Vague de grèves à UCL: coup dur, coût dur

par Charlotte Gross

On en entend parler depuis près d’un mois, et elle arrive – la vague de grèves organisées contre les modifications des pensions des enseignants. Le jeudi 22 février, 61 universités du Royaume-Uni rentreront dans une période de 14 jours de grèves, étalées sur quatre semaines. À la base du mécontentement des académiciens de UCU (University and College Union): la proposition de UUK (Universities UK) de mettre fin à l’élément bénéfice pré-défini par le schéma de pensions de l’USS (Universities Superannuation Scheme), ce qui équivaut à couper environ £10.000 par an du salaire représentatif d’un professeur, selon l’UCU. En somme, comme l’exprime la secrétaire générale de UCU, Sally Hunt, “les salariés (…) se sentent abandonnés par les vice-chanceliers et doyens, qui semblent être plus préoccupés par leur propre salaire et leurs propres avantages que par les droits de leurs employés” En effet, certains directeurs des universités en question peuvent choisir de se retirer de l’USS – ils arrêteraient ainsi de payer leurs impôts à l’organisation, mais pourraient encore négocier des augmentations de salaire considérables, à l’échelle de dizaines de milliers de livres supplémentaires. La colère des protestataires est compréhensible: les pertes imposées par le nouveau schéma équivalent à environ £200,000 dans la carrière complète d’un professeur, d’après une lettre ouverte signée par 960 professeurs et publiée dans Times Higher Education (chiffres des experts indépendants de “First Actuarial”), et entre temps, les vice-chanceliers et doyens universitaires se voient recevoir des sommes exorbitantes, par exemple le nouveau directeur de l’université d’Edinburgh qui a reçu un “welcome package” de près de £410,000…L’USS justifie cette modification par le besoin de contrebalancer le déficit accumulé de £7,5 milliards – sous le nouveau régime, l’équivalent des pensions attribuées auparavant aux professeurs serait à la place versé dans un modèle de contribution dans l’optique de combler le déficit.

Mais une question se pose: et nous, les étudiants? Certes, le but de cette série de grèves est de protester contre le nouveau régime, et de forcer les vice-chanceliers et doyens à prendre leurs responsabilités et assumer leur rôle de dirigeants de manière réaliste et plus équitable. Cependant, les premiers à être touchés par les grèves, c’est nous. Nous payons, en tant qu’étudiants de l’UE, £9.250 par an (et ne parlons même pas des frais pour les étudiants internationaux). Quand nous avons payé ces frais, nous avons souscrit, avec l’université, à une sorte d’accord- nous payons pour un service et nous nous attendons à le recevoir, sous forme de cours magistraux, séminaires, tutoriels…C’est, en réalité, une relation assez contractuelle, où l’élève est client, en quelque sorte. Le problème, c’est que nous payons le prix du contrat, mais nos “droits” en tant que “consommateurs” sont complètement balayés. L’attente première est, de manière assez simple, que l’université paye assez ses employés pour éviter ce genre de situation, et que nous puissions bénéficier du service pour lequel nous payons.

Alors, quelle solution? Plusieurs mouvements étudiants ont, pour commencer, choisi de s’allier à la cause des professeurs, et d’encourager les universités à poursuivre les négociations, afin d’éviter que le mécontentement accroisse et cause encore plus de perturbations. Idéalement, il s’agirait d’alerter les vices-chanceliers et doyens, et de les encourager à trouver un équilibre convenable par rapport aux pensions, pour éviter que les grèves commencent effectivement.

L’autre option, plus compliquée à mettre en marche, et qui serait probablement moins commode pour les responsables, serait de rembourser les pertes qui s’annoncent pour les étudiants/clients. Faites le calcul: avec ces 14 jours de cours interrompus, personnellement, je perds £443. Je suis étudiante en BA, et je réalise bien que, aussi élevé soit ce chiffre, je perds considérablement moins que quelqu’un qui aurait 20 heures de cours ou plus par semaine.

Il reste peu de temps avant le 22 février, mais il n’empêche que la possibilité d’une négociation est toujours là, et le sera jusqu’à la date annoncée (selon Sally Hunt) si les responsables acceptent d’arriver à un consensus qui bénéficierait aux professeurs et éviterait le désordre que risquent de provoquer ces grèves. Dans cette optique, en tant qu’étudiants, nous pouvons encourager le mouvement vers des négociations, par exemple en interpellant notre doyen. Sinon, le remboursement va bien devoir être envisagé comme solution de secours pour apaiser les élèves et les parents, qui ne seront probablement pas ravis de voir leur argent gaspillé pour ainsi dire. La question de la possibilité d’un remboursement total ou partiel s’ajoute à une lister d’incertitudes. Dans une lettre ouverte au doyen de UCL, Sarah Al-Aride, Officière d’Éducation à UCLU, fait part de celles-ci: les éléments de cours manqués à cause des grèves seront-ils évalués malgré tout?  Les étudiants seront-ils pénalisés s’ils choisissent de ne pas se rendre du tout à UCL pendant la période de grève, même à des cours maintenus? Quelles mesures seront mises en place pour les étudiants détenteurs de visas Tier 4, par rapport à leur statut migratoire? Les étudiants pourront-ils bénéficier de circonstances atténuantes pour leurs prochains travaux rendus? Les réponses se font toujours attendre. 99% des étudiants présents à l’Assemblée Générale de janvier ont voté pour soutenir les employés, et défendre leur éducation par la même: pour montrer leur soutien, ils proposent de composer un bloc étudiant le 28 février, lors de la manifestation organisée par les enseignants, ainsi que d’interpeller les doyens et vice-chanceliers, pour montrer qu’ils se sentent aussi concernés par la question des pensions que ceux qui en souffriront. Si les professeurs ne sont pas mis en condition adéquates pour effectuer leur métier, notre éducation sera logiquement détériorée. Et puis, il faut aussi considérer l’impact à long terme: le métier enseignant risque de se voir dévalorisé aux yeux de potentiels professeurs, ce qui équivaudrait à de nouvelles anxiétés autour de la question du recrutement, comme le craignent certains professeurs .

Il n’est pas donné que tous les professeurs participent à la grève, ou que les négociations soient définitivement fermées – plus d’informations suivront à la rentrée, et de là, le choix de participer   (sous les différentes formes qui s’offrent) ou non au mouvement nous reviendra.

 (c) Photo de couverture: UCU