Au moins 50 personnes ont été tuées et plus de 300 blessées lors des manifestations anti-gouvernementales qui ont eu lieu dans tout le pays le 20 octobre 2022. Avec des tensions qui n’ont jamais été aussi fortes, nous nous demandons comment le Tchad en est arrivé là.

« En 31 ans, nous n’avons vu aucun changement positif dans notre pays. » Ce sont les mots d’un manifestant qui est descendu dans la rue le 20 octobre 2022, jour où le président Mahamat Déby devait quitter son poste de dirigeant de transition après avoir succédé à son défunt père l’année dernière. Le 1^er octobre, cependant, Déby Jr. a prolongé son mandat de deux ans, déclenchant les manifestations les plus meurtrières à ce jour. Quelle est donc l’histoire derrière ces protestations ? Que s’est-il passe jeudi dernier ? Et que réserve l’avenir au Tchad ?

Mahamat Déby (à droite) a été félicité par son père, Idriss Déby (au centre), lorsque les forces tchadiennes sont revenues du Mali en 2013. Ils avaient tous deux 37 ans lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir, Mahamat en 2021, Idriss en 1990. [BBC / AFP]

Tel Père Tel Fils

Il y a 32 ans, Idriss Déby a pris le pouvoir à la suite d’un coup d’état militaire, après des décennies de guerre et d’instabilité qui avaient frappé le Tchad depuis son indépendance de la France en 1960. Bien qu’il ait techniquement introduit un système multipartite, son régime a vu une répression brutale de l’opposition, l’expansion des forages pétroliers, et une corruption généralisée. Une autre guerre civile a éclaté en raison du débordement du Darfour au Soudan, et Déby a entamé de multiples opérations militaires contre les rebelles et les terroristes. En avril 2021, alors qu’il commandait des troupes combattant le groupe rebelle FACT (fondé en 2016), Déby a été tué au combat.

Puis le fils prodigue est revenu. Déby Jr a été nommé président de transition et a accepté de se retirer après 18 mois et de ne pas se présenter aux élections. En août 2022, un accord de paix a été signé entre le nouveau gouvernement et des dizaines de groupes rebelles (à l’exclusion du FACT), ce qui a conduit à un dialogue national retardé. Ce mois-ci, M. Déby Jr a mis ses soutiens internationaux (comme la France) dans l’embarras et a suscité la colère des Tchadiens en prolongeant son mandat, faisant craindre que, comme son père, le nouveau président ait l’intention de diriger le Tchad aussi longtemps qu’il le pourra d’une main de fer.

Les Wakit Tama sont l’un des groupes d’opposition qui ont mené de vastes manifestations contre la France pour son soutien au gouvernement militaire de transition en mai 2022 ; le sentiment anti-français s’est accru dans tout le Sahel. [RFI / Madijasra Nako]

Ils Tuent Notre Peuple

Les groupes d’opposition, comme les Transformateurs, le Parti socialiste sans frontières et le parti Wakit Tamma, ont été suspendus en raison du couvre-feu imposé à la suite des manifestations. Les gens ont manifesté à Moundou, Doba, Koumra et dans la capitale, N’Djamena. Des pneus ont été incendiés et des barricades érigées pour bloquer la circulation. Des grenades lacrymogènes ont été entendues dans toute la ville. Un médecin de l’hôpital Union Chagoua a confirmé qu’au moins cinq personnes avaient été tuées par des coups de feu. « Ils nous tirent dessus. Ils tuent notre peuple », a déclaré un membre du parti Transformers. La répression meurtrière a été condamnée dans le monde entier. Le Premier ministre Saleh Kebzado, qui était dans l’opposition avant d’accepter un rôle dans le gouvernement de Déby Jr en août, a vu le siège de son parti UNDR attaqué par ceux qui le considèrent comme un traître. La situation reste tendue alors que Deby Jr tente de sauver la face tout en contenant le soutien de l’opposition. Kebzado a annoncé qu’environ 50 personnes étaient mortes, mais le véritable bilan, incluant certains membres des forces de sécurité, pourrait être beaucoup plus élevé.

Le président Macron a accueilli Deby Jr à l’Élysée en novembre 2021 [AP / Michael Euler]

Retour À La Normale ? 

Le Tchad est une nation enclavée au milieu du Sahel où 42% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les maladies, la désertification rapide, le changement climatique, l’afflux de réfugiés et l’insécurité alimentaire sont des menaces majeures pour le peuple tchadien qui a subi des décennies d’instabilité. Ce dont ils n’ont pas besoin, c’est d’un autre dictateur corrompu qui règne sur un pays mais ne fournit rien à sa population. Bien que la communauté internationale se concentre sur les conflits qui font rage dans la région, ces questions socio-économiques devraient être prioritaires – de cette façon, alors que le Tchad cherche à déterminer sa direction politique, la population ne serai pas contraintes à souffrir de cette transition.

37,8 % des enfants de moins de 5 ans souffrent d’un retard de croissance et 2,1 millions d’entre eux devraient souffrir d’insécurité alimentaire. [World Food Programme]

Omar Khan

Photo de couverture: Des manifestants à Moundou, la deuxième plus grande ville du Tchad [Hyacinthe Ndolenodji / REUTERS]

Sources:

https://www.wfp.org/countries/chad

https://www.bbc.co.uk/news/av/world-africa-63380147

https://www.africanews.com/2022/10/21/normalcy-slowly-returns-in-chad-following-deadly-protests//

https://www.voanews.com/a/chad-imposes-curfew-after-50-killed-in-crackdown-on-protests-/6800143.html

https://edition.cnn.com/2022/05/16/africa/chad-disperse-anti-french-protest-intl/index.html

https://www.aljazeera.com/news/2022/10/20/clashes-chad-protesters-demand-transition-civilian-rule