Le Droit et la Génétique : L’avenir de la loi sur la propriété intellectuelle

Par Emanuel Parushev

Le droit et la science: deux sujets en apparence fondamentalement différents mais qui sont aujourd’hui amenés à se rencontrer. Le droit étant un domaine d’étude ancien, qui a traité des mêmes problèmes sociaux tout au long de l’histoire, il est remarquable de constater que le développement du savoir génétique ces trente dernières années a engendré une révision complète de la loi de la propriété intellectuelle. D’un point de vue purement ontologique, c’est un développement fascinant. De plus, les implications éthiques des lois qui sont adoptées aujourd’hui auront des conséquences profondes sur la vie quotidienne des générations futures.

On pourrait se demander le pourquoi d’un tel accent sur la génétique et pas sur les autres domaines de la science ou de la technologie. La chose qui sépare la génétique des autres domaines de nouvelles technologies est que le medium est l’organisme vivant lui-même. C’est-à-dire qu’en comparaison à tous les autres domaines de technologie qui servent à améliorer la vie humaine en modifiant l’univers extérieur, la génétique altère la composition fondamentale des organismes pour s’adapter aux exigences de l’univers extérieur. Cette inversion de l’approche traditionnelle représente un changement du modèle classique, que l’état actuel de la loi ne peut pas gérer.

Pour comprendre pleinement la question en cours, il faut expliquer un peu l’art de la science génétique. Le meilleur moyen d’y parvenir est peut-être d’analyser brièvement une étude de cas. La controverse sur les graines de soja Monsanto constitue un parfait exemple pour examiner les implications éthiques liées à la génétique appliquée.

En 1996 Monsanto, le grand conglomérât agrochimique international, a introduit une nouvelle souche de graines de soja extrêmement résistante aux infections parasitaires. En obtenant un brevet qui garantit la propriété intellectuelle de ses graines génétiquement modifiées, Monsanto a levé l’interdiction concernant le brevetage de graines aux Etats Unis.

Au début, ce développement de la science agricole semblait être bénéfique aux agriculteurs et à la société en général. Mais puisque le brevet est basé sur la constitution génétique du grain, la propriété intellectuelle de Monsanto s’étend à chaque nouvelle génération de graines et de plantes qui héritent des gènes de leurs parents. Se forme alors un cercle vicieux : Monsanto exige un paiement sous forme de redevances pour chaque plante qui descend de graines génétiquement modifiées. Selon la loi, Monsanto a le droit de poursuivre toute personne qui utilise sa propriété intellectuelle sans payer de redevances. Certains fermiers ont même été poursuivis pour avoir des graines de la récolte d’un voisin sur leur propre propriété, en dépit de ne pas avoir l’intention de cultiver les graines de Monsanto.

En plus de provoquer plusieurs problèmes économiques et sociaux au sein de la communauté agricole internationale, le brevetage des gènes confère un caractère incertain a l’avenir de la science génétique et la loi de propriété intellectuelle. Bien que la technologie génétique actuelle soit limitée, la recherche génétique ne cesse d’évoluer et joue un rôle de plus en plus important dans des domaines qui affectent directement la vie humaine.

Les traitements médicaux pour les maladies héréditaires se tournent vers la génétique dans la recherche d’un remède. Que se passera-t-il quand un enfant naitra en bonne santé de parents qui furent guéris par thérapie génétique d’une maladie héréditaire, une maladie qui aurait certainement été transmise à l’enfant sans ledit traitement ? Faudrait-il payer des redevances pour l’enfant en bonne santé à l’entreprise qui a breveté le traitement génétique ? Si le cas établi par l’affaire Monsanto s’applique, il constitue un argument solide à l’appui des allégations de l’entreprise.

Comme on peut le constater, cela soulève de nombreuses questions éthiques. Alors que nous commençons à saluer les progrès de la génétique, nous devons avancer avec précaution. Les lois votées en ce moment pourraient avoir un impact important sur la vie de nos enfants. Aussi, ne serait-il pas dommage de laisser des graines de soja influencer notre décision d’avoir des enfants, à l’avenir?

(c) Photo de couverture: engadget.com