Par Rita Bouziane
Reconnu dans le monde entier, le vin français jouit d’une réputation flatteuse depuis bien longtemps. En 2013, les exportations de vins et de boissons spiritueuses françaises ont rapporté 11,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires, sur un total de 436 milliards d’euros d’exportations françaises, pour 2,4 milliards de bouteilles vendues dans le monde. Avec un excédent de 9,5 milliards d’euros, ce secteur est un de ceux qui contribuent le plus positivement à la balance commerciale de la France. Cela se traduit également pas :
- 558000 emplois dans le milieu viticole.
- 760000 hectares d’espaces viticoles., soit 10% de la surface mondiale destinéee à cet effet.
- Des oenotouristes : depuis 2010, on en compte 10 millions par an qui viennent visiter les 100000 caves oenotouristiques et quelques 31 musées et sites thématiques liés au vin et sa production.
Si le vin français a pendant longtemps tiré profit de son image, il est aujourd’hui soumis à de la concurrence. En effet, d’une nouvelle classe moyenne au sein des pays émergent a crée de nouveaux profils de consommateurs moins connaisseurs et surtout, privilégiant les vins moins chers. Or, la production artisanale des vins français qui a fait leur réputation fait grimper les coûts de production et donc le prix de la bouteille. La production de vin français ne pouvant être délocalisé, aucune économie d’échelle n’est possible, poussant ainsi les viticulteurs à monter en gamme. En attendant, ils perdent des parts de marché : la production française devrait s’établir à 502,96 millions de caisses de 12 bouteilles sur la période 2012-2016, ce qui représente une baisse de 3,9 % par rapport à la moyenne 2007-2011. Alors que de son côté, un nouvel entrant comme la Chine devrait continuer sa progression, en produisant autour de 167 millions de caisses, soit une hausse de 53,95 % sur la même période. Entre contrefaçons, restrictions publicitaires, et perte de parts de marché, les vins français sont (enfin) contraints d’êtres plus compétitifs.
La menace de la contrefaçon chinoise :
Le vin français, à l’instar de la maroquinerie de luxe, est une victime de la contrefaçon asiatique, et plus spécifiquement chinoise. Selon l’Institut national des appellations d’origine, 60 % des vins présentés comme Français dans ce pays seraient faux et sur les quelques 300 dossiers viticoles de contrefaçon traités chaque année, un peu plus d’un quart sont chinois. Dernière victime en liste ? Les bouteilles de Château Lafite-Rothschild 1982. En effet, selon Romain Vandevoorde, le propriétaire des vins le Baron en 2008, il y a “plus de Lafite 1982 en Chine qu’il n’en a été produit en France”.
Comme beaucoup de pays émergents, la Chine voit sa classe moyenne exploser dans les grandes aglomérations comme Pékin, Shanghaï et la principauté d’Hong Kong. Parallèlement, selon France24, le gouvernement chinois a mis en place des campagnes “vantant les mérites du vin pour la santé, une bonne bouteille est devenue un incontournable des dîners mondains”. Comme la viande qui se faisait rare pendant les deux grandes guerre et qui est ensuite devenue un symbole de richesse, d’élitisme, le vin a subi le même effet en Chine après la rigueur communiste des années Mao et traduit une volonté de la population chinoise à s’occidentaliser. Toujours selon la même enquête de France 24, un négociant européen qui a voulu rester anonyme affirme que les chinois » n’aiment pas vraiment le vin. Ils en boivent parce que c’est à la mode […] ils boivent des étiquettes. »
Si d’un côté le vin a le vent en poupe en Chine car il est porté par une volonté politique, il faut aussi compter sur le fait que tout le monde n’est pas un fin connaisseur, car si un négociant, un grand connaisseur ou un viticulteur reconnaisse une fausse bouteille très rapidement, ce n’est pas le cas pour tout le monde et encore moins pour la majorité des chinois dont le vin n’a fait qu’une entrée récente dans leurs habitudes alimentaires. Selon Sheng Wen, un distributeur de Shanghai, la majorité des chinois sont incapables de différencier “un grand cru et une piquette de supermarché”.
Consommation nationale en baisse :
La France n’est plus le grand pays consommateur qu’il était : le pays est ainsi passée de 100 litres par an et par habitant dans les années 1960 à une quarantaine de litres aujourd’hui. Selon un communiqué du minsitère de l’Ariculture, la consommation a chuté ces cinq dernières années car (seuls) 17% des français consomment encore du vin régulièrement. L’une des justification d’un tel changement d’habitudes est évidemment le prix. On le sait, la france est en crise, et se sont les classes moyennes qui ont été le plus touchées. Mais il y a également une corrélation positive entre la chute de la consommation d’alcool en général, et une modification des habitudes alimentaires des français. En effet, de plus en plus de personne font attention à ce dont elles se nourrissent, et cela va avec une réduction de la consommation d’alcool, car si en 1980 les boissons sans alcool n’étaient consommées que pendant 5% des repas totaux, elles sont passées à 15% aujourd’hui, en France. Selon Philippe Janvier, le chargé d’étude de FranceAgriMer, “l’alcool en général et le vin en particulier est désormais plus volontiers consommé les week-ends, dans un cadre festif ou convivial«
Ce déclin du marché hexagonal conduit tout naturellement à la concentration des viticulteurs sur un nouveau marché d’où une forte hausse des exportations. Jusqu’en 2012, selon des chiffres du service des douanes français, les vins et les boissons spiritueuses constituaient le deuxième secteur excédentaire français à l’export, juste derrière l’aéronautique, avec un solde positif de 9,5 milliards d’euros. Aujourd’hui, la France reste le leader mondial des exportations de vin en valeur. Cependant, à l’heure de la mondialisation, d’autres vins sont apparus sur le marché, ils sont chinois, américains, marocains, chiliens et surtout, ils sont moins chers. D’où une obligation pour la France de monter en gamme, ainsi, si les exportations françaises augmentent, les volumes ont baissé de 12% en dix ans.
Qu’est-ce que cela veut dire, concrétement, pour les vins français ? Avant d’établir un bilan quelconque, il faut distinguer les vins issus des domaines les plus prestigieux – les grands bordeaux, chapagnes et bourgognes – des vins français d’entrée et de milieu de gamme. Si les seconds seont les plus touchés, cela signifie aussi une montée de gamme forcée.
Les vins de moyenne gamme, victimes de la mondialisation :
Les seconds sont ceux qui subbissent les effets de la concurrence des autres pays car ils demeurent plus chers. Pour reprendre les terme de Denis Saverot, rédacteur en chef de la revu La revue de Vin de France, “les vins français d’entrée et de milieu de gamme ne sont plus concurrentiels […] le coût de la main-d’œuvre, les charges et les taxes font que le vin coûte plus cher à produire en France qu’ailleurs.” En effet, se sont surtout les coups du travail qui impactent le prix de n’importe quel produit, et le résultat est très visible au niveau des prix du vin. En effet, en augmentant les tailles de marchés par le biais du marchais mondial, pas d’économie d’échelle applicable. Car si en théorie une augmentation des débouchés mène à une hausse de la production qui devrait favoriser les économies d’échelle soit une production en plus grande quantité et un abaissement naturel du coût unitaire. Mais en France, les vins de moyenne gamme ne peuvent pas miser sur la compétitivité prix.
En effet, 60% du chiffre d’affaire dans le monde viticole va à la masse salariale, ce qui permet néemoins de faire vivre des famille et de créer de l’emploi puisque nous sommes sur une production non-délocalisable. Cependant, au Chili et en Afrique du Sud, la main-d’oeuvre est évidemment moins cher, de même qu’en Australie grâce à la mécanisation de masse qui a fait chuter les coûts de produciton du vin. Aussi, en terme de quantité, ces vins ne peuvent pas rivaliser au niveau de la quantité pour baisser les prix car encore une fois, les coûts de production étant plus élevés.
Les grands crus, toujours leader :
Cependant, les grands vins ont toujours le vent en poupe, évidemment. Comme beaucoup de “vieux pays” qui ont achevé leur transition démographique, la France est “condamnée” à se tourner vers l’innovation et le marché du Luxe, car comme nous l’avons vu dans le paragraphe ci-avant, les pays développés ne peuvent pas êtres compétitifs dans les autres secteurs. Les Etats-Unis ne sont-ils pas réputés pour leurs innovation et leur leadrship dans le secteur numérique ? De-même, si la crise économique se fait sentir en France encore aujourd’hui, l’industrie du luxe ne s’est jamais aussi bien portée. Toujours selon Denis Saverot, à propos des grands crus, “Il n’y a pas de concurrence pour ces grands vins, ce sont les seuls à boxer dans cette catégorie”.
Et même si certains vins californiens, comme Opus One par exemple, parviennent à se hisser à un niveau de prix approchant ceux des plus grands jus français, ils restent encore loin derrière en termes de notoriété. Quand il s’agit du luxe, c’est l’ancienneté et l’image qui priment avant tout, la notion de luxe est une notion qui s’installe, de même que l’image de qualité qui l’accompagne. La France dans le secteur viticole doit opter pour une “remontée des filière”, soit une montée en Gamme et miser, comme elle le fait déjà dans beaucoup de secteur sur des produit à valeur ajouter plus forte : produire moins, à prix unitaire plus haut.
La tradition viticole française : une force
Ainsi, les vins français sont-ils accompagnés d’une image artisanale, voir artistique, à l’étranger. Cela permet à des vignerons de réaliser des vins très personnels, des vins d’auteur qu’on ne peut faire nulle part ailleurs. “Tout ce qui n’est pas authentique et attaché au terroir est copiable, prévient Philippe Pacalet. Il y a un créneau pour les gens qui ont gardé leurs cépages, qui élèvent leurs propres levures indigènes.” La France peut donc aussi s’en sortir en campant fermement sur ses positions, sur son savoir-faire reconnu mondialement. Aussi, afin de parer les chocs de demande négatifs, les entreprises et châteaux du vin ont-ils commencer à former des groupes. C’est le cas de Castel et Vranken-Pommery, qui ont pour ambition de devenir les leader du rosé.
Aussi, afin de promouvoir l’image des grands crus français et de la protéger, tout est mis en oeuvre symboliquement pour l’ériger au rang de patrimoine mondial. C’est nottement le sens d’une adoption du Sénat le 12 avril 2014 qui a mis en place un amendement propulsant le vin au rang de « patrimoine culturel et gastronomique protégé en France ». Aussi, le repas gastorminique français faisait déjà parti du patrimoine immatériel de l’UNESCO, et depuis octobre 2015, l’organisation onusienne a décidé de faire de mêe pour les maisons et caves de Champagnes et les climats (parcelle de vigne, soigneusement délimitée et nommée depuis des siècles, qui possède son histoire et bénéficie de conditions géologiques et climatiques particulières) de Bourgogne car il s’agit de « lieux où fut développée la méthode d’élaboration des vins effervescents, grâce à la seconde fermentation en bouteille, depuis ses débuts au XVIIe siècle jusqu’à son industrialisation précoce au XIXe siècle”.