par Thomas Hinzelin
Y a-t-il plus irréconciliables que les Sith et les Jedi ? Visiblement oui, les fans de Star Wars épisode VIII et ceux qui le déteste. Le film divise, les positions sont peu nuancées et c’est sûrement un bon signe.
Je me suis surpris à aller voir le film dès sa sortie en France le 13 décembre. Peut-être que le fan de la saga que je suis a cherché avec ce nouveau film à effacer la déception causée par l’épisode VII, véritable redite de l’épisode IV, en moins bien, qui prouve bien que Star Wars rame. En somme, j’avais un nouvel espoir. En sortant de la salle, j’étais incapable de formuler un avis précis. Avais-je aimé ou pas ? Encore aujourd’hui en écrivant cet article je me pose la question. Je vais cependant essayer d’en faire un résumé rapide et présenter ce qui selon moi constitue les forces et les faiblesses (ses côtés obscurs !) du film.
Comme souvent dans Star Wars l’action se déroule sur plusieurs tableaux que l’on va tenter de résumer rapidement. D’un côté on a une Résistance retrouvée par le Premier ordre, obligée de fuir dans des vaisseaux sa célèbre base de D’Qar. Cette fuite constitue le fil rouge du film et va entraîner d’autres péripéties notamment pour Finn, l’ancien Stormtrooper, Poe, le meilleur pilote de la Résistance, et Rose, une mécanicienne de la Résistance, qui cherchent sur la planète Cantonica un moyen d’aider la Résistance. En parallèle, Rey commence son entraînement avec le légendaire Luke Skywalker tout en ayant des échanges grâce à la force avec son ennemi Kylo Ren. Un programme prometteur, mais pour quel résultat ?
Quels sont les points positifs de ce nouvel épisode ? Si vous êtes de ceux qui n’ont pas aimé l’épisode VIII je peux vous assurer qu’il y en a ! Je pense notamment à l’agréable surprise que constitue le travail d’approfondissement des personnages. Jusque-là ils étaient soit relativement vides et peu attachants, soit des clones imparfaits des personnages de la première et deuxième trilogie. Kylo Ren m’est apparu dans l’épisode VII comme un Vador raté dont les doutes sur le côté obscur étaient si forts qu’il ne faisait pas un méchant crédible. Ici on a une métamorphose du personnage : Vador est entré du côté obscur par peur de la mort de Padmé, Kylo Ren lui, a une opportunité de rejoindre le bon côté de la force mais décide consciemment de rejoindre le côté obscur pour obtenir le pouvoir, le tout dans une scène forte en tension. Rey est également plus intéressante dans cet opus : elle passe d’une apprentie Jedi avec des pouvoirs un peu trop démesurés pour quelqu’un sans entraînement à un personnage qui doit apprendre à maîtriser ce pouvoir, et qui questionne la mythologie et les valeurs Jedi incarnées par Luke. La relation qui s’installe dans cet épisode entre Kylo et Rey à travers la force est également novatrice : un mélange de haine, d’admiration et presque d’amour entre deux ennemis jurés. Enfin pour conclure sur les personnages, l’épisode VIII introduit un nouveau personnage très intéressant : Rose. Elle n’est pas Jedi, elle n’est pas pilote, elle n’est qu’une de ces figures de l’ombre qui travaillent au fond des vaisseaux de la Résistance. Ce nouveau personnage est comme une bouffée d’air frais dans une saga qui a souvent montré des héros très similaires les uns aux autres. Ces personnages sont d’autant mieux servi par un casting efficace dont le jeu est de très bonne facture (je pense notamment à Adam Driver dans le rôle de Kylo Ren).
J’ai également apprécié la présence dans le film de messages politiques : Star Wars, ce n’est pas que des vaisseaux qui se tirent dessus, c’est aussi une société, des inégalités, de l’exploitation de certaines tranches de la population. Cette présence du fait politique permet également de briser le manichéisme tranché qui caractérise Star Wars avec l’exemple des marchands d’armes : ceux-ci vendent des armes au Nouvel Ordre, engrangeant donc des profits sur la souffrance. Mais d’un autre côté ils vendent également des armes à la Résistance, qui de fait se rend complice de ce système. Ce n’est pas la première tentative de briser le manichéisme dans Star Wars, Rogue One l’a fait en présentant des branches radicales de la Résistance flirtant avec le terrorisme, et j’espère que le prochain film continuera sur cette lancée. Enfin, la principale qualité du film : il est beau, esthétique parfois artistique. Certains passages relèvent de la contemplation : aucun son, juste des images (je pense notamment à la destruction de la flotte ou au combat final). Même si on est déçu du film on ne regrette pas le spectacle.
Cependant tout n’est pas rose non plus, loin de là. Ce qui, à mon avis, est le plus gênant, c’est l’enchaînement de Deus ex Machina en très peu de temps. On ne compte plus les sauvetages miraculeux voire invraisemblables. Je pense notamment dans le dernier quart du film à cette scène où la Résistance tente une attaque suicide (esthétiquement incroyable par ailleurs) pour détruire un canon du Premier Ordre. Rose sauve Finn mais ils se crashent, blessés, à 50 mètres des troupes ennemies sur un terrain découvert. Cela ne les empêche pas de rentrer à la base rebelle vingt minutes avant l’arrivée de leurs adversaires. On a également des incohérences scénaristiques flagrantes qui sortent le spectateur du film : Amilyn Holdo, en charge de la Résistance, ne dévoile pas son plan (pourquoi, on ne sait pas) ce qui entraîne de longues péripéties qui ne débouchent sur rien. Un autre problème qui a fait grincer des dents plus d’un fan de la saga : les ruptures violentes avec les deux autres trilogies. Je pense notamment à la maîtrise exceptionnelle de la force que l’on découvre à la princesse Leia, ce qui en soi n’est pas choquant car elle est la sœur de Luke Skywalker mais est très mal amené par le film. Ou encore l’utilisation de la vitesse lumière comme une arme de destruction massive : la scène est belle mais elle pose question : si la vitesse de la lumière peut faire autant de dégâts, pourquoi ne pas l’avoir utilisée contre l’Étoile de la mort ? C’est sûrement là la principale faiblesse du film : de bonnes idées mais un scénario trop mal ficelé et des mécanismes mal huilés, qui sortent à plusieurs reprises le spectateur de l’action. Enfin, pour en terminer avec les critiques, je trouve que le film ferme beaucoup de portes sans en ouvrir tant que ça. Mais ce problème est celui de tous les deuxièmes films de trilogie : ce sont des films de transition qui prennent tout leur sens avec la conclusion. Ainsi la question n’est plus « est ce que l’épisode VIII est bon ou pas ? » Mais plutôt « est ce que l’épisode IX va le rendre bon ou mauvais ? »
Pour ceux qui ne l’ont pas encore vu mais qui souhaitent le faire, je recommande d’y aller tant que le film est au cinéma. Car un spectacle comme Star Wars ne s’apprécie pleinement que sur grand écran… ça, c’est une certitude qui réconciliera tous les fans de la saga.
(c) Photo de couverture: Lucasfilm