Le monde de la microdose: du LSD au petit déjeuner?

Par Lucile Simon

Désolée je n’en vends pas, dois-je vous rappeler que c’est illégal ? Par contre, en prendre en « microdose » avant d’aller au bureau ça se fait. Nos amis de la Silicon Valley, en Californie, testent les supposés bienfaits qu’auraient les drogues psychédéliques prises en doses microscopiques : habitude néfaste ou géniale ?

Des drogues micro-dosées, c’est-à-dire ?

Fondateur de l’étude des sciences psychédéliques, Albert Hofmann était un chimiste suisse qui, en 1938, fut le premier à synthétiser le diéthylamide de l’acide lysergique, plus connu par son acronyme LSD. Afin de comprendre les effets de cette substance sur l’homme. Hofmann fut aussi le premier à en prendre volontairement en 1943. Il continuera à s’en administrer en microdose pour le restant de sa vie.

Le principe est le même que lorsque l’on prend des médicaments prescrits pour les troubles déficits de l’attention/hyperactivité (TDAH). Le LSD ou les « champignons magiques » auraient pour effets notoires de développer la créativité et d’abaisser le stress. Mais contrairement à l’usage récréatif de ces drogues, la pratique de la microdose ne génère pas d’hallucinations ou autres effets psychoactifs intenses. C’est donc pour cela que beaucoup d’employés à la Silicon Valley en Californie ont maintenant recours au LSD. La drogue est administrée tous les deux ou trois jours sous forme de gélules contenant de toutes petites doses. Ces ingénieurs se disent alors plus intelligents, satisfaits et efficaces dans un milieu compétitif. Certains témoignent aussi se sentir moins anxieux, mieux concentrés et plus créatifs.

Mais encore ?

Dr. James Fadiman, psychologue Américain et expert en la matière, consacre sa recherche à l’étude des psychotropes hallucinogènes depuis les années 1960. Dans un article publié en Août 2016 sur WIRED il explique que les individus ayant recours à la microdose espèrent gagner de l’avance sur leurs collègues, de la même manière que beaucoup d’étudiants prennent des médicaments tels que Adderall afin d’améliorer leur performance académique. Tandis que prendre de l’Adderall comprend de multiples effets secondaires, les drogues psychédéliques (toujours en microdose) augmentent nos capacités physiques et mentales sans pour autant avoir d’effets négatifs.

Fadiman explique que pris en doses minimes, un psychotrope peut provoquer une transe durant laquelle la personne devient plus empathique envers les autres ce qui peut améliorer les relations professionnelles. En outre, les psychédéliques ont tendance à augmenter la « pensée latérale » : la capacité à résoudre des problèmes de manière créative et originale.

David Nichols, professeur de pharmacologie à Purdue University dans l’Indiana et expert en psychotropes, et David Nutt, directeur du centre de neuropsychopharmacologie à Imperial College London ont séparément menés des études afin de comprendre les effets neurologiques de la microdose. Nichols explique qu’il est fort possible que de petites doses de LSD stimulent les voies dopaminergiques et sérotoninergiques[1] du cerveau et excitent le cortex cérébral, responsable des fonctions cognitives plus complexes. Nutt conclue lui aussi que le LSD ou les champignons rendent les fonctions cérébrales plus rapides et fluides, aidant par exemple à performer plusieurs tâches en même temps.

Et puis pourquoi pas ?

Après tout, les bienfaits de la microdose paraissent l’emporter sur les effets nocifs que peuvent produire le LSD ou d’autres drogues. Afin d’obtenir plus d’informations sur le sujet, Dr. Fadiman offre des conseils quant à la dose et la fréquence d’administration de la drogue en échange de journaux de bord maintenus par les participants. Depuis 2010, 125 individus ont participé à la recherche et 80 petits nouveaux devraient bientôt rejoindre la partie, développant ainsi nos connaissances en la matière.

Plus qu’une mode, la microdose est de plus en plus populaire, et pas seulement à la Silicon Valley. J’ai moi-même entendu dire qu’un certains nombres d’étudiants à UCL, ainsi que d’autres universités, s’y adonnent en remplaçant le LSD par de la MDMA pour augmenter leur efficacité. Sans pour autant l’encourager, cette pratique pourrait-elle devenir un style de vie ? De moins en moins stigmatisées, les substances psychédéliques en doses fractionnées s’avère une alternative plus sûre. La plupart des utilisateurs ne cherchent pas l’expérience d’une transe psychédélique. Au contraire, le but est principalement l’amélioration des performances au sein d’un environnement extrêmement compétitif.

Dena Dubal, neuroscientifique et neurologue à l’Université de Californie à San Francisco explique que la nature compétitive de l’homme, devenue presque naturelle dans la vie de tous les jours, aurait déclenché cette mode. Ainsi, les milieux comme l’université ou les start-ups sont des milieux de stress constant et poussent les gens à vouloir optimisier leurs fonctions physiques et cérébrales par tous les moyens. Geoff Woo, PDG d’une start-up qui manufacture des suppléments (légalement selon eux) visant à booster les fonctions cognitives du cerveau, explique que la créativité est cruciale à tout individu désirant développer leur carrière à la Silicon Valley.

Méthode miracle ? Pourquoi pas. Non seulement favorable à un usage personnel et intellectuel, beaucoup de chercheurs commencent à explorer le potentiel thérapeutique des psychotropes. Tandis que la majorité des consommateurs s’intéressent au concept dans le but d’augmenter leurs capacités cérébrales, il s’avère que la microdose pourrait former la base de traitement psychothérapeutiques contre la dépression chronique, l’alcoolisme ou l’anxiété.

Trop beau pour être vrai?

Bien que comprenant de nombreux avantages, la microdose a tout de même ses risques. En était mal informé ou insuffisamment préparé, il est facile de tromper de dose. Si tel est le cas l’expérience en devient très intense et peut causer des sueurs, des migraines, ou aggraver l’anxiété. De plus, de trop gros dosages peuvent aussi générer des hallucinations intenses, des flashbacks et des émotions exacerbées, particulièrement lorsque l’individu souffre déjà d’instabilités mentales. Il y a donc bien une part de danger à ne pas sous-estimer.

Malheureusement, la recherche dédiée aux psychotropes a souffert d’une interruption de 40 ans dès lors que les Etats-Unis eurent inscrit les drogues psychédéliques au tableau I des substances placées sous contrôle, le plus stricte. Les fonds investis furent considérablement réduits et la stigmatisation autour de ces substances rehaussée. A cause de cela nous en savons très peu sur les effets à long-terme que pourrait avoir la microdose. Les recherches ont repris leur cours pendant les années 2000 : les psychotropes ont-ils un avenir prometteur ?

(c) Source: http://www.wired.co.uk/article/lsd-microdosing-drugs-silicon-valley

(c) Source de la photo de couverture: entheonation.com 

[1] Voies hormonales responsables pour les sentiments de joie, contentement, bonheur, etc.