La journée internationale des droits de la femme a notamment été marquée par les manifestations des Françaises contre la réforme des retraites, et en particulier contre les inégalités hommes-femmes qui en découlent. Revenons sur ce projet de loi qui provoque de forts remous dans la société depuis son annonce le 10 janvier.
Comment fonctionne le système des retraites en France?
La retraite est basée sur un système de répartition qui signifie que les travailleurs payent des cotisations pour financer les pensions de retraite. Ces cotisations sont mises en commun, ce qui veut dire que la pension d’un travailleur ne sera pas payée par les cotisations qu’il a payées mais par cette cagnotte commune. Chaque pension prend ainsi en compte plusieurs facteurs, tels que le montant des revenus, les durées d’activité professionnelle…facteurs qui vont aussi déterminer la durée des cotisations et l’âge de départ à la retraite en plus du montant des pensions.
On distingue ainsi l’âge de départ à la retraite et le taux plein. L’âge légal de départ à la retraite s’élève aujourd’hui à 62 ans, sachant que la pension n’est pas automatiquement versée mais accordée si l’individu a assez cotisé (c’est-à-dire s’il a cotisé un nombre suffisant de trimestres pour l’assurance retraite), pendant suffisamment de temps : c’est ce qu’on appelle le taux plein. Cette durée de cotisations varie en fonction des générations, mais fluctue autour des 42 ans. D’autre part, le taux plein peut aussi être obtenu à 67 ans même si le travailleur n’a pas atteint le nombre de trimestres d’assurance retraite nécessaires. En revanche, si le travailleur décide de partir à la retraite avant 67 ans et sans avoir suffisamment cotisé, la pension accordée verra son montant réduit : cette réduction est la décote.
Voici les grandes lignes du système des retraites actuel, et il y a certaines exceptions notamment dues au grand nombre de régimes spéciaux (42).
Pourquoi cette réforme et en quoi consiste-t-elle ?
Cela fait 50 ans que les gouvernements successifs effectuent des réformes sur le système des retraites en France (notamment en raison de l’évolution démographique de notre pays), ce qui provoque régulièrement des mouvements sociaux d’ampleur.
La réforme des retraites est un des grands chantiers d’Emmanuel Macron depuis sa première élection en 2017. Il avait annoncé le 31 décembre 2022 vouloir faire de 2023 une année marquée par l’unité et la collectivité. Le président a alors affirmé que cette réforme était nécessaire pour consolider le régime des retraites qui est en parti financé par crédit, justification contestée par certains. L’objectif est par ailleurs à terme de faire disparaitre la plupart des régimes spéciaux.
Présentée par Elisabeth Borne début janvier, la réforme des retraites vise à rééquilibrer les comptes du système de répartition pour consolider celui-ci et à terme, à réduire le déficit public.
Voici les principales mesures proposées pour cette réforme :
/ Report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, soit 2 ans de plus, à partir de 2030 : l’âge légal va être reculé chaque trimestre à partir du 1er septembre 2023. Quand vais-je partir à la retraite ?
/Allongement de la durée de cotisation à 43 ans à partir de 2027, au lieu des 42 ans actuels : cette mesure devait entrer en vigueur en 2035 mais a été avancée.
/ Modification du dispositif « carrières longues » : le départ anticipé à la retraite est avancé à 58 ans pour les individus ayant commencé à travailler entre 14 et 16 ans, 60 ans pour ceux ayant commencé entre 16 et 18 ans, 62 ans pour ceux ayant commencé avant 20 ans et 63 pour ceux ayant commencé avant 21 ans.
/ Rehaussement du montant de la pension minimale à 85% du SMIC net à partir de 2023, soit un minimum de 1200 euros par mois.
/ Création de l’index d’emploi des seniors qui sera rendu obligatoire pour les grandes entreprises à partir de 2023, puis 2024 et 2025 pour les plus petites entreprises.
/ Meilleure prise en compte de la pénibilité avec l’élargissement de l’accès au Compte Professionnel de Prévention (C2P).
/ Suppression des régimes spéciaux de retraite, sauf les régimes autonomes (professions libérales et avocats) et certains très spécifiques (ex : policiers, pompiers, salariés de l’Opéra de Paris, mais aussi députés et sénateurs)
Chronologie:
6-17/02 : Débats au Parlement, pas de vote à l’issue de débats houleux.
2-12/03 : Passage du texte devant le Sénat, débats aussi houleux mais moins qu’au Parlement.
10/03: Le gouvernement a déclenché le processus de vote bloqué : d’ici le 12 mars au plus tard, le Sénat doit se prononcer par un vote unique sur les articles restant en discussion de la réforme des retraites, avec les seuls amendements retenus par le gouvernement.
15/03: Le texte doit repasser devant une commission mixte (parlementaires + sénateurs). Si cette commission échoue, le texte repassera devant le Parlement.
« Si, dans un délai de 50 jours prévu le 26 mars 2023, le Parlement n’a pas définitivement adopté le projet de loi, la Constitution permet au gouvernement de prendre une ordonnance pour mettre en oeuvre la réforme. Cette disposition n’a jamais été appliquée jusqu’ici. » (Vie publique)
Réactions des partis politiques et des Français
Les désaccords concernant cette réforme sont bien présents au sein des partis politiques, notamment à gauche. La France Insoumise l’a qualifiée de « grave régression sociale » (Jean-Luc Mélenchon sur Twitter), Marine Le Pen veut « faire barrage à la réforme », les Socialistes ont déclaré que 64 ans était inacceptable (« 64 ans, c’est NON ! »). On a par ailleurs vu de nombreux débats et désaccords émerger au sein même des partis politiques, de gauche, comme de droite. Décidemment, cette réforme divise !
Les Français ont eux aussi exprimé leur mécontentement. Seulement 9 jours après l’annonce de la réforme, des syndicats se sont mobilisés en masse pour manifester. Jeunes, seniors, hommes, femmes, cadres, artisans…nombreux expriment leur désaccord.
Les étudiants et lycéens ont, de leur côté, pris part aux manifestations contre cette réforme qui conditionne leur carrière imminente. Paris, Montpellier, Besançon, Lille, Strasbourg… ce mouvement de manifestations et blocages organisés par les syndicats étudiants se propage. Parmi les nombreux slogans, on retrouve « 16-64, c’est une bière, pas une carrière » ou encore « Tu nous mets 64, on te Mai 68 », ironique étant donné que la première génération qui sera entièrement touchée par la réforme avec les 64 ans de départ légal à la retraite est la génération 68.

CHRISTOPHE ENA / AP
Les manifestations et les grèves semblent s’inscrire dans la durée, rassemblant Français et Françaises de tous âges. La journée du 7 mars fut une des journées de mobilisations les plus importantes depuis 1995. Parmi les nombreux slogans on a entendu : « Prenez la thune aux milliardaires, pas aux grands-mères », « Nos vieux méritent mieux ». Ces manifestations touchent tout le territoire et perturbent les rues, les transports et une partie de l’économie…
Les femmes ne battent pas en retraite…
Les Françaises ont donc profité de la journée internationale des droits de la femme pour manifester contre la réforme des retraites. Elles revendiquent le fait que cette réforme ne prend pas assez en compte les inégalités salariales. En effet, en rallongeant les carrières, elle fait ainsi perdurer les inégalités salariales: selon l’INSEE, les femmes ont gagné en moyenne 15% de moins que les hommes dans le privé en 2021. Des milliers de femmes ont manifesté dans les rues de Paris ce 8 mars, scandant le slogan « Retraites, salaires, les femmes sont en colère ».
Dans ce contexte il est aussi nécessaire de rappeler une autre avancée dans la lutte féministe avec le projet d’inscription de la liberté à l’IVG dans la Constitution annoncé par Emmanuel Macron le 8 mars lors de l’hommage à la défunte Gisèle Hamini. Les avancées pour les droits des femmes se multiplient, mais les inégalités salariales persistent, justifiant ainsi la révolte des Françaises.

À venir : quelles sont les prochaines étapes ?
Les débats sont très mouvementés depuis que le texte de proposition de réforme a été soumis au Parlement puis au Sénat. Ces discussions devront prendre fin le 26 mars et les dispositifs approuvés entreront en vigueur à partir du 1er septembre 2023.
À suivre de très près donc…
Tiphaine Gourgues
Sources :
Image de couverture: https://www.lesechos.fr/economie-france/social/reforme-des-retraites-version-macron-ce-qui-se-prepare-140500
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14044