The Nomadic Community Gardens, une oasis urbaine au cœur de Shoreditch

par Flavie Mottila          

Au détour d’une ruelle, à l’abri des regards des touristes qui se promènent le long de Brick Lane, découvrez le Nomadic Community Gardens. Pour le trouver, il vous faut vous aventurer le long des pans de murs recouverts de tags et poursuivre votre chemin sous le pont où traverse le London Overground. Devant vous s’ouvre un jardin où les londoniens du quartier flânent entre les jardinières et les œuvres de street-art…

Le Nomadic Community Gardens est à la fois un lieu d’expression artistique et de détente à destination de la communauté. Ce projet doit sa concrétisation à l’association « One Love Community ».  Depuis son lancement en 2012, l’association parcourt la capitale anglaise à la recherche de terrains abandonnés pour les transformer en espaces viables. Au-delà d’amener la nature dans des espaces urbains, elle s’intéresse de près aux habitants et à leur qualité de vie. Shoreditch rassemble des communautés venant d’horizons divers et avec des niveaux de vie différents. Il y a, par exemple, une forte communauté provenant du Bangladesh. Ainsi, la population augmente substantiellement chaque année alors que les liens entre les habitants se distendent et les rues deviennent anonymes. « One Love Community » souhaite donc réintroduire ce sens de la communauté unique et pousser les londoniens à se réemparer de ces espaces abandonnés et à les entretenir collectivement.

Après deux années de négociation, le chantier démarre finalement à Spitalfields Street, au cœur de Shoreditch. L’Est londonien paraissait être l’endroit parfait. Il a longtemps été un no-man’s land avant de devenir ce quartier qui regorge de trésors. Au XVIème siècle, l’East End s’étalait en dehors des murs de la ville et, déjà, était le repère des artistes et des comédiens qui défiaient les puritains. Shakespeare lui-même y a fait produire ses premières pièces. Ce n’est qu’au début des années 90 que les bas-fonds sordides de Shoreditch laissèrent place aux familles ouvrières qui vinrent s’installer dans des usines transformées en habitations, attirées par le coût bas des loyers. Aujourd’hui, le processus de gentrification est en marche : les entrepôts sont transformés en loft, des échoppes rassemblent des collectifs d’artistes-designers et des agences de com ainsi que des start-ups s’implantent un peu partout, attirées par le dynamisme du quartier. Il en résulte donc un étonnant mélange architectural : des chantiers pour de futurs gratte-ciels aux maisons en vieilles briques rouges en passant par des entrepôts réaménagés en appartements et toujours ces quelques rues sordides où il n’est jamais bon de se promener seul la nuit.

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                  Mais c’est justement ces endroits dégradés et abandonnés qui alimentent toute cette créativité.  Shoreditch, c’est, le jour, des boutiques d’antiquités, des boutiques vintage, des friperies et des hangars de street-food et, la nuit, des cafés qui se transforment en boite où DJs et musiciens de renom viennent se produire. Les rues sont régulièrement investies par des street-artistes, des plus internationaux comme Banski, aux plus méconnus, qui laissent libre cours à leur imagination et à leurs convictions. Un vrai musée à ciel ouvert ! C’est tout cela qui donne cette âme si particulière à Shoreditch et qui le distingue de tous les autres quartiers de Londres. « One Love Community » s’est inspirée directement de cette atmosphère lorsqu’elle rassembla, il y a de ça quelques mois, une petite équipe de bénévoles et démarra les travaux. Tout fut construit à base de matériaux recyclés, qui ont été, soit donnés soit trouvés. L’équipe fut spontanément rejointe par les habitants curieux qui passaient par là. Petit à petit, le jardin botanique prit vie et il est depuis entretenus par les locaux qui y font pousser plantes, fleurs, fruits et légumes avant de les cueillir pour leur usage personnel.

 

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                  Vivant pour la plupart en appartement, les londoniens n’ont pas toujours la chance de pouvoir profiter d’un jardin dans lequel ils peuvent se détendre et se reposer. Le Nomadic Community Garden est donc l’endroit idéal pour se rassembler, boire un café ou une bière, selon les goûts, loin du tumulte de la capitale. C’est aussi l’occasion de partager de bons moments avec des personnes qui nous sont totalement inconnus et qu’on n’aurait probablement jamais pu rencontrer dans d’autres circonstances. Le jardin a été façonné par et pour la communauté et pour effacer les identités communautaires. Il peut aussi détourner les jeunes des quartiers défavorisés des gangs et de la drogue et les orienter vers d’autres occupations. D’ailleurs, « One Love Community » propose régulièrement, dans les milieux défavorisés, des cours de danse, de yoga et d’autres ateliers en parallèle du Nomadic Community Gardens. D’autres projets sont aussi en cours. En effet, l’association ouvrira, dès 2020, de nouveaux locaux bien plus grands qu’auparavant où elle vendra des objets de toutes sortes et des meubles à prix cassés.

De son côté, le jardin est en évolution constante, d’une semaine à l’autre de nouveaux objets y sont déposés, d’autres sont déplacés pendant que certains locaux viennent y déposer leurs œuvres d’art, notamment des sculptures en matériaux recyclés qui se fondent parmi les plantes. Des cabanons éparpillés un peu partout dans le jardin servent de bibliothèques, de café, de bar, d’abri, de lieu de repos où l’on peut trouver, à l’intérieur, des instruments de musique désaccordés ou des vêtements pour les plus démunis. Il n’est pas non plus rare de croiser des street-artistes taguer sur tout ce qui leur tombe sous la main : des pans de murs, des planches de bois, des camionnettes ou encore des toilettes mobiles. Ils se rassemblent entre eux, discutent, rient et dessinent au soleil sous l’œil attentif des visiteurs. L’endroit recèle de bien d’autres objets insolites, que nous laissons aux visiteurs en quête de quiétude le temps de découvrir. Nous recommandons aussi vivement d’y faire un tour en début de soirée, lorsque les températures se radouciront et que des étudiants se rassembleront autour d’un feu de bois pour chanter sur un air de guitare…

Crédits photo: Flavie Mottila et Nomadic Community Gardens