Sorti le 20 janvier dernier, Babylon, le nouveau film de Damien Chazelle, a remporté aux Golden Globes le prix de la meilleure musique de film et aux Critics’ Choice Awards le prix de la meilleure direction artistique. Ce long-métrage renforce à nouveau la présence de Chazelle en tant que metteur en scène accomplit. Après Whiplash, La La Land, et First Man, Babylon met en avant un réalisateur franco-américain qui s’impose depuis 2014 sur la scène hollywoodienne. Ainsi, quelle est la recette Chazelle qui semble si bien fonctionner ?
Les débuts d’un jeune passionné par le jazz et les films
Chazelle est né à Rhode Island en 1985 d’un père franco-américain et d’une mère américaine. Son père est un célèbre professeur à Princeton connu pour ses prouesses informatiques et mathématiques, et sa mère est historienne. Durant son enfance, il baigne dans une double culture, dans les livres et la musique, notamment le jazz et le blues pour lequel il se passionne et devient batteur durant son adolescence.
Il développe un goût pour le cinéma à l’adolescence, à partir de ses 13 ans, année qu’il a passée en collège privé à Paris. C’est là où il a découvert la scène culturelle et artistique envoûtante parisienne qui renforce sa passion pour le cinéma.
Il obtient un diplôme en cinéma à Harvard, où il rencontre son futur compositeur de bandes originales, Justin Hurwitz, son colocataire de chambre. Ses études vont aussi lui révéler un intérêt particulier pour les comédies musicales.
Il réalise en 2009 son premier court métrage lorsqu’il est encore étudiant à Harvard dans le cadre de son projet de fin de programme, intitulé « Guy and Madeline on a Park Bench » qui se révèlera être un premier aperçu d’un film qu’il réalisera des années plus tard, La La land. Le film n’est pas grandement diffusé mais introduit Chazelle au public et attire l’œil de Stanley Tucci. Il écrit ensuite durant les prochaines années les scénarios d’autres courts-métrages : Grand Piano, Le Dernier Exorcisme 2, Whiplash.
Propulsé vers le succès hollywoodien
En 2014, Chazelle se révèle à seulement 29 ans sur la scène internationale avec Whiplash, son premier long métrage qui est une adaptation de son court-métrage du même nom. Whiplash met en scène l’histoire d’un jeune batteur (Miles Teller) dans une école de musique prestigieuse à NY qui intègre le meilleur orchestre de jazz de l’école, dirigé par le tyrannique Terence Fletcher (J.K Simmons)
Le film met en lumière la relation tumultueuse et conflictuelle entre le professeur et son élève qui s’implique corps et âme pour réussir malgré les insultes constantes infligées par Fletcher. Obsession et dévotion à l’excellence, rôle de la peur dans la réussite artistique, scènes de musiques effrénées… Chazelle expose la dure réalité de l’apprentissage artistique et renforce ainsi sa propore signature cinématographique. Le film remporte le grand prix du jury au festival du cinéma américain de Deauville. Chazelle s’immisce ainsi dans l’univers hollywoodien et goûte au succès.

Miles Teller (à gauche) et J.K Simmons (à droite) dans Whiplash |Daniel McFadden / Sony Pictures Classics / Everett
En 2016, il présente son nouveau long-métrage, La La Land qui remporte 7 Golden Globes et est nominé dans 14 catégories aux Oscars. La La Land est une comédie musicale affichant Ryan Gosling et Emma Stone dans un univers de Los Angeles particulier mais qui présente l’une des réalités de cette ville. Chazelle dépeint la ville à travers « l’étrange forme des autoroutes si tortueuses et qui dessinent un horizon interminable, l’étroitesse des trottoirs, les palmiers en forme de cure-dent, et le ciel si large avec cette lumière unique” (Chazelle pour Le Monde). Le film met en scène les méandres de la relation entre une jeune actrice et un musicien de jazz qui voient leurs aspirations artistiques mises à l’épreuve dans leur quête d’amour et de succès. La comédie musicale est en fait une représentation des espoirs et désirs de Chazelle : le personnage de Ryan Gosling incarne l’idéal que Chazelle s’est construit de lui-même. « De cette obsession fertile, j’ai réalisé un film.» (Chazelle pour Le Monde). On retrouve, comme dans Whiplash, la nostalgie de l’époque où le jazz était omniprésent, et un reflet des illusions hollywoodiennes actuelles. Son film remporte des prix à la Mostra de Venise, l’Oscar du meilleur réalisateur, qui rend Chazelle le plus jeune réalisateur à remporter ce prix, l’Oscar de la meilleure actrice pour Emma Stone, Oscar de la meilleure musique de film…

Emma Stone (à gauche) et Ryan Gosling (à droite) dans La La Land | Studiocanal
Puis, en 2018, Chazelle frappe encore avec First Man, un long-métrage inspiré de la biographie de Neil Armstrong et décrivant les évènements autour de la mission Apollo 11. A l’affiche, Ryan Gosling dans le rôle d’Armstrong, Claire Foy et Jason Clarke. Chaos, deuil, rebondissements : Chazelle met en scène une sombre réalité mélodramatique, affichant ses capacités pour explorer un univers différent que celui d’Hollywood. Le film est récompensé aux Golden Globes et aux Oscars. Chazelle affirme sa place et montre que l’aventure n’est pas finie pour lui, réalisant succès sur succès.

Ryan Gosling dans First Man | TIFF
Cette année, il présente Babylon, long-métrage décrivant l’univers d’Hollywood dans les années 1920, à travers les aventures de trois personnages, interprétés par Margot Robbie, Brad Pitt et Diego Calva, en quête de succès. Chazelle dépeint des tableaux d’Hollywood différents à chaque scène, avec un accent sur la psychologie des rêveurs hollywoodiens. Tout au long du film, Chazelle scénarise une situation chaotique qui tourne à la catastrophe pour devenir un enfer. Ce film est une métaphore de la disparition du vieil Hollywood submergé par les blockbusters. Bien que certains comparent Babylon à Once Upon a Time in Hollywood, la patte de Chazelle est bel et bien présente et met davantage en lumière son génie en tant que réalisateur. Le film n’est cependant pour l’instant pas reçu avec acclamations et divise les critiques.

Margot Robbie dans Babylon | Scott Garfield
La magie Chazelle
Bien que tous ces films aient reçu des critiques, fassent l’objet de controverses, et ne soient pas adaptés à tous les goûts, il est indéniable que Damien Chazelle est un réalisateur hors pair qui réalise des projets cinématographiques à couper le souffle par leur brutalité, leur réalisme et leur formule artistique si particulière. Que nous réserve Chazelle pour la suite ?
Tiphaine Gourgues
Sources :
Photo de couverture : Damien Chazelle sur le plateau de Whiplash, Sony Pictures Classic
https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/08/30/pour-l-ouverture-damien-chazelle-envoie-la-mostra-de-venise-dans-l-espace_5347810_3476.html https://www.liberation.fr/cinema/2019/01/02/damien-chazelle-le-taf-des-heros_1700727/