Neutralité Carbone en Europe en 2050

En novembre 2018, la Commission européenne a publié ‘Une Planète Propre Pour Tous’, un communiqué dans lequel elle présente sa stratégie pour transformer l’Europe en économie compétitive et neutre. En 2050, l’Union Européenne sera neutre en carbone, c’est-à-dire qu’elle n’émettra pas plus de gaz à effet de serre qu’elle ne peut en absorber. En 2020, le projet prend forme avec l’adoption de la loi Climat le mois dernier par le Parlement. Atteindre la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle est ambitieux, et manifeste la volonté de l’Union européenne de se placer en leader environnemental. Cependant plusieurs obstacles devront être surmontés pour réaliser cet objectif. 

L’urgence climatique est maintenant reconnue par tous, et au cœur des débats politiques à tous les niveaux. Cela est visible en particulier en Europe, le deuxième émetteur de gaz à effet de serre responsable d’environ un quart des émissions mondiales. Au cours des dernières années, le bloc a manifesté sa volonté d’être un acteur central de la lutte contre le réchauffement climatique. L’UE a en effet le potentiel d’apporter de grandes avancées dans les discussions mondiales, d’une part parce qu’elle est l’un des majeurs responsables de la dégradation de l’environnement, d’autre part parce qu’elle a la capacité nécessaire en termes de richesse, technologie, et développement. 

L’Europe, Premier Continent Neutre en Carbone en 2050

L’annonce fin 2018, qui s’est traduit en 2019 par la mise en place du Pacte vert pour l’Europe (European Green Deal), a été accueillie comme une grande victoire par les activistes et défenseurs de la cause environnementale. C’est une preuve concrète que l’Union est prête à tenir ses engagements de l’accord de Paris pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici la fin du siècle. 

Le Pacte vert donne les grandes lignes de la transition vers la neutralité carbone : investissements massifs vers les énergies propres, protection environnementale, reconversion des activités émettrices, mise en place d’une économie circulaire… Les économies européennes vont passer par des changements profonds pour atteindre les objectifs annoncés. La première échéance est 2030, fixée par la loi Climat de 2020 qui sous-tend le Pacte vert pour l’Europe. 

Initialement, la loi présentée en mars 2020 prévoyait une baisse de 40% des émissions pour 2030. Cependant, cet objectif jugé trop bas a été revu à la hausse en septembre 2020 lorsque le texte est passé devant la commission environnement du Parlement,  avec pour nouvel objectif prévu une réduction de 55% pour 2030. Mme Ursula Von Der Leyen, à la tête de l’exécutif européen, a déclaré à propos de la loi : « Nous agissons aujourd’hui afin que l’Union Européenne devienne, d’ici à 2050, le premier continent du monde à parvenir à la neutralité climatique. La loi sur le climat est la traduction juridique de notre volonté politique et nous engage définitivement sur la voie d’un avenir plus durable » (communiqué de presse du 4 mars 2020). Le texte pose les contraintes juridiques que les pays et les entreprises doivent remplir. 

Plusieurs États membres sont déjà en train d’intégrer la neutralité carbone en tant qu’objectif national. Pour créer une Europe durable pour l’environnement, chaque pays doit s’engager dans la transition verte et réformer leur économie. C’est le cas par exemple de la France, qui a mis en place la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) pour atteindre la neutralité en carbone en 2050, ou encore le Danemark qui a inscrit dans sa loi une réduction de 70% des émissions de gaz à effet de serre pour 2030. Cependant, le soutien pour le Pacte européen n’est pas unanime et cela pourrait entraver l’initiative. Responsabilité collective ne rime pas forcément avec responsabilité individuelle.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel, Bruxelles, 13 décembre 2019 — keystone-sda.ch /Virginia Mayo 

Les grands projets de l’Union Européenne font rarement consensus parmi les membres, et la transition carbone ne fait pas exception. Bien que plusieurs pays aient déjà adopté les mesures nécessaires et poussent pour un plan plus ambitieux, d’autres sont réticents à s’engager dans cette nouvelle voie. C’est le cas notamment de la Pologne ou de la République Tchèque, dont l’activité économique repose en partie sur les énergies fossiles comme le charbon. Ces pays se sont opposés au Pacte vert, ce qui a rendu le processus plus lent. En plus des différences d’ambition entre les membres, il faut aussi prendre en compte les écarts de capacité d’adaptation. En effet, les impacts ne seront pas homogènes pour l’ensemble des membres, et les ressources nécessaires pour y faire face ne sont pas égales entre les pays. De plus, certains pays émettent plus de gaz à effet de serre que d’autres, ce qui est source de tensions. Les pays d’Europe de l’Est notamment sont réticents à s’engager pour la neutralité carbone, et ont réclamé des financements de la part de l’UE pour leur transition énergétique en échange de leur soutien.

La question du financement est au cœur des débats. Atteindre la neutralité carbone s’annonce très coûteux. La Commission estime un coût supplémentaire de 260 milliards d’euros par an. Une grande partie doit venir directement du budget européen et des investissements nationaux. Pour le moment, cet objectif semble difficilement atteignable. Le budget pour les dix prochaines prévoit seulement 1000 milliards d’euros pour la transition, soit 100 milliards par an. Les contributions locales et nationales devront compléter, mais cela va dépendre du degré d’engagement environnemental des gouvernements. Sans financement adéquat, remplir les objectifs fixés pour 2050 semble difficilement faisable. 

Flou et Incohérence

Un autre point de critique du Pacte vert pour l’Europe, en particulier de la loi Climat, est le manque de cohérence et de précision. En mars 2020, après que la Commission européenne ait dévoilé le projet de loi pour le climat, certains ont dénoncé un effet d’annonce qui masquait en réalité un texte flou et qui n’est pas en rupture avec le modèle de croissance actuel. 

L’incohérence de la loi Climat, censée poser des engagements contraignants pour 2050, provient aussi du fait qu’elle n’intègre pas plusieurs points clés. Le plan de la Commission n’a toujours pas clairement expliqué comment la transition verte s’articule par rapport aux autres projets européens. L’agriculture en particulier est un point sensible, la Politique Agricole Commune étant basée sur un principe de maximisation de la productivité. De plus, les émissions causées par les produits importés ne sont pas prises en compte dans la loi, alors qu’ils représentent une large part de l’empreinte carbone européenne. Enfin, un autre point où l’incohérence demeure est le financement des énergies fossiles, qui pourraient accéder au Fond de transition si le Parlement européen n’en restreint pas les conditions d’accès. 

La voie vers la neutralité carbone en Europe pour 2050 s’annonce compliquée. L’UE doit faire face aux problèmes récurrents des divergences entre les membres et de la lenteur du processus, en plus du coût important de la transition. La crise sanitaire actuelle n’a fait que renforcer ces derniers. En particulier, les besoins de l’économie pourraient reléguer le climat au second rang et nuire à l’efficacité du Pacte vert. L’Europe se trouve à un tournant décisif. Alors que les gouvernements débattent des mesures à adopter pour relancer les activités en Europe, l’occasion se présente d’introduire des changements radicaux et de restructurer l’économie autour de piliers plus durables, intégrant de nouveaux modèles ne nuisant pas à l’environnement. Au milieu du Covid, la crise climatique ne doit pas être reléguée à plus tard car les coûts de l’inaction ne feront qu’augmenter avec le temps. 

Zoé Furgé

Crédit photo de couverture:

https://www.horizon2020.gouv.fr/cid154011/l-appel-horizon-2020-green-deal-est-publie.html