« It may not be a blue wave, but it’s a rainbow wave »[1]; voilà ce que le commentateur démocrate Van Jones a conclu dans la nuit du 6 novembre, au terme des élections de mi-mandat américaines. Le parti démocrate a récupéré, pour la première fois depuis 2010, la majorité des sièges à la Chambre des Représentants (l’équivalent de notre Assemblée Nationale). Cependant, la majorité Républicaine se renforce au Sénat à la suite de la défaite des démocrates en Floride, Indiana, Missouri et Dakota du Nord.
Les résultats et leur signification
Trump est donc poussé à une certaine forme cohabitation, même s’il a jusque-là essentiellement gouverné par décrets. Cette nouvelle majorité au Congrès ouvre des opportunités inédites : ouverture d’une commission d’enquête sur l’implication du Kremlin dans les élections de 2016, par exemple ; ou encore la proposition d’une destitution du président, bien que rendue improbable par la forte majorité républicaine au sénat.
La cohabitation aura de fortes répercussions politiques puisque les deux chambres devront s’accorder sur le budget et l’allocation des dépenses. Il est alors facile d’imaginer l’embouteillage législatif considérable qui apparaitra dès janvier 2019, lorsque les élus entreront en fonction. Nancy Pelosi, leader pressentie du parti Démocrate à la Chambre des représentants, a affirmé que les élus lutteront pour la réduction des coûts des soins de santé et contre la corruption. Même si l’agenda du Président Trump a déjà été largement réalisé, il lui sera difficile de faire passer de nouvelles mesures par le Congrès. Certains s’inquiètent qu’un nouveau « Washington Gridlock[2] » ne ralentisse l’économie américaine, actuellement florissante.
Cependant, le déroulement et les résultats des élections semblent traduire un engouement et une ferveur allant bien au-delà d’une répartition de pouvoirs et contrepouvoirs. Avec plus de 114 millions de votants en 2018 contre 83 millions de votants en 2014 (Nate Cohn, New York Times) les votes semblent avoir été perçus comme un référendum sur la personne du Président. Un vrai discours « révolutionnaire » fait écho sur les plateformes médiatiques, alors que Donald Trump usait à outrance du problème de l’immigration clandestine afin de mobiliser sa base électorale : « si vous voulez plus de caravanes, plus de délinquance, votez démocrate demain », a-t-il lancé en Indiana.
Ces élections semblent être une victoire démocrate tant quantitative (obtention de la majorité absolue au Congrès) que qualitative, avec l’élection de personnalités marquantes par leur âge, leur ethnie ou leur orientation sexuelle.
Les femmes sur le devant de la scène
Les femmes ont joué un rôle déterminant cette dernière semaine. Sharice Davids et Deb Haaland sont les premières amérindiennes à être élues au Congrès, respectivement au Kansas et Nouveau Mexique. Ilham Omar au Minnesota et Rashida Tlaid au Mishigan, deux femmes musulmanes, ont également été élues. Au total, sur vingt-six des districts anciennement républicains remportés par les démocrates, seize ont été décrochés par des femmes. La gente féminine siègera en nombre record à la ‘House of Representatives’ en janvier : 83 démocrates, 12 républicaines et 22 non-affiliées.
De tels chiffres traduisent une forme de rejet de l’attitude agressive et partisane du Président Trump, qui multiplie les polémiques à l’encontre des médias et divise la nation américaine. Cependant, cette polarisation a également tendance à raidir les positions de ses supporters. Ses soutiens, bien que moins nombreux, sont beaucoup plus motivés, voire radicaux.
Pour Trump, un échec ou une victoire ?
Il était absolument essentiel pour Donald Trump que les Républicains conservent leur majorité au Sénat, afin d’éviter une déroute qui aurait pu être fatale pour les prochaines élections présidentielles. Les chiffres des élections au Sénat lui permettent alors de continuer à nommer des juges conservateurs dans les Cours de justice fédérales. La Cour Suprême, haute juridiction des États-Unis, restera de toutes les manières fermement conservatrice pour les décennies à venir après la dernière nomination de Brett Kavanaugh, garantissant au Président Trump une protection importante contre les potentielles enquêtes parlementaires qui pourraient être engagées.
Bien que les Républicains aient perdu leur majorité absolue dans la Chambre des Représentants, un tel changement ne semble pas alarmer les esprits de droite. Kevin Madden affirme que le parti républicain ne peut qu’en être renforcé, puisque ses partisans les plus modérés n’ont pas été réélus : « le profil du parti républicain ressemble d’avantage au parti de Trump qu’avant son élection », remarque le commentateur républicain.
Plus encore, en amont de 2021, le Président entrevoit alors l’opportunité de façonner un discours tenant les démocrates responsables pour tout ralentissement économique et blocage législatif. Une telle défaite dans la basse chambre du Congrès peut être perçue comme une bénédiction, lui permettant de récupérer des votes perdus en 2018 et renforcer sa base électorale.
par Emma Crastes
[1]« Ce n’est peut être pas une vague bleue, mais c’est une vague arc-en-ciel »
[2]Blocage politique de Washington
Crédit Photo (1): https://ig.ft.com/us-midterm-elections/what-to-watch/polls.html
Crédit Photo (2): https://medium.com/cahier-de-prospective-design-interfaces-engagement/yes-we-can-do-it-5d28d5ac9dc6
Crédit Photo (3): https://www.news.com.au/finance/work/leaders/donald-trump-and-us-midterms-2018-implications-for-australia/news-story/26fd102efe58d2f900b35716013bbd6b