Le 27 octobre, le Sénat italien « coule » la proposition de loi Zan (abrégée ddl Zan en Italien). Les images et la vidéo des sénateurs exultants à la suite du verdict font rapidement retentissement en Italie et en Europe, en causant l’hilarité ou la colère de ses habitants.
Les Parties Politiques
Comme on pourrait s’y attendre, la lutte parlementaire a vu la victoire des partis populistes de droite « Frères d’Italie » de Giorgia Meloni et « La Ligue » de Matteo Salvini. Mais étonnement, celle aussi du parti centriste « Italie vive » de Matteo Renzi. Mr Renzi, l’ancien président de gauche jusqu’en 2016, avait pourtant critiqué la proposition de loi et l’avait accusé de ne pas être représentative des compromis nécessaires entre le système de pluralisme politique.
Le « Parti Démocrate » de centre-gauche d’Enrico Letta et le parti populiste de gauche « Mouvement 5 étoiles » de Giuseppe Conte, pointent du doigt l’ex-Président Renzi et l’accuse de trahison. La décision de Mr Renzi de participer au projet urbain « Nouvelle Renaissance » financé par l’Arabie Saoudite et d’y partir le 27 Octobre pendant un débat virulent sur les droits civiques ne l’a pas aidé.
Par contre, la droite et le Vatican célèbrent le triomphe de la liberté d’opinion qu’ils soutiennent et qui a été mise en danger par la gauche.
Mais dans le chaos général, la colère et les accusations réciproques qui ont encore une fois assombri la scène politique italienne, la confusion domine et on en reste à se demander : qu’est-ce que c’est la ddl Zan ?
La Proposition de loi Zan
La proposition du 4 Novembre 2020, n. 2005 du parlementaire Zan visait à créer une législation protégeant la communauté LGBT et la collectivité des personnes handicapées. Le texte de douze pages suggérait de modifier l’article 604-bis de la loi Mancino du 25 juin 1993, n. 205.
Tout simplement, la loi Mancino est actuellement le statut qui règle et réprime les crimes de haine et d’incitation à la haine en Italie pour motivations raciales, ethniques, nationales et religieuses. La loi courante établit une peine de six mois à quatre ans à qui accomplit ou incite à des actes violents pour des motivations de nature racial ou religieuse et de zéro à dix-huit mois pour ceux qui propagent cette typologie d’idées violentes.
La proposition plus récente voulait premièrement rajouter aux crimes d’haine, tous ceux qui sont motivés par le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’invalidité de la victime. L’article 4, toutefois, dont clause sauvegarde le pluralisme d’idées tant qu’elles ne portent au concret accomplissement d’actes violents n’est pas suffisant pour rassurer Monsieur Salvini, lequel définit l’ordination un « bâillon ».
Le point donc indiqué le plus récurrent contre Salvini c’est qu’on ne devrait pas tolérer les intolérants, qu’il n’y aurait pas une liberté d’expression pour les violentes. D’ailleurs, Joan Locke et Jean-Paul Sartre nous ont déjà admonesté sur le paradoxe de la tolérance. D’autrefois, un des arguments le plus utilisé par les conservateurs c’est que la loi Zan ne respecte pas la liberté d’éducation en raison de l’épouvantable article 7.
Le plus controversé et écarté des articles prévoirait l’introduction de la journée nationale contre l’homophobie et la transphobie le 17 Mai. Même si la journée spéciale n’implique « une réduction du temps de travail » ni « des charges plus lourdes sur la finance publique », son annonciation a suffi pour terroriser Madame Meloni, qui juge la « propagande lgbt » et l’atterrissage de la « théorie gender » dans les écoles dégueulasse. Plus tard, dans un interview elle se défend en attaquant le « gouvernement hypocrite » qui condamne la Hongrie d’Orban mais refuse de sanctionner les pays homophobes à majorité musulmane.
Le Vatican
Mais Madame Meloni n’est pas la seule à être effrayée par l’article 7. Encore une fois, le concept de laïcité dans la sphère publique est ignoré complètement par le Vatican, qui a senti le besoin de sauver les pauvres âmes italiennes et les avertir sur les dangers de la loi pro LGBT.
Le 17 juin, le cardinal Paul Gallagher, secrétaire pour les relations avec les États, gronde l’État italien pour la loi qui risque de réprimer les catholiques. De plus, il ne manque pas de rappeler que la loi ne peut pas être approuvée légalement, tant que l’interdiction de discrimination pour les catholiques violerait les accords du Latran (1929).
Le traité, voulu par Mussolini et toujours en place, reconnaît pour la première fois le Vatican et lui garantit des privilèges au-dessus des droits. Entre autres, le concordat établit l’enseignement de la doctrine catholique dans les écoles de la République au détriment des contribuables et l’exemption de payer les impôts pour l’Eglise et ses employés.
Ce sont qui donc, les redoutable adversaires qui ont pris une station publique contre le Vatican ? Comment ont-ils exprimé leurs valeurs et tenté de sauver le monde tous ?
#DiamociUnaMano
En avril 2021, Vanity Fair lance une call-to-action pour soutenir la proposition de loi très discutée.
De la styliste Donatella Versace à l’activiste contre le féminicide Valentina Pitzalis, du chef Alessandro Borghese à la conductrice Benedetta Parodi, mais aussi l’astrologue Capitani et l’ancienne députée de droite Alessandra Mussolini, petite fille du dictateur. Un ensemble improbable et plutôt curieux de célébrités poste des selfies avec l’écrit « ddl Zan » sur la main. Les médias sociaux suivent et le hashtag devient populaire.

Pendant ce temps-là, le rappeur Fedez soutient publiquement la proposition de loi pendant le concert national pour la journée internationale des travailleurs et accuse la télévision italienne d’avoir tenté d’étouffer son discours. Il est aussitôt critiqué pour faire de la politique à la place d’exécuter sa tâche et de fêter les travailleurs.
Cependant, un scandale tombe en juillet. Malika Chalhy, la fille reniée par sa propre famille en tant que lesbienne et devenu symbole de la discrimination homophobe, a admit avoir utiliser l’argent des donations reçues pour acheter une Mercédès et un bulldog à €2500. Elle est immédiatement « cancelled » et devient le symbole du raté de la campagne pro LGBT.
La campagne continue. Et s’arrête enfin le 27 octobre. Ou pas.
Tourner la Page ?
Après l’échec du Sénat, des milliers de personnes se sont rassemblées sur les places des grandes villes.
Les plus grands journaux italients (Corriere della Sera, La Repubblica, La Stampa) crient à la honte.
Mais ce que Lady Gaga a défini « une catastrophe totale » dans la télévision italienne le 14 novembre, n’est, théoriquement, qu’un échec de 6 mois. Dès le 27 avril la campagne pourra continuer et une nouvelle loi pourra être proposée. Peut-être n’avons nous pas encore vu le dernier chapitre de la saga. En fait, Salvini et Renzi ont déjà confirmé qu’ils ont tous deux l’intention d’approuver une loi semblable dès que possible. L’hypothétique loi toutefois, ne devrait pas contenir le article 7 ou « menacer la liberté d’opinion ».
Cependant, ce n’est pas facile à être optimiste. L’Association internationale lesbienne et gay (ILGA) quantifie les droits LGBT en Italie en 2021 avec un pointage de 22%, derrière la Lituanie (23%) et avant l’Ukraine (18%). Le vote du Sénat Italien du 27 octobre peut ainsi être considéré comme un éloignement des valeurs européennes et comme le symptôme d’une époque plus cynique, dans laquelle il est difficile de voir l’Europe unie idéologiquement.
Leonardo Luciano
Image de couverture: photo de « Il Fatto Quotidiano »
Bibliographie
https://www.ilsole24ore.com/art/meloni-sul-ddl-zan-governo-ipocrita-AEFNpmU
https://www.vanityfair.it/show/agenda/2021/04/15/diamoci-una-mano-ddl-zan-appello-vanity-fair
https://www.ilga-europe.org/rainboweurope/2020
https://www.camera.it/parlam/leggi/deleghe/03215dl.htm
https://www.lastampa.it/asti/2021/10/29/news/ddl_zan_i_diritti_negati_-322629/
https://www.lefigaro.fr/flash-actu/italie-la-loi-sur-l-homophobie-bloquee-par-le-senat-20211027
https://www.bbc.co.uk/news/world-europe-56966359
https://www.theguardian.com/world/2021/oct/27/italy-senate-votes-down-anti-homophobic-violence-bill
https://www.ilpost.it/2021/10/29/ddl-zan-foto-manifestazione-milano/