Pierre Boulez ou la révolution moderniste

Par Rita Bouziane

« Audace, innovation, créativité » voilà les mots employés par le premier ministre français, Manuel Valls, pour décrire la carrière de Pierre Boulez, décédé ce matin dans sa maison de Baden-Baden, en Allemagne, à l’âge de 90 ans. Connu des amoureux des arts, et en général du grand public pour ses travaux dans le domaine de la musique, Pierre Boulez était en plus d »un compositeur , chef d’orchestre affirmé, et pianniste de renom, un écrivain. A l’origine de la construction de l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique, Boulez a su faire évoluer le monde de la musique de part sa vision, son talent et son engagement politique pour la démocratisation de la musique. Retour sur le parcours de l’homme au 27 Grammy Awards, qui préférait diriger avec sa main, plutôt qu’une baguette ; le parcours d’un homme libre.

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Né à Montaison dans la Loire le 28 mars 1925, Pierre Boulez, alors détenteur d’un baccalauréat scientifique s’apprêtait à étudier les mathématiques lorsqu’il intégré finalement le Conservatoire de Paris, alors âgé de 17 ans. Il est dans un premier lieu l’élève du compositeur et musicien Olivier Messiaen mais décide de le quitter l’espace d’un an pour étudier la musiquer sérielle (tout morceau doit être basé sur une « série » de douze sons, dans l’ordre que l’on veut, au gré de l’inspiration « sérielle » ; mais sans répéter deux fois le même son) avec le théoriste français René Leibowitz. En effet, il comparait les méthodes de ce dernier à de “l’académisme sclérosant”, tandis que Messiaen était à ces yeux l’incarnation de “la spontanéité créatrice, combinée avec la recherche incessante de nouveaux modèles d’expression”. 

A l’âge de 21 ans, il est nommé  directeur de la musique de scène de la Compagnie Renaud-Barrault.  C’est à cette même époque qu’il compose ses premières oeuvres puisant d’abord son inspiration dans l’oeuvre sérielle de son maître Olivier Messiaen “Quatre études de rythme” pour son morceau “Polyphonie X”. Boulez appliqua le principe de la série à l’ensemble des paramètres constituant son morceau, allant des timbres au dynamiques ce qui donne un résultat rigide et totalement hermétique pour l’auditeur moyen. En quête éternelle de renouveau et de création, il décide de laisser de côté cela sans pour autant délaisser le son électronique. 

Si il a très rapidement abandonné la série généralisée, Pierre Boulez aime créer de nouveaux modèles et va dès la fin des années 1950 introduire dans ses œuvres des parties aléatoires, laissant ainsi à l’interprète le choix de l’ordre de certains fragments, se référant ainsi au “Livre” de l’écrivain Stéphane Mallarmé. Cette quête éternel de renouveau qui habite Boulez est également visible dans son expérience en tant que chef d’orchestre lorsqu’il met en place la spatialisation sonore, c’est à dire qu’il crée l’illusion de la localisation d’un son en faisant passer les accords de timbre d’un groupe d’instrumentistes à l’autre. Un exemple de spatialisation serait “Répons” où un dialogue entre jeu individuel et jeu collectif et mis en place à partir d’un seul élément. De même, dans « Rituel in memoriam Bruno Maderna », il arrive à projeter le discours musical dans la salle.

Dans un entretien paru en 1975, Boulez s’est décrit comme quelqu’un au « un tempérament qui essaie de fabriquer des règles pour avoir le plaisir de les détruire plus tard.”  En effet, il veut biser les tabous et faire évoluer la relation qui lie le compositeur à l’interprète, et le chef d’orchestre au corps de musiciens. C’est l’une des raison pour lesquelles ces oeuvres, même finies, ne sont pas figées mais sujettes à évolution ou parfois à des symbioses avec des pièces antérieures. C’est le cas pour “Sur Incises”, composée en 1998 : cette oeuvre pour ensemble instrumental est constituée d’un passage au piano composé deux années, auparavant.

Homme engagé auprès de la diffusion de la musique et directement impliqué dans les évolutions qu’elle connaitra tout au long du XXème siècle, il est en partie à l’origine de la création de la Cité de la Musique (La Villette) et de l’Opéra Bastille, à Paris. Aussi, il accepte d’associer son nom et son image à l’IRCAM -L’institut de recherche et coordination acoustique/musique – fondé en 1977, sur une demande spécial du président à l’époque, Georges Pompidu, qui avait insisté pour que Boulez le dirige.  Autant compositeur et musicien que théoricien, Boulez écrit de nombreux livres sur la musique en soit et enseignera pendant dix-neuf ans au Collège de France, de 1976 à 1995. Enfin, orsque Michel Guy, alors secrétaire d’État aux Affaires culturelles, annonce la création de l’Ensemble intercontemporain ou EIC, c’est à Pierre Boulez que la présidence est confiée

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Il est donc assez juste d’affirmer que Pierre Boulez était un artiste complet de par l’aspect riche de son oeuvre allant du sérialise, aux formes ouvertes ou encore aux questions relatives à l’acoustique. De surcroît, ses rôles de chef d’orchestre, professeur et administrateur ont également était un moyen pour lui de montrer tout son amour à la musique puisqu’ils lui ont permis de mettre en place des institution dévouées au progrès de la musique et l’éducation musicale, rendant ainsi l’héritage Boulez hermétique au temps.