Harry Potter : A History of Magic

Par Yael Kunz

Londres est indéniablement un véritable trésor culturel. La ville regorge de lieux emblématiques aussi bien pour les fans de rock’n’roll que pour ceux de littérature. Que vous décidiez de visiter le restauré Shakespeare Globe Theatre ou de vous balader le long de la fameuse Carnaby Street ; que vous buviez une bière anglaise à George Inn, tout en vous plongeant dans l’atmosphère qui a inspiré Dickens pour son roman Little Dorrit, ou que vous preniez une photo avec vos amis sur le passage piétons d’Abbey Road ; peu importe quel est votre sujet de prédilection, il y a peu de choses que Londres ne puisse pas offrir. Et si c’est le sorcier à la cicatrice qui vous fait vibrer, la Ville-Monde se révèle regorger de trésors. Alors bien sûr, il y a les classiques : la visite du studio, le quai 9 ¾ à King’s Cross, Leadenhall Market, Cecil Court et j’en passe…Afin de fêter le vingtième anniversaire de la publication d’Harry Potter and the Philosopher’s Stone, un nouvel incontournable vient de s’ajouter à la liste et ce jusqu’au 28 Février 2018 : l’exposition Harry Potter : A History of Magic à la British Library.

A vrai dire, si le nom pourrait laisser croire le contraire, l’exposition n’est pas vraiment sur le livre, en soit, mais baigne néanmoins dans l’univers de ce dernier. L’exposition n’est pas une exposition sur Harry Potter – même si, bien sûr, elle regorge de références, d’allusions et même de petits trésors tout droit sortis de la collection personnelle de JK Rowling elle-même- , mais bien sur l’histoire de la magie telle qu’elle est chez nous, les Moldus. L’idée est plutôt simple : présentez, pièce après pièce, différents artefacts, pour la majeure partie, anciens, afin d’illustrer et de se plonger dans les différentes matières enseignées à Poudlard. Au fil des pièces, vous pourrez donc en apprendre un peu plus sur l’art des potions (et son ancêtre l’alchimie), l’herbologie, la sorcellerie, l’astronomie, la divination, la défense contre les forces du mal et les soins aux créatures magiques. Le travail accompli pour cette exposition est tel que chaque pièce a une identité propre, dégageant une atmosphère correspondant au thème qu’elle présente. Si l’entrée de l’exposition prend la forme d’une bibliothèque géante qui dès le début plonge le visiteur dans un monde à part, chacune des pièces est un tome racontant une toute nouvelle histoire – c’est d’ailleurs sur un livre géant que sont inscrites les différentes informations relatives à chaque pièce. Ainsi, si dans l’une des pièces, c’est le plafond qui a été transformé en ciel étoilé, dans une autre ce sont les murs qui voient se dessiner les ombres de créatures magiques tandis que leurs rugissements résonnent dans la pièce.

En s’aventurant à travers ses différentes atmosphères, vous pourrez découvrir des anecdotes qui tantôt vous surprendront, tantôt vous feront sourire. Par exemple, saviez-vous que le bien connu Abracadabra était à l’origine un sort connu pour soigner la malaria ? Ou encore que, d’après The Old Egyptian Teller’s Last Legacy – l’un  des plus anciens livres traitant de la divination -, un grain de beauté sur les fesses est synonyme d’honneur et gloire si vous êtes un homme et de richesse si vous êtes une femme ?

Ce que cette exposition a de magique, et qui la place, pour moi, au rang d’incontournable, outre ces petites informations qui font sourire et qui pourront toujours vous servir afin d’étaler votre culture lors d’un dîner, c’est qu’elle n’est pas juste une exposition sur Harry Potter ou sur la magie en général, mais bien sur les liens existant entre les deux. Elle explore les différentes influences qui ont permis de créer un monde à part, un monde à la fois inventé de toute pièce et pourtant bel et bien ancré dans la réalité, un peu dans la veine de celui qu’avait créé Tolkien, dont le travail a d’ailleurs fortement inspiré JK Rowling alors qu’elle étudiait à l’université d’Exeter. Car oui, JK Rowling ne s’est pas contentée d’écrire de simples livres. Elle a créé un univers, qu’elle a ensuite nourri, approfondissant des sujets comme le quidditch ou les créatures magiques dans des livres annexes prenant la forme de mini encyclopédies du monde magique, mais surtout à travers son site, Pottermore, un incontournable des fans de la saga. Articles de la Gazette du Sorcier, écrits historiques, fiches répertoriant les différentes créatures ou sorts, et même, commentaires personnels sur ses différentes sources d’inspiration, sont tant de choses qui apportent à la complexité du monde qu’est celui d’Harry Potter. Une complexité mise à l’honneur dans cette exposition qui se concentre sur une partie de l’histoire des plus intrigantes – et donc, des plus intéressantes-  : la magie. La question de savoir si les sorcières ont oui ou non existé, par exemple, en a intéressé plus d’un, et aujourd’hui encore il est difficile de savoir réellement ce que l’on entend par sorcière et si l’atrocité des procès de Salem était totalement vide de sens. On retrouve d’ailleurs au cours de l’exposition un chaudron qui aurait appartenu à une sorcière, ainsi qu’un authentique balais de sorcière ayant appartenu à Olga Hunt, tous les deux rappelant l’image traditionnelle que l’on se fait de la sorcellerie.

Néanmoins, l’univers d’Harry Potter et surtout cette exposition nous rappelle que, non la magie ne se résume pas à une sorcière à califourchon sur son balais, préparant des maléfices en remuant son chaudron, un crapaud sur l’épaule. Une grande partie est consacrée à l’ancêtre de la potion, par exemple, l’alchimie, qui se rapproche plus aujourd’hui de la chimie et donc des sciences. Si le mot alchimie ne vous dit rien, celui de pierre philosophale ou le nom de Nicolas Flamel,vous rappellera peut être quelques souvenirs, les deux jouant un rôle central dans l’intrigue du premier numéro de la série Harry Potter. Ainsi, une importance toute particulière leur est attribuée dans cette exposition. En effet, en vous promenant vous pourrez trouver plusieurs artefacts en relation avec Nicolas Flamel, tel que sa pierre tombale. Car oui, pour ceux qui l’ignoraient, Nicolas Flamel n’est pas qu’un personnage de fiction et vous pouvez d’ailleurs retrouver des rues à Paris portant son nom et celui de sa femme, Perenelle. Vivant à Paris durant le 14ème siècle, Nicolas Flamel était un bourgeois et un mécène, n’ayant à première vue aucun lien avec l’alchimie. Pourtant, après sa mort supposée en 1418, des rumeurs commencèrent à naître à son sujet. Selon ces dernières, Flamel aurait eu un rêve prophétique qui lui aurait permis de trouver un manuscrit indiquant le secret de fabrication de la pierre philosophale, sur laquelle il aurait travaillé le restant de sa vie. C’est d’ailleurs en lisant l’une de ses biographies, écrite à titre posthume, que JK Rowling a appris l’existence du personnage et de son supposé lien avec la pierre philosophale. Cette pierre, devant produire l’élixir de vie ainsi que transformer les métaux en or, et le secret de sa fabrication ont fasciné alchimistes, historiens et simples mortels pendant des années. On dit que Isaac Newton lui-même aurait essayé de fabriquer une telle pierre. Elle est même devenue un thème de prédilection de littérature fantastique et notamment la « science fantasy » – comme dans le manga Fullmetal Alchemist par exemple. Le nombre d’écrits spéculant sur sa fabrication sont donc nombreux, et certains font partis de ces trésors exposés de façon temporaire à la British Library. Vous pourrez retrouver, entre autre, le Ripley Scroll, un rouleau de parchemin vieux de 500 ans et mesurant 6 mètres de long sur lequel sont mélangés illustrations et vers, représentant de façon symbolique les différentes étapes de la fabrication d’une telle pierre et de l’élixir de vie en découlant. Ce manuscrit met notamment en avant l’important des couleurs rouge et blanche qui portent une signification symbolique, se rapportant aux différentes phases du procédé alchimique. Une importance toute particulière comprise et réutilisée par JK Rowling qui a nommé les personnages d’Hagrid et de Dumbledore, Rubeus ( rouge ) et Albus ( blanc ), d’après la symbolique  de ces deux couleurs : de nature opposées mais bien complémentaires.

Dans Harry Potter and the Philosopher’s Stone, JK Rowling a également fait plusieurs références à la littérature antique – sujet sur lequel portaient ses études. Firenze le centaure, par exemple, est une référence à Chiron, créature emblématique de la mythologie grecque et connu comme étant le plus juste des centaures, donnant ainsi son nom à sa propre race. Touffu, quant à lui, est une référence direct à Cerbère, le gardien des enfers. Ce que l’on sait moins, c’est que la créature qu’est Cerbère se retrouve également dans différents contes, comme vous pourrez le découvrir au cour de l’exposition.

Pour ce qui est des fans purs et dures de la saga, vous pourrez également découvrir des dessins de JK Rowling elle-même, notamment un, représentant nos héros faisant face à ce terrifiant chien à trois têtes. Vous serez sans doute surpris de découvrir qu’ Harry, Ron et Hermione ne sont pas les seuls présents sur ce dessin. En effet, comme toute fiction, l’histoire d’Harry Potter a connu différents changements, plus ou moins importants. Il est vrai qu’aller à cette exposition vous permettra d’en apprendre plus sur les différentes techniques de divination, les propriétés de plantes telle que la mandragore, les différents charmes utilisés au début du premier millénaire de notre histoire, les serpents et leur symbolique magique, les différents moyens de lire le ciel, ainsi que les différentes créatures magiques emblématiques tel que le Phoenix ou les licornes – bien sûr ceci est une liste non exhaustive de la façon dont votre soif de connaissance pourra être comblée. Car, oui, l’exposition n’est pas réservée aux fans de la saga et est tout autant accessible aux fans d’histoire, de botanique ou de mythes et autres histoires intrigantes en tout genres, ou même juste aux petits curieux. Néanmoins, elle regorge bel et bien de trésors tout particulièrement réservés aux fans les plus fervents de la saga.

Entre dessins, brouillons originels annotés à la main et différentes pistes de scénarios qui ne furent finalement pas utilisées, cette exposition explore également le procédé complexe et changeant qu’est celui de l’écriture. Sachez par exemple que la scène du saule cogneur dans le deuxième volet aurait pu ne pas exister, tout comme la scène contre le troll des montagnes qui aurait pu se dérouler bien différemment. JK Rowling avaient également listé plusieurs idées autres que le Choixpeau, pour ce qui est de choisir quel élève devait intégrer telle ou telle maison.

Mais je ne vous en dis pas plus.. Ne serait-il pas dommage de gâcher la magie en en disant trop ? Ouverte à tous, même aux plus jeunes, l’exposition est, tout comme Harry Potter est bien plus qu’une histoire de sorciers, bien plus qu’une exposition sur un livre. Elle combine la connaissance de spécialistes en littérature et de la période médiéval et ses écrits – tel que Julian Harrisson ou Tanya Kirk-, la richesse historique d’objets rares et anciens et celle, artistique, d’autres, la créativité et la générosité de JK Rowling, la magie du monde d’Harry Potter et celle, moins connue, de celui qui nous entoure. Pour £8 ( tarif étudiant ), n’hésitez pas à venir vous perdre dans cet univers intemporel, entre magie et réalité, histoire et fiction, dessin et écrits, et qui sait, peut-être réveiller le sorcier qui sommeille en vous.

(c) Photo de couverture: bookriot.com