Sergueï Tikhanovski, dissident politique et candidat aux élections de 2020, est condamné à 18 ans de prison. En même temps, les relations entre la Biélorussie et l’UE se sont empirées davantage à cause de la crise migratoire.
« C’est la vengeance de Loukachenko » dit Svetlana Tsikhanovskaïa, leader de l’opposition et épouse de Tikhanovski. L’activiste, maintenant réfugiée en Lituanie, soutient que le tribunal a été manipulé par le régime. Maintenant plus que jamais, elle invite les pays de l’Union Européenne à renforcer les sanctions contre la Biélorusse. On doit éviter la normalisation de ce type d’évènement.
Comment en est-on arrivé là ?
Le verdict, qui a été prononcé contre cinq autres personnes (parmi eux Mikola Statkevich, candidat aux élections de 2010) n’arrive pas inattendu. Dès le lendemain de l’annonce de sa candidature, le blogueur digitale (précédemment connu pour sa chaîne « Страна Для Жизнь » or « Pays Pour la Vie ») a été rapidement arrêté.
Ce qui c’est passé pourrait être considéré comme tragique pour tous les partis impliqués. Tsikhanovskaïa décide de continuer la campagne électorale contre le dictateur. Quand Loukachenko annonce la victoire avec 80.2% des votes, toutefois, le chaos commence. Les fraudes massives dont le régime est accusé relancent la colère du peuple biélorusse, qui fait face à une forte répression. D’ailleurs, la Biélorusse de Loukachenko, alliée avec la Russie de Poutine, est déterminée à ne pas voir un autre Euromaïdan. Mais les événements ne passent pas inaperçus à l’âge d’internet et les réseaux sociaux. En septembre 2020, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme reconnait des centaines de cas de torture et de viole par la police Biélorusse.
Pour la première fois depuis des décennies, le regard de l’Occident se pose sur la Biélorusse, le pays entre Russie et UE ; le pays dès longtemps ignoré parce que considéré de faible importance pour le destin de la politique européenne et mondiale ; le pays qui était silencieux en 2013 quand son voisin, l’Ukraine, était en train de trembler et de redéfinir les relations entre Russie et Occident.
Etats-Unis, Union Européenne, Canada, Royaume Uni et même la Suisse; la majorité de l’ Ouest impose des sanctions économiques contre le régime soutenu par Poutine. Quand presque un an après, en mai 2021 le « Ryanair Flight 4978 » est dérouté à Minsk et deux dissidents politiques sont arrêtés, presque tous les pays occidentaux décident d’annuler définitivement tous les vols vers le pays.
C’est à ce moment-là que Loukachenko menace « d’inonder l’Europe avec les migrants et la drogue » si les nouvelles sanctions ne seront pas levées. Mais quand les gens commencent à s’amasser vraiment aux frontières orientales européens, l’UE est surprise. Les journaux sont divisés. D’où viennent ces centaines de personnes ?
La crise à la frontière polonaise. Que se passe-t-il ?
L’UE accuse Loukachenko de faire du trafic d’humains. Selon l’Union Européenne, la décision soudaine de la Biélorussie de faciliter le tourisme entre le pays et plusieurs autres au dehors de la sphère occidentale est essentiellement destinée à attirer les migrants et déstabiliser les frontières. Également, la BBC maintient que les agences biélorusses ont délibérément mal informé le public de Turquie, Irak, Liban et UAE et leur ont promis de pouvoir facilement arriver dans l’Union.
« La nuit, ils nous ont chargés en trains et indiqué la direction pour traverser la frontière » dit un des migrant à la BBC dans un interview. Un autre affirme que les pays « jouent au foot » avec eux. La Pologne veut défendre ses frontières et refuse de faire entrer les réfugiés. La Biélorussie ne leur permet pas de retourner à Minsk. Le résultat pour les migrants-piétons, c’est une espèce de limbes. Entre temps, ils restent dans le froid et on a déjà des nouvelles des premiers morts, même s’il est difficile de les quantifier.
Mais même si les chiffres sont imprécis, on estime qu’il y a environ 4000 personnes aux frontières. Le chiffre, même si impressionnant, reste plutôt bas comparé au nombre de migrants qui arrivent par la route « du sud ». La décision de fer par l’UE de n’accueillir que les migrations « orientales » comme celles du « sud » est donc partiellement justifiée par des motivations politiques : on doit contraster le harcèlement de Loukachenko. Si on accepte d’aider les migrants, ça aiderait le dictateur. En attendant, les conséquences pour les migrants sont inquiétantes.
Comment se défend la Biélorusse de Loukachenko ?
115 ans après sa fondation, le journal « Nasha Niva » a été aboli le 23 Novembre pour son rôle « extrémiste ». Ce n’est pas le seul qui a eu ce destin. En face, que disent les journaux pro-Loukachenko ?
Sur « Sovetskaya Belorussiya – Belarus Segodnya », le journal officiel de l’administration présidentielle, par exemple, on peut lire un article du 19 décembre qui accuse la Pologne de crimes contre l’humanité. Un peu ironique. Selon le journal, un jeune soldat polonais a demandé asile politique à la Biélorussie pour échapper du « régime » de son pays natale. « Ils torturent et battent les migrants » dit Emil Czeczko à Sovetskaya Belorussiya. « Nous avons l’ordre de tirer même sur les bénévoles » il ajoute encore, avant de comparer les polonais avec les nazis.
D’autre part, Le Figaro ramène la version du gouvernement polonais qui a « signalé la disparition » du soldat le 17. Selon la Pologne, la pauvre victime sauvée par la Biélorussie « avait de sérieux problèmes avec la loi et avait présenté sa démission de l’armée »
On pourrait dire, donc, que selon l’Ouest, un cas de peu de pertinence a tout simplement été manipulé et utilisé comme propagande. Qu’est-ce qui pose vraiment problèmes pour les pays Occidentaux?
Pourquoi cette crise est si importante
Encore une fois, les tensions entre l’Occident et la Biélorussie reflètent des tensions entre l’Occident et la Russie. Ce n’est pas un hasard si le 18 décembre la Russie a envoyé deux bombardiers à la Biélorussie, neuf jours après l’interception des avions américains et français en mer Noire par des chasseurs russes.
Le mouvement massif de troupes russes à la frontière Ukraine, en plus, a alarmé la NATO qui craint une invasion totale du pays de l’Euromaïdan par la Russie avec l’aide de Loukachenko au Nord.
Mais même si on est épargné, on peut déjà voir des effets. Selon le Moscow Times du 14 décembre, le pays est déjà en train de se préparer pour une désactivation totale du SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), un des principaux intermédiaires dans les transactions financières du globe. Le but serait de devenir complètement indépendant de l’Occident entière, même dans le cadre financier. Et peut-être se rapprocher encore plus de la Russie.
En attendant, on doit encore voir le jour où la Biélorussie sera célébrée par les titres occidentaux pour ses qualités et pas pour les tensions politiques ou pour la malheureuse crise humanitaire à ses frontières.
Leonardo Luciano
Photo de couverture: Sergueï Tikhanovski. Le dissident politique a été condamné le 14 décembre. Source: « Le Figaro ».
Pour en savoir plus:
https://www.politico.eu/article/svetlana-tikhanovskaya-urge-eu-lukashenko-crackdown-belarus/
https://www.themoscowtimes.com/2021/12/14/belarus-banks-readying-for-swift-shutdown-reports-a75808
https://www.svoboda.org/a/31615519.html
https://www.rferl.org/a/belarus-extremist-nasha-niva-newspaper/31575796.html
https://www.dw.com/en/polish-fm-advocates-most-severe-sanctions-against-belarus/a-60041490