Violences Policières au Nigéria: Le Revers du Développement en Afrique

On décompte en ce mois d’octobre 56 civils tués lors de manifestations pacifiques au Nigeria. 56 personnes victimes de la répression sanglante des autorités Nigériennes. Mais qu’est-ce qui se passe ?

Le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique avec plus de 200 millions d’habitants, est en tête d’affiche du développement africain. Il se distingue depuis de nombreuses années par son PIB imposant de 600 milliards de dollars, une industrie fleurissante, des ressources naturelles abondantes, et la popularité de son industrie cinématographique baptisée Nollywood. Cependant, des reliques de son passé tumultueux semble montrer des failles dans cette image idéale.

Histoire post-colonial, guerre civile et reconstruction

Rappelons-le, l’histoire post-coloniale du Nigéria est marquée par l’affrontement de plusieurs groupes. En 1967 la minorité ethnique Igbo déclare la sécession du Biafra une région au sud du pays, riche en ressources pétrolières. S’en suit une guerre civile sanglante, une famine, et la mort de plus d’un million de personnes. La chute du Biafra aura lieu en Janvier 1970. 

La reconstruction du pays est rapide grâce à l’exploitation du pétrole. Cependant, le retour à la démocratie est chaotique: un coup-d’état en 1975, une nouvelle constitution en 1977, et un retour à la dictature entre 1983-1999. Le président actuel et générale à la retraite Muhammadu Buhari lui-même accède au pouvoir entre 1983 et 1985. Néanmoins, les choses s’améliorent en 2015 lorsque Muhammadu Buhari est élu démocratiquement. 

Manifestations anti-SARS et son démantèlement: une victoire?

SARS ou Special Anti-Robbery Squad, établie en 1992, est une unité spéciale de la police nigérienne chargée des braquages et des crimes par armes à feu. Aujourd’hui connue pour torture, arrestations arbitraires, et extorsions, ces violences ciblent principalement les jeunes. Les manifestations anti-SARS commencent le 8 octobre 2020 après l’attaque d’un jeune homme par cette unité. La jeunesse nigérienne se mobilise alors à Lagos pour demander le démantèlement de la SARS.  Dans les jours qui suivent, les tensions entre autorités et manifestants augmentent, jusqu’au 20 octobre 2020 lors du massacre du péage de Lekki. 

Les manifestants pacifiques campaient au péage de Lekki, et empêchaient le passage des véhicules. Dans la soirée du 20 octobre 2020 l’armée nigérienne ouvre le feu sur les manifestants, de nombreuses images et vidéos inondes les réseaux sociaux. À la suite de cette fusillade, les autorités imposent un couvre-feu dans toute la ville de Lagos. Le 22 octobre, le président, à la suite de pression de la part de la communauté internationale, annonce le démantèlement de la SARS sans pourtant reconnaitre le massacre.  

Est-ce une victoire ? Le bilan est mitigé pour les manifestants. La dissolution de la SARS n’est en effet pas accompagnée par des reformes du système policier. Les violences policières ne sont qu’un symptôme d’un plus grand mal: le manque de démocratie et le non-respect des droits de l’Homme.  Le pays a des difficultés à s’adapter au changement. Les lois archaïques et le manque de responsabilité de la part des autorités ont confiés les pleins pouvoirs judiciaires aux forces policières. Cependant, ces manifestations marquent l’éveil de la jeunesse nigérienne face à l’injustice. La suite de l’histoire reste écrire. 

Jehan Shipkolye