La politique climatique « sale » du Brésil

Tout comme les États-Unis, le Brésil est récemment passé du parti rouge au parti bleu. Le nouveau président du pays de 216 millions de personnes, c’est-à-dire presque 3% de la population mondiale, est M. Lula depuis le 1er janvier 2023 (pour la plupart du monde lusophone, son vrai nom n’est pas si succinct : o Senhor Luiz Inácio Lula da Silva). Cette rupture politique est en partie due aux préoccupations du peuple autour de la précieuse forêt amazonienne qui a subi des pertes dévastatrices sur ses 6.000.000 km² de surface. De la même manière que les élections présidentielles françaises, les deux candidats finalistes se sont affrontés à plusieurs reprises durant le second tour avec un accent particulier sur la sphère climatique dans leurs discours. Lula, du Parti des travailleurs, et l’ancien-président Jair Bolsonaro, du Parti de la République, se sont accusés mutuellement de la destruction de l’Amazonie lors de leur ancien ‘quadriennat’ (Lula: 2003-2011, Bolsonaro: 2019- 2023). La polémique s’est concentrée sur les chiffres qui soulignent une destruction plus grande mais un taux annuel décroissant (en somme -67%) sous Lula versus un taux montant en flèche actuellement sous Bolsonaro (depuis son entrée au pouvoir, +73% en moyenne). Il convient d’examiner le décroissement suivi de l’agrandissement (en km² de forêt détruite par an): 

Lula:

2003   25.300 km

2010   7.000 km

Bolsonaro:

2019   10.100 km

2022   13.000 km

(l’Institut National de Recherche de l’Espace et le Fond de l’Amazon (o Instituto Nacional de Pesquisas Espaciais e o Fundo Amazônia))

Il faut également évoquer les biomes moins connus du Brésil, qui ont souffert aussi sous l’égide de Bolsonaro. Incroyablement, le Brésil a un peu de tout ; les habitats comprennent des formations arborées d’une densité étonnante (cerradão), des prairies et des savanes dans l’énorme biome du Cerrado, des régions humides et venteuses dans la Mata Atlântica et de rares plaines alluviales (inondées) dans le biome Pantanal qui s’étend jusqu’au Paraguay. Le défi de préservation se joue aussi dans tous ses biomes, où l’agriculture de soja et l’élevage bovin remplacent la flore et la faune native. Ces territoires ont soufferts jusqu’à trois fois plus d’effets dévastateurs que l’Amazonie depuis la prise du pouvoir de Bolsonaro. Même après avoir perdu près de 80% de sa couverture d’habitat, le Cerrado continue à voir ses terres rasées et ses peuples indigènes menacés. Cette année, soutenue par Bolsonaro, la Banque Mondiale a approuvé un prêt de $200 million à l’entreprise Louis Dreyfus Company, qui se spécialise dans les monocultures industrielles de soja et de maïs. De plus, des projets de lois encore actuellement en débat proposent d’exclure l’état de Mato Grosso (904.000 km²) de la région amazonienne définie par la loi et de re-évaluer le taux de couverture de l’Amazonie, afin de permettre une plus grande déforestation au profit de l’agrobusiness. Ceci permettrait la déforestation d’au moins 10 millions d’hectares (25 millions d’acres) – une superficie équivalente à celle de la Corée du Sud. 

Les biomes uniques du Brésil (Wikipédia)

Le Pantanal (voir la carte ci-dessus) (Wikipédia)

Le Cerrado, le deuxième biome le plus signifiant du Brésil (Wikipédia)

Lula fait maintenant face aux problèmes suivants depuis janvier:

  1. Le taux de déforestation le plus élevé depuis 15 ans, le plus grand nombre d’incendies et de feux de friches depuis 10 ans et un taux d’émissions de gaz polluants le plus élevé depuis 16 ans.
  2. Moins de crimes écologiques punis, dû en partie à un budget réduit (-71% de 2014 à 2021) qui a entravé la surveillance – l’organisation qui gère l’Amazonie, L’Ibama, a cédé 43% moins d’amendes et de sanctions entre 2018 et 2021, en dépit d’une croissance en activité illégale.
  3. La terminaison en 2019 du Fond de l’Amazonie (Fundo Amazônia), parrainé par la Norvège et l’Allemagne, qui a accumulé une valeur de plus de 3,2 milliards de dollars. Il a été bloqué dû aux actions de Bolsonaro dans la première année de son ‘quadriennat’.
  4. Des terres écologiques publiques envahies.
  5. L’exploitation minière et par l’agriculture des terres autochtones.
  6. Les projets de lois de Bolsonaro: 401 mesures considérées comme au moins partiellement nuisibles à l’environnement, selon l’Institut Talanoa
  7. Des objectifs désormais dépassés, Bolsonaro ne croyant ni à l’accord de Paris de 2015 ni aux sommets de la COP. La nécessité de mettre à jour la contribution déterminée au niveau national (CDN), qui s’agit de l’ensemble des engagements pris par chaque pays pour contribuer à la lutte contre le changement climatique, est en revanche réitérée. Actuellement il vise de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 37 % d’ici 2025 et de 50 % d’ici 2030.
  8. Les discours de Bolsonaro: par exemple, pendant l’un des pires incendies enregistrés dans la région, il a déclaré que l’Amazonie « ne prend pas feu ».
  9. Les critiques contre Lula durant son ancien quadriennat ont revendiqué son manque de liaison avec les peuples indigènes, dont les terres sont constamment menacées. Puis, le gouvernement de Bolsonaro a transféré en 2019 les délimitations des terres indigènes de la Funai au ministère de l’Agriculture, après avoir empêché l’utilisation de ces terres à des fins agricoles aux personnes indigènes.
  10. En plus, ces critiques ont prétendu que Lula primait de grandes œuvres d’infrastructure sur la santé de l’Amazonie, surtout avec les usines hydroélectriques de la rivière Madeira en Rondônia et à Belo Monte.

Qu’en pense Lula ?

Il s’est déjà montré favorable au bouleversement des effets négatifs du gouvernement Bolsonaro et à la réinsertion du Brésil sur la scène internationale. Citant le discours de sa victoire présidentielle, “Nous reprendrons le contrôle et la surveillance de l’Amazonie et combattrons toute activité illégale, qu’il s’agisse de l’orpaillage, de l’exploitation minière, forestière ou de l’occupation abusive des opérations de l’élévage du bétail et de cultures.” (traduction de l’auteur). De plus, il a déjà promis une ‘déforestation 0’ et une transformation du Brésil de ‘paria…à protagoniste’, ce qui poussa la Norvège a re-instaurer son action caritative dans le fond de donations pour l’Amazonie que le Canada et le Royaume-Uni désirent rejoindre. Il est probable que l’on voit une position beaucoup plus ‘amigo do ambiente’ (littéralement: ami de l’environnement, signification: respectueux de l’environnement’) du Brésil, un territoire contenant de vastes richesses biologiques. 

Le prochain président, Lula da Silva, et la prochaine ministère pour l’environnement, Marina Silva, psychopédagogue et militante écologiste

Helen Fincham

Sources

Photo de couverture: Paula Cardoso- Piauí

https://www.youtube.com/watch?v=Sh23s5RbCnU

https://www.bbc.com/portuguese/brasil-63290268

https://rainforests.mongabay.com/cerrado/

https://www.youtube.com/watch?v=ci4JRX6NpzQ

https://www.youtube.com/watch?v=fngghCL-Kx8

https://www.worldometers.info/world-population/brazil-population/