Chaos à Cuba: la suite tendue des manifestations anti-gouvernement

Le gouvernement communiste a commencé à poursuivre les Cubains qui sont descendus dans la rue l’année dernière. En juillet 2021, des centaines de personnes à travers le pays ont manifesté contre la mauvaise gestion de la pandémie et les pénuries de nourriture et de médicaments. Que réserve l’avenir pour le peuple cubain, et pour sa relation complexe avec le parti unique à la tête de l’État ?

« Il n’y a pas de soulèvement social » avait déclaré Bruno Rodríguez, le ministre des affaires étrangères alors que des milliers de personnes rejoignaient les plus grandes manifestations que Cuba ait connu depuis des décennies. Le gouvernement du président Miguel Díaz-Canel (le premier non-Castro à diriger la nation) maintient que les protestations de juillet dernier étaient une « opération de communication » financée par les États-Unis et coordonné par une campagne « perverse » sur les réseaux sociales. Sans surprise, les centaines de personnes arrêtées ne sont probablement pas d’accord. L’année dernière, les Cubains sont descendus dans la rue pour protester contre les pénuries de nourriture, d’eau et de médicaments, alors qu’une vague de cas de COVID-19 fragilisait le système de santé. Comment La Havane a-t-elle réagi aux protestations ? Le régime communiste est-il menacé ? Et le peuple prendra-t-il à nouveau des mesures aussi radicales ?

Sédition et Vandalisme

En janvier 2022, le bureau du procureur général a annoncé que 710 personnes faisaient l’objet d’accusations allant du vol à la sédition. Nombre de ces personnes sont maintenues en détention dans l’attente de leur procès. Selon le groupe de défense des droits de l’homme, Justicia 11J, les peines infligées aux accusés varient de quatre à trente ans. Plusieurs familles se sont plaintes de l’opacité du système judiciaire, de l’iniquité des procès collectifs et de la longueur disproportionnée des peines de prison. Bien que le gouvernement ait assuré que les droits des accusés étaient respectés, il a néanmoins été critiqué, notamment par l’ambassade des États-Unis à La Havane, pour la sévérité de sa réponse. Le père d’un jeune homme de 21 ans qui a été condamné à 23 ans de prison pour sédition déclare que sa famille est « dévastée ». Il poursuit : « Nous avons les mains et les pieds liés parce qu’il n’y a personne vers qui nous tourner »

Miguel Diaz-Canel (à gauche) a succédé à Raul Castro (à droite) comme président en 2018 et comme chef du parti communiste en 2021 [BBC / Getty Images]

La Havane s’effondre 

En juillet 2021, même le gouvernement cubain ne pouvait prétendre que la situation économique était bonne. Mais, contrairement à la population qui blâmait les politiciens, ces politiciens ont accusé l’embargo américain. La mort du tourisme causée par la pandémie de COVID-19 a durement touché Cuba, exacerbant les problèmes d’inflation rapide, de pénurie de fournitures et de coupures de courant. En 2020, le gouvernement a commencé à ouvrir des magasins pour que les Cubains puissent acheter des produits de première nécessité en devises étrangères – mais le fait que les locaux soient payés en pesos a suscité la colère de beaucoup. Les files d’attente se sont allongées et les médicaments comme l’aspirine ont commencé à manquer – même le pain a dû être fabriqué à partir de citrouilles en raison de la pénurie de farine de blé. Le gouvernement a ensuite annoncé de sévères restrictions sur le dollar américain, la principale devise utilisée pour les envois de fonds de l’étranger. Les messages #SOSCuba se multiplient à mesure que la situation du COVID-19 se détériore et que des records sont battus en termes d’infections et de décès quotidiens. Bien que le président Díaz-Canel ait souligné que Cuba avait mis au point son propre vaccin, l’utilisation de celui-ci était limitée. Alors que de plus en plus de personnes descendent dans les rues en scandant « Libertad !», un manifestant a crié à travers son masque noir : « Nous sommes ici à cause de la répression contre le peuple, ils nous font mourir de faim. La Havane s’effondre. »

De nombreuses manifestations pro-gouvernementales ont également eu lieu l’année dernière [REUTERS/Alexandre Meneghini]

La Révolution Contre la Révolution

En 1994, sur le front de mer du Malécon à La Havane, des manifestants ont appelé à la liberté après l’effondrement du principal allié économique de Cuba, l’Union soviétique. Mais très peu de Cubains en dehors de la capitale ont vraiment su ce qui s’était passé. Aujourd’hui, cependant, les gens ont internet. La libéralisation progressive de Raúl Castro a permis aux Cubains d’accéder à Facebook, Twitter et Instagram. Des journalistes et des militants ont fait campagne sur les médias sociaux et, en juillet de l’année dernière, certains ont utilisé ces plateformes pour coordonner et faire connaître les manifestations. Malgré le dégel cubain sous le président Barack Obama, l’île a été confrontée à un isolement croissant ces dernières années. S’il est clair que l’avenir de l’embargo relève de la responsabilité internationale, la situation intérieure reste tendue. Les manifestations sont illégales à Cuba et la répression communiste a été sévère, mais deviendra-t-elle encore plus sévère ? Les craintes de nouvelles restrictions des libertés ont suscité de vives inquiétudes dans le monde entier, mais ces mesures pourraient-elles seulement encourager davantage de personnes à protester à l’avenir ? Comme il est difficile de faire des prédictions, de nombreux observateurs internationaux et de nombreux Cubains, ne peuvent que retenir leur souffle pendant que La Havane prend sa décision. 

Omar Khan

Photo de couverture: Un manifestant cubain est arrêté en juillet 2021 [Al Jazeera]

Références :

https://www.bbc.co.uk/news/world-latin-america-60124600

https://www.bbc.co.uk/news/world-latin-america-57802170

https://www.bbc.co.uk/news/world-latin-america-57823130

https://www.aljazeera.com/news/2021/7/24/nearly-60-prosecuted-over-cuba-demonstrations-says-top-official