Un Autre Printemps Arabe : les Protestations en Tunisie en sont-elles un présage ?

Il y a dix ans Mohamed Bouazizi, 26 ans, s’est immolé par le feu à Sidi Bouzid en Tunisie pour protester contre la situation économique affreuse et la dictature de Zine El Abidine Ben Ali qui s’était enfui du pays peu après la Révolution du Jasmin qui a suivit cette acte choquant. Le Printemps Arabe a été le mouvement le plus significatif de l’histoire récente et a changé le Moyen-Orient considérablement, mais si le but a été de clôturer l’époque des régimes autoritaires et améliorer la qualité de vie des gens, il est clair que ça a échoué. En Égypte un autre autocrate a remplacé le dernier, le Yémen et la Libye sont devenus des « états échoués » et souffrent actuellement des pires crises humanitaires du monde. Maintenant en Tunisie, le seul pays où la démocratie a duré, les gens protestent contre la situation économique affreuse et la corruption rampante – donc on doit se poser la question: y-aura-t-il un autre printemps arabe et qu’est-ce qui changera cette fois ?

Faim et Colère

« Les gens sont en colère. Ils veulent la vengeance contre l’état » a dit un chômeur qui proteste avec des centaines d’autres contre la pauvreté, la corruption et la brutalité policiaire. Depuis la révolution tunisienne qui a déclenché le Printemps Arabe, les gouvernements successifs n’ont pas bien géré l’économie ou réduit l’écart grandissant entre les riches et les pauvres ainsi quand la pandémie de COVID-19 est arrivée et a tué l’industrie de tourisme (vitale pour l’économie tunisienne), la situation s’est beaucoup détériorée. Le chômage est passé de 15% a 36% parmi les jeunes de 15 a 24 ans. Dans les quartiers les plus pauvres, presque un tiers des gens est devenu sans-emploi a cause de la réduction économique de 8,2% en 2020. Puisque la pandémie a fermé les petites opportunités de travailler et la brutalité de la police s’est intensifiée, il n’était pas possible de contenir la colère des gens. « Personne n’écoute ce que nous avons à dire » a ajouté un autre manifestant. Malgré la rhétorique du Printemps Arabe, la corruption parmi les politiques et la police est resté en particulier parce que les élections sont d’habitude sans conclusion véritable et parce que les cabinets des politiques bien intentionnés sont difficiles voire impossible a réaliser. La Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme a rapporté qu’un tiers des manifestant arrêtés sont des jeunes et n’ont pas d’entrées chez un avocat ou un médecin. Les syndicats de police puissants protègent ceux qui utilisent la force excessive et justifient leurs actions violentes. Pour finir la citation du chômeur: « Je ne mentirai pas, ils veulent une autre révolution. »

Les agents de sécurité affrontent les manifestants à Tunis en janvier 2021 [AFP/Fethi Belaid]

Silence Assourdissant

Bien qu’on puisse dire que les évictions d’Abdelaziz Bouteflika en Algérie et d’Omar al-Bashir au Soudan en 2019 ont été parties du Printemps Arabe, il est plus facile de dire que les motifs ont été semblables et que les manifestants s’inspiraient un peu de lui. Quant au reste de la région, y-a-t-il une étincelle qui pourrait déclencher une révolution ? Encore que la destitution de Ben Ali ait été importante, la démission d’Hosni Mubarak en février 2011 a été ce qui a enhardi le mouvement puisqu’il a démontré le réel potentiel du pouvoir populaire. Les acclamations sur la place Tahrir pourraient être entendues dans toute la région – bien aussi les cris de ceux s’opposant à l’éviction de Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu d’Égypte, après un coup d’état en 2013. Le silence assourdissant des gens souffrant sous la régime d’Abdel Fattah el-Sisi peut être entendu aussi mais, bien que certains fassent des comparaisons entre lui et Mubarak, el-Sisi a appris des erreurs commis par Mubarak ainsi il ne permettra pas les mêmes forces de monter contre lui.

Les manifestants en Égypte en 2011 [Illinois Library]

Il y a une règle simple concernant les dictatures : elles sont autorisées à réprimer les droits de l’Homme et la liberté de parole en échange de stabilité. La stabilité économique pour les gens du pays et politique pour le reste de la communauté internationale surtout les observateurs passionnés à l’Ouest et le Golfe. C’est la raison pourquoi Washington et l’Europe ferment les yeux face aux violations des droits humains. Pourtant, maintenant que le virus a perturbé cette stabilité, les prix de l’huile ont baissé et les gouvernements corrompus deviennent inquiets. Au Liban la corruption, et surtout l’incompétence du gouvernement face à la pandémie, a déclenché des protestations – des scènes semblables peuvent être vues en Irak et Libye ou les manifestants protestent pour le développement économique et la sécurité. Si le Yémen et la Syrie n’étaient pas engloutis par les guerres complexes et mortelles, on y verrait probablement des protestations en outre. C’est le début du Deuxième Printemps Arabe, oui ? Malheureusement il y a plusieurs problèmes. D’abord, quoique la pandémie soit une cause significative des protestations, elle les rend plus difficiles à organiser aussi. De plus, les régimes sont mieux préparés et utilisent mieux la technologie que les mouvements de protestation. 

Au Soudan la « marche des millions » coïncidait avec le 30e anniversaire du coup d’Etat d’al-Bashir de 1989 [Seena Khalil/Al Jazeera]
 

Espoir et Larmes

Le plus grand problème est aussi crucial qu’il y a dix ans : qu’est-ce qu’on fait après la révolution ? Les institutions de la dictature ne partent pas avec elle et le manque d’expérience du gouvernement des groupes d’opposition signifie que la stabilité et la liberté ne peuvent pas être obtenus en même temps. Il faut noter que le virus n’est pas un catalyseur même s’il pourrait l’être. Les motifs sont les mêmes mais l’inspiration doit être trouvée. Seulement après ceci, sera-t-il possible de réaliser les espoirs démocratiques et essuyer les larmes des opprimés. Jusqu’à ce moment, il semble que la révolution soit peu probable – puis encore, lorsque les manifestations ont commencé à Tunis en janvier 2011, les événements incroyables qui ont suivi semblaient tout aussi improbables. 

Omar Khan

Photo de couverture: Les manifestants d’Ettadhamen marchent vers le centre-ville à Tunis en janvier 2021 [VOA News]

Sources:

https://www.jeuneafrique.com/1111528/politique/tunisie-ce-que-revelent-les-violences/

https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/tunisie-des-centaines-de-manifestants-contre-l-etat-policier_2143864.html

https://www.ft.com/content/b914d4e6-7b90-411c-a378-8252b3f47797

https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/23/dix-ans-apres-les-printemps-arabes-les-peuples-de-la-region-ne-se-sont-jamais-sentis-aussi-seuls_6067310_3210.html

https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/jan/29/the-guardian-view-on-the-arab-spring-a-decade-on-a-haunting-legacy

https://www.theguardian.com/global-development/2021/jan/20/people-are-hungry-why-tunisias-youth-are-taking-to-the-streets