereu-affordable-secure-and-sustainable-energy-europe_fr 

https://www.youtube.com/watch?v=u-qO42qjShg 

https://www.youtube.com/watch?v=iIdHWVOXmQg 

https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/guerre-en-ukraine-chronologie-des-evenements/ 

https://www.instagram.com/europeanparliament/ 

https://www.instagram.com/europeancommission/ 

https://en.wikipedia.org/wiki/Geography_of_Russia 

https://en.wikipedia.org/wiki/Energy_in_Russia 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_énergétique_mondiale_de_2021-2022