Le Maître de l’Outrenoir

Lors de vacances familiales à Rodez , ma mère et moi avons visité le Musée Soulages, la maison de plus de 500 œuvres du célèbre artiste français, Pierre Soulages.

Je me souviens que le bâtiment du musée était une œuvre en elle-même, avec son architecture brutaliste composées de blocs oblongs parallèles en acier. Mais je me souviens aussi que nous n’avons pas tellement aimé ses œuvres. 

Sa mort récente, le 26 octobre dernier, m’a incité à m’interroger sur les raisons pour lesquelles je n’aimais pas tant ses œuvres lorsque je les ai observées. 

En me renseignant un peu sur la vie de Soulages, je me suis rapidement rendue compte que je n’étais pas époustouflée car je manquais d’informations cruciales sur sa carrière. Je n’en savais pas assez sur son processus artistique, son histoire de vie en tant qu’artiste, et les pensées derrière chaque peinture. 

Ainsi, maintenant, au moment de sa mort, je me suis plongée dans la vie de cet artiste remarquable et j’en suis ressortie incroyablement fascinée et inspirée, tout comme il a fait ressentir cette contemplation époustouflante à tant de gens à travers le monde.

Qui était Pierre Soulages ? 

Peintre, graveur et sculpteur français, Soulages est né à Rodez dans l’Aveyron dans le sud de la France en décembre 1919.

Au fil des décennies, il a effectué des rétrospectives à travers le monde, de Houston à Séoul. Il a notamment été acclamé pour une grande rétrospective remarquée en 2009-2010 au Musée National d’Art Moderne au Centre Pompidou, qui qualifie Soulages de « peintre français vivant le plus connu ». 

« Peinture 200 x 162 cm, 14 mars 1960 » est son tableau le plus cher jamais vendu à 9,6 millions d’euros.

Il faisait partie du mouvement du ‘Tachisme’, initié à Paris après la Seconde Guerre mondiale et dans les années 1950. Le Tachisme relève du grand mouvement français connu sous le nom d’Art Informel, qui a abandonné l’abstraction géométrique au profit d’une forme d’expression plus intuitive. Les tachistes travaillent avec un pinceau chargé, produisant de grandes œuvres composées de coups de pinceau rapides, de gouttes, de tâches et d’éclaboussures de couleur.

Pour comprendre les œuvres de Soulages, il faut comprendre la manière dont il est devenu maître de la couleur noire. 

Dès l’âge de six ans, il a entrepris de dessiner des lignes épaisses à l’encre noire, qui se sont développées au cours de sa vie et sont devenues des noirs profonds qui parviennent à absorber chacune de ses peintures, ainsi que les vêtements qu’il porte – le noir était son obsession. 

Mais pour Soulages le noir signifie plus qu’une simple couleur.

Pour la majorité, le noir incarne une idée de tristesse, d’obscurité et de mort, mais pas pour Soulages. En effet, il utilise le noir comme un moyen de créer de la lumière, grâce à la capacité de cette couleur à se refléter, à transformer et transmuter la lumière qu’elle capte.

Il a nommé cette pratique « Outrenoir ». Les stries sur la surface noire de ses peintures lui permettent de réfléchir la lumière, permettant au noir de sortir de l’obscurité et devenir ainsi une couleur lumineuse – la couleur de l’Outrenoir.

Soulages a découvert la technique en 1979 lorsqu’il travaillait sur une peinture qu’il considérait ratée, jusqu’à ce qu’il se rende compte que la peinture était réfléchissante, et que la lumière provenait d’une couleur considérée comme  «l’absence de lumière». 

La réflexion des spectateurs ainsi que les changements de luminosités à travers une journée font partie de l’art et, selon lui, créent « un nouvel espace mental ».

De plus, il aimait les juxtapositions et la texture – utilisant des pinceaux spécialement préparés, des couteaux pour palette et des ustensiles domestiques, pour créer des textures complexes, combinant des zones de douceur et de rugosité.

Comme Macron l’a déclaré en lui rendant hommage, Soulages pourrait réinventer le noir en révélant la lumière. Au-delà de l’obscurité, ses œuvres sont des métaphores vivantes à partir desquelles chacun peut puiser de l’espoir.

Rétrospection

Lors de ma visite à la galerie, il y a toutes ces années, je pense que je n’avais pas compris l’intérêt de l’art abstrait. 

Je ne comprenais pas l’utilité de l’art abstrait et quel était son but. Mais, maintenant je comprends que c’est là que je me suis trompée. 

Soulages m’a montré que tout est une expérience poétique. L’art n’a pas besoin d’être expliqué. Ceci est renforcé par les titres de ses œuvres, qui sont simplement nommées par leur taille et la date de leur création. Elles ne représentent pas quelque chose, elles présentent quelque chose – un sentiment, une expérience ou une pensée.

Ainsi, avec du recul, je me demande comment j’ai pu considérer à l’époque que je n’étais pas une avide adoratrice de ses œuvres. Aujourd’hui je peux affirmer avec confiance que j’ai une nouvelle admiration pour la vie et la carrière de cet artiste impressionnant. Il m’a offert une toute nouvelle manière de voir l’art, et pour cela, je l’en remercie. 

Amber Bennet

Photo de couverture:  https://www.britannica.com/biography/Pierre-Soulages

Sources

https://www.vogue.fr/vogue-hommes/article/pierre-soulages-maitre-outrenoir

https://www.theguardian.com/artanddesign/2022/oct/26/pierre-soulages-obituary

https://www.britannica.com/art/Tachism

https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/peinture/quand-pierre-soulages-definissait-l-outrenoir-un-autre-pays-que-celui-emotionnel-du-noir-simple_5441179.html