Les Planches surfent sur une nouvelle vague !

Par Florent Simon

De nouvelles formes théâtrales font leur apparition.

Du nouveau ! Oui, cela fait quelques années que le théâtre évolue. Un processus de mutation du théâtre est en oeuvre, le dotant d’un nouveau caractère. Un nouveau style théâtral fait surface.

En effet, de plus en plus de représentations cherchent à produire une véritable « expérience théâtrale ». Le spectateur passe alors d’un rôle contemplatif communément (et peut-être de manière erronée) qualifié de passif, à une expérience sensible qui parfois inclut aussi une participation plus active du public. On peut ainsi distinguer deux types de pièces.

Premièrement sont apparues des pièces dont la mise en scène modifie la relation entre le public et les acteurs. J’ai pu m’en apercevoir moi-même, lorsque que j’ai pris la folle décision d’aller au National Theatre pour aller voir ce qui s’y trame et quels trésors se trouvent enfermés au sein de cette perle de l’architecture soviétique.

Pour commencer je trouve des billets via un mécanisme particulièrement innovant, soit une vente au rabais des places non vendues de la semaine. J’enfourche donc mon vélo et me rends sur place. J’entre dans ce théâtre, espèce de blocos qui aurait gagné tous les prix d’architecture sous Staline, je tends mon billet à l’ouvreuse et c’est là qu’elle m’emmène, derrière la scène, en face d’une grosse barre de fer. C’est vrai que je n’ai pas payé très cher cette place de dernière minute. Mais bon, quand même, mon voisin, en pleine parade amoureuse avec une bien jolie perruche doit certainement rager intérieurement. Juste le temps d’écouter deux ou trois de ses banalités roucoulantes puis la salle doucement s’obscurcit. La lumière apparaît de nouveau, bonne nouvelle, la barre de fer a disparu ! Les acteurs commencent à entrer en scène et c’est seulement à ce moment là que je me rends compte qu’il n’y a ni avant ni arrière-scène! Les acteurs jouent au milieu du public et, coup de maître du metteur en scène, à aucun moment il ne m’est arrivé de penser que j’étais mal placé.

Cette mise en scène particulière donne alors l’impression d’assister à une expérience sociale. Le public perd en quelque sorte sa fonction de récepteur. La représentation ne semble plus être adressée à quelqu’un mais être un espace libre dans lequel les personnes présentes vont interagir de manière libre. Le spectateur assiste à une expérience scientifique en laboratoire. Les diverses conditions expérimentales ont été établies au préalable et on observe comment les différents éléments (ici les personnages) réagissent dans ces conditions. Le spectateur a un nouveau rôle : celui du sociologue.

Evidemment, tous les spectacles au National Theatre ne suivent pas ce modèle, et cette mise en scène convenait particulièrement bien au type de la pièce. Il s’agissait d’une adaptation de diverses œuvres de D.H. Lawrence, Husbands and Sons, dont l’action se déroulait dans les habitations des mineurs anglais du début du XXe siècle et qui permettait la superposition de trois histoires parallèles. Cette mise en scène permettait donc de transmettre parfaitement l’aspect sociologique de la pièce.

Le deuxième type de pièce, se traduit par une augmentation du caractère interactif de la pièce et par conséquent à une intégration plus importante du public. La pièce parisienne à succès Dernier coup de ciseaux entre parfaitement dans cette catégorie tout comme d’autres pièces où le spectateur est invité à voter lors de l’entracte, décidant ainsi de la suite de l’intrigue (c’est sur ce modèle qu’est construite la dernière comédie musicale en date de UCL qui se joue cette semaine ). Ceci s’accorde bien avec le style « Shakespeare’s Globe » où l’on n’hésite pas à prendre le public à partie ou même à faire monter des spectateurs sur scène, comme dans la dernière adaptation du Marchand de Venise mise en scène par Jonathan Munby.

On peut remarquer aussi l’apparition de pièces qui invitent le spectateur à se déplacer, certaines scènes se déroulant dans des pièces ou des zones différentes, ce qui donne l’impression de s’insérer dans une réalité nouvelle qui ne nous attend pas pour exister.

Tout ça pour dire : courez tous au théâtre, les scènes françaises et britanniques regorgent de surprises, et comme le dit notre grand ami Shakespeare le monde entier n’est qu’un théâtre et les hommes en sont les acteurs; venez y jouer votre rôle!