À la suite de la mort de la jeune Kurde Iranienne Mahsa Amini en septembre 2022, une vague de manifestations anti-gouvernementales organisées par des femmes s’est répandue à travers l’ensemble du territoire iranien.
Le 15 septembre dernier, une jeune femme Kurde Iranienne de 22 ans est morte après 3 jours de coma suivant son arrestation par la police des mœurs iranienne, accusée d’avoir enfreint le code vestimentaire en omettant de porter un voile. L’annonce de son décès, qui symbolise encore une fois la soumission forcée des femmes iraniennes aux lois strictes sur leur conduite, a provoqué une colère généralisée de la part des femmes qui s’ensuivit de manifestations anti-gouvernementales persistant encore aujourd’hui.
Des iraniennes oppréssées
Selon la loi iranienne, les hommes et les femmes sont protégés et traités de manière équitable. Cependant, cette même loi discrimine les femmes en les obligeant à suivre un code vestimentaire stricte. En effet, le port du hijab a été rendu obligatoire en 1979. De plus, selon le code de conduite iranien, les femmes sont également contraintes à demander permission à leur mari dans leur vie quotidienne, comme pour obtenir un emploi ou un passeport. Ainsi, une restriction du droit des femmes s’opère en Iran, notamment depuis l’émergence de la République Islamique en Iran en 1979. De plus, les politiques et réglementations à l’encontre de la liberté des femmes se sont multipliées depuis l’élection du président Ebrahim Raïssi en 2021.
Un premier mouvement social des femmes en Iran d’une ampleur sans précédent
Les manifestations ont donc débuté en septembre 2022 à Saqez, lieu de l’enterrement de Mahsa Amini, puis à Sanandaj, la capitale de le province iranienne du Kurdistan, et se sont rapidement répandues dans les 31 provinces du pays et même à l’international. Un unique slogan retentit lors de ces manifestations anti-gouvernementales, faisant appel à la liberté des femmes et se positionnant contre l’omniprésence du fondamentalisme religieux : Femme ! Vie ! Liberté ! (Jin! Jiyan! Azadî!). L’ampleur inédite de ce mouvement de contestation surpasse les vagues de manifestations que le pays a connu auparavant (en 2017-2018, 2019 et 2020). En effet, jamais les femmes iraniennes n’avaient été initiatrices et activistes d’un mouvement d’une telle envergure précédemment. De plus, ce mouvement anti-gouvernemental est en grande partie mené par de jeunes femmes de la Génération Z ce qui a permis aux manifestations de se propager sur les réseaux sociaux.
Les actions anti-gouvernementales se multiplient à Sanandaj et Téhéran, les théâtres principaux des manifestations. Dans la rue et dans les universités et écoles, femmes et filles enlèvent leur hijab, coupent leurs cheveux et scandent fièrement leur devise ainsi que des slogans directement dirigés à leur chef d’État tels que « mort au dictateur ». Ces manifestations sont violentes et meurtrière, et les forces de l’ordre n’hésitent pas à tirer et lancer des bombes de gaz lacrymogène sur la foule, et certains policiers agressent physiquement les manifestantes. Le bilan effectué par Iran Human Rights le 4 octobre comptabilise 154 morts. Le gouvernement bloque également l’accès aux réseaux sociaux et à internet pour empêcher les manifestantes de communiquer entre elles et pour mieux contrôler les informations et images diffusées. Ainsi, ces manifestations témoignent du soulèvement national qui prend place en Iran. “This is an uprising demanding the end of the Islamic Republic. And that is something completely different to what we’ve seen before.” (Il s’agit d’un soulèvement exigeant la fin de la République islamique. Et c’est quelque chose de complètement différent de ce que nous avons vu auparavant.) a déclaré Roham Alvandi, professeur à la LSE.
Élèves d’un lycée pour filles à Téhéran faisant un doigt d’honneur devant les fondateurs de la Republique ismalique d’iran SALAMPIX/ABACA
Un soulèvement initialement national qui se propage à l’international
Les réactions internationales défilent face à l’ampleur de ce mouvement de contestation. Tout d’abord les iraniennes basée à l’exterieur du territoire se révoltent dans leur lieu d’habitation, tel que la Turquie ou la Malaysie. D’autre part, L’ONU s’est engagé à effectuer une enquête sur la mort de Mahsa Amini. Le gouvernement britannique, qui s’est grandement impliqué dans ce conflit, tente de parlementer avec le gouvernement iranien afin de réduire les violences policières. Effectivement, le Royaume-Uni est investi depuis plusieurs années dans les droits humains en Iran et a précédemment sanctionné des diplomates ainsi que la police des mœurs. De même, la participation de l’Iran à la Coupe de Monde De Football prenant place au Qatar est remise en question. Du coté français, Emmanuel Macron soutient les manifestantes. De manière très claire, la France condamne la répression menée aujourd’hui par le régime iranien » a dit le président français sur France2 le 12 octobre. En outre, le Conseil Européen définira des sanctions le 21 octobre. Des diplomates et politiciens ont également prononcé individuellement leurs opinions lors de congrès ou assemblées. En effet, Abir al-Sablani, membre suisse du parlement européen, a coupé ses cheveux lors d’un discours devant l’assemblée. Enfin, ce soulèvement national a des répercussions internationales notamment auprès de certains pays majoritairement islamistes qui remettent en cause la religion dans leur pays.
Ainsi, un soulèvement national d’une envergure jamais connue auparavant s’opère en Iran à la suite de la mort de Mahsa Amini. Son caractère est inédit de part le fort positionnement des femmes et les actions contestataires qu’elles mettent en place. Au cœur des manifestations, un véritable choc des générations a lieu pour la première fois depuis la révolution de 1979, rassemblant des femmes de tout âge et milieu social. De plus, certains hommes manifestent en soutien à leurs femmes. Ces mouvements contestaires sont fortement réprimés par les forces de l’ordre qui use de la violence comme ultime solution. L’engouement puissant de ce soulèvement témoigne des années de répression subie par les femmes, et démontre que la mort de Mahsa Amini a été la goutte d’eau qui les a poussé à se révolter avec une telle force d’esprit. “Ce qu’ils chantent dans les rues, c’est la liberté, les droits des femmes et le renversement du gouvernement” (Negin Shiraghaei pour la BBC).Cependant, malgré l’ampleur de ce mouvement de contestation anti-gouvernemental, les manifestations vont-elles réellement permettre aux femmes iraniennes d’obtenir la liberté qu’elles réclament ? Vont-elles suffire pour contredire le gouvernement et les valeurs du pays ?
Tiphaine Gourgues
Photo de couverture: Iranienne vivant en Turquie qui se coupe les chevuex lors d’une manifestation devant le consulat iranien à Istanbul © Yasin AKGUL / AFP.
Sources:
https://edition.cnn.com/2022/10/13/middleeast/iran-protests-national-uprising-cmd-intl/index.html
https://www.bbc.com/afrique/monde-63171801
https://commonslibrary.parliament.uk/mahsa-amini-protests-in-iran-2022/