Lettre ouverte à ceux qui croient encore aux vertus de la culpabilisation pour éveiller les consciences

Par Maria Bencheikh

Ceci n’est qu’un appel au secours parmi d’autres. Mais je vise particulièrement ceux qui peuvent faire quelque chose et qui ne font rien. En ce mois de novembre 2017, l’humanité a encore plongé dans l’absence d’humanité. En Libye, en 2017, il existe encore des marchés d’esclaves. Alors oui, il existe des situations similaires dans d’autres pays, il y a des guerres, il y a des famines, des catastrophes naturelles, des génocides et il faut sauver tout le monde quand on a la possibilité de le faire. Mais en étant une personne libre vivant au 21e siècle, savoir que l’esclavage existe encore sous sa forme la plus cruelle, je ne peux pas me taire. Comment peut-on accepter que des personnes, comme nous tous, nés avec leurs droits naturels, comme le libre-arbitre et le choix d’avoir telle ou telle vie, en sont privés ? Ce n’est pas parce qu’ils sont loin qu’ils ne sont pas humains, ce n’est pas parce qu’ils sont pauvres qu’ils n’ont pas le droit d’être libre. On ne peut pas acheter une vie, une liberté. Mettre un prix sur la liberté de quelqu’un ne peut pas, et ne doit pas être un problème de notre époque.

À l’adresse de ceux qui achètent la liberté des Hommes, vous ne payez pas seulement à travers votre argent : vous payez avec votre morale, avec votre humanité, et à cet instant vous n’en avez plus. Je ne peux que prier pour ce qui reste de vos âmes. Votre habilité à ne pas avoir de remords me fascine. Comment pouvez-vous vivre, alors que vous avez sur votre conscience des meurtres ? Peut-être que vous ne tirez pas sur eux, mais votre action a autant d’impact qu’une balle dans le cœur. Plusieurs d’entre eux auraient souhaité mourir sous vos coups, sous vos ordres. Vous ne leur avez pas seulement enlevé leurs libertés, vous leur avez enlevé leur envie de vivre. Et j’espère qu’à la fin, vous ressentirez la même chose.

À l’adresse de ceux qui voient, mais qui ne regardent pas. Un jugement a lieu d’être et une question, à caractère égoïste, se pose : et si c’était vous ? Au moins, ça a le mérite de vous interloquer. Et si c’était vous ? Vos parents ? Vos enfants ? Vos amies ou vos partenaires ? Tout d’un coup, la lumière s’allume. Criez, battez-vous, révoltez-vous, au nom de la liberté, au nom de la vie. Une action n’a pas forcément besoin d’être matérielle pour avoir un impact : une chanson, un sit-in, une lettre… Alarmez-vous, car si en 2017, nous nous battons encore pour nos droits les plus naturelles, quelque chose ne va pas. Ils sont peut-être loin de vous, mais il faut faire comme si cela se passe en bas de chez vous.

À l’adresse des Hommes dans cette situation, en Libye et partout dans le monde. Je m’excuse, au nom de l’humanité. La lumière est au bout du tunnel. Soyez forts, nous arrivons. Votre courage n’a pas de frontière et il a frappé aux nôtres. Pardon de vous avoir laissé vivre dans cet enfer.

À l’adresse de ceux qui ont une voix et qu’ils l’ont utilisé. Merci, merci à ces médias, à ces artistes, à ces politiciens, et surtout merci aux humains de ne pas baisser les bras. Pour un monde meilleur, pour vous, êtres altruistes, et pour ceux qui viendront après. Merci de ne pas avoir oublié ceux qui sont partis pour avoir un monde plus humain, plus juste et plus noble. C’est grâce à vous que le verre est à moitié plein.

(c) Photo de couverture: Le Monde