Par Charles Stevenson 

«C’est la faute de Hollande. C’est la faute de votre président. Il n’a pas à intervenir en Syrie!» Les cris des assaillants du Bataclan laissaient peu de doute quant au message qu’ils voulaient transmettre: voilà ce qui arrivera à la France si elle s’oppose militairement à l’Etat islamique en Irak et au Levant (EI). Par la suite, une partie des utilisateurs des réseaux sociaux a été rapide à nous rappeler que la capitale française n’est de loin pas la seule victime récente d’attaques meurtrières. En réalité, Ankara, tout comme Beyrouth, et, à priori, le vol Metrojet 9268 à destination de St. Petersburg ont également été le théâtre de bombes terroristes. Pourquoi cette vague d’événements sanglants de toute évidence coordonnée? Commençons par nous intéresser au choix des cibles avant de nous pencher sur les circonstances politiques, mais surtout militaires du moment.

Le 10 octobre, deux terroristes se font sauter devant la gare centrale d’Ankara, emportant avec eux 102 participants d’une manifestation contre l’oppression de la minorité kurde par l’Etat islamo-conservateur turc. Même si l’attentat n’est pas revendiqué, des liens sont aujourd’hui suspectés entre les auteurs et Daech. Trois semaines plus tard, un avion rempli de touristes russes s’écrase dans le désert du Sinaï, tuant l’ensemble de son équipage et des passagers à son bord. Cette fois, Daech revendique l’attaque. Elle le fera également suite à la mort de 44 habitants de la capitale libanaise le 12 novembre et de 130 autres à Paris le lendemain.

L’enquête russe a montré que la chute du vol Metrojet 9268 est dû à une bombe.

Ces attaques surviennent à l’heure où Daech est en train de subir revers après revers sur le terrain. En prenant le village d’al-Hol et la ville de Sinjar, les combattants kurdes ont coupé leur route d’approvisionnement principale, qui relie la ville syrienne de Raqqa à Mossoul, en Irak. La victoire à Sinjar laisse même espérer une reconquête prochaine de ce bastion irakien du groupe. Parallèlement, l’armée du président Bachar el-Assad, soutenue par des membres du Hezbollah libanais, est parvenue, grâce aux bombardements de l’aviation russe, à reprendre le contrôle de l’aéroport militaire de Kweires à Alep, la deuxième ville syrienne, en partie sous le contrôle de Daech depuis deux ans. Aucun des vainqueurs ne prévoit pour le moment d’utiliser cette base (qui se trouve toujours dans une zone militairement très instable) mais il s’agit d’un grand coup, aussi bien au moral des Islamistes qu’à leurs capacités de déploiement. L’armée syrienne se trouve désormais à quelques kilomètres de Deir Hafer (bastion de Daech plus à l’est) et d’Al-Bab (autre fief au nord de l’aéroport).

L’attentat à Beyrouth survient alors que des combattants du Hezbollah libanais gagnent du terrain face à Daech.

Par ailleurs, le groupe islamiste subit aussi une baisse de revenu que lui assure les puits pétroliers qu’il contrôle. En effet, plusieurs des expéditions aériennes menées par la coalition anti-EI ont visé les exploitations de brut qui représentent la principale ressource financière du Daech.

Il parait donc clair qu’aucune des cibles des récents attentats n’a été sélectionnée au hasard. Mise sous pression sur plusieurs fronts, Daech souhaitait envoyer un message fort pour tenter d’intimider ses adversaires existants et potentiels. A voir la réaction du président de la République, le bien-fondé et l’efficacité de cet avertissement sont un tout autre problème.

Pour aller plus loin :

http://www.tdg.ch/monde/affaibli-front-daech-riposte-etranger/story/19933685

http://www.rfi.fr/moyen-orient/20151013-turquie-ei-principal-suspect-attentat-ankara

http://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-34861346

http://www.dailymail.co.uk/news/article-2964028/oil-drugs-internet-ISIS-funded.html

http://uk.businessinsider.com/tafrikinomics-how-isis-funds-its-caliphate-2015-3?r=US&IR=T