Les Pays Baltes : au coeur des tensions russo-occidentales ?

Riga pinned on a map of europe

Par Joséphine Corre

Les états baltes font face à une nouvelle fois à la menace russe qui se traduit par plusieurs intrusions militaires de la Russie dans des zones appartenant au territoire balte. Le contexte international n’a pas de quoi rassurer les trois pays qui s’inquiètent du binôme Donal Trump-Vladimir Poutine. L’incertitude quant à la protection de leur territoire par les occidentaux pousse une partie de la population à se retourner vers la Russie. La menace laisserait-elle place à cette tentation ? L’Europe et l’OTAN jouent-t-ils suffisamment leurs rôles de protecteurs ? Bien que les peuples baltes se sentent profondément européens, leur entrée dans l’Union Européenne en 2004 a déplu à la population russophone héritée de l’union soviétique, de fait écartée de la Russie.   

Une région minée par le doute

L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie concentrent des facteurs de fragilité, faisant d’eux une zone particulièrement sujette aux conflits d’intérêts russo-occidentaux. Aux frontières de l’Union européenne, le traumatisme historique persiste. Les états baltes ont connu peu de périodes d’indépendance et la peur de la perdre est constante au regard de leur traumatisme historique. La région de Livonie, la Lettonie et l’Estonie d’aujourd’hui, a été revendiquée par la Russie, la Suède et la Pologne-Lituanie depuis le XVème siècle. Au XIXème siècle, les peuples baltes se révoltent contre la Russie dans le contexte du réveil nationaliste en Europe et obtiennent une indépendance temporaire en 1918. Ils se débarrassent finalement de l’autorité soviétique en 1991. La présence d’une forte population russophone dans les pays Baltes, héritée des politiques de russification, sert de motif à la Russie pour y retrouver aujourd’hui son influence. Et l’indulgence de l’Europe face à l’annexion de la Crimée inquiète la majorité de la population, craignant à son tour de retourner sous la tutelle russe. Kaliningrad, enclave russe à la frontière de la Pologne et de la Lituanie, est l’une des bases militaires qu’utilise l’armée pour maintenir son influence en mer Baltique. Au départ de Kaliningrad, les navires russes y naviguent avec à bord des missiles balistiques. De quoi être inquiets, donc. Comme le montre l’intensité du conflit sino-japonais pour la revendication des îles Senkaku depuis 1971, la mer demeure un terrain privilégié pour menacer ses voisins et affirmer sa supériorité dans une région. Avec pas loin de 6 millions d’habitants, les pays baltes n’ont pas d’autres choix que de compter sur les puissances étrangères pour leur sécurité. Aussi, la faiblesse de l’Europe et de l’OTAN face à la Russie mène certains à penser que celle-ci leur assurerait une meilleure protection.

Un avenir étroitement lié au contexte international

Les armées baltes réalisent donc des entraînements réguliers par mesure de prévention : un manque de préparation serait perçu comme une faiblesse pour leurs adversaires. La Ligue de Défense Estonienne, le corps de volontaires de l’armée estonienne, voit son effectif croître sans arrêts. En effet, ce dernier a doublé grâce aux nouveaux arrivants avec aujourd’hui 25 000 volontaires, notamment des jeunes fiers de leur nation. A Narva, près de la frontière russe, les entraînements militaires se multiplient.  Le couple Trump-Poutine réveille les angoisses : le discours du président Trump laisse à penser qu’il ne s’imposera pas forcément en protecteur de l’Europe face à Vladimir Poutine qui tente de retrouver sa sphère d’influence à l’est. D’autant plus que le nouveau président des Etats-Unis remet en question l’article 5 de la charte de l’OTAN, affirmant que l’intervention n’est pas forcément nécessaire lorsque l’un des membres est attaqué s’il ne respecte pas le minimum de 2% de son PIB dédié à l’OTAN. Or, seul l’Estonie atteint cet objectif avec 2,16%. Les deux autres pays baltes multiplient toutefois leurs efforts pour atteindre ce niveau- aujourd’hui autour de 1,5%. Il semble que Donald Trump ne se risquerait pas à une guerre contre la Russie au seul motif de la menace sur les pays Baltes, désignée par l’un de ses soutiens républicains Newt Gingrich comme « une banlieue de Saint Pétersbourg ». La possibilité d’une véritable attaque russe est faible mais les manipulations pour affaiblir l’organisation Nord-Atlantiquet flatter la population russophone sont réelles. Donald Trump ne faisant pas de l’Europe sa priorité, pour ses habitants la menace semble permanente.

Quel rôle pour l’Occident dans la région ? 

Les avions russes survolant la mer Baltique ne sont pas rares et justifient la surveillance de l’espace aérien dans la zone. Les membres de l’OTAN s’engagent sur place en envoyant des hommes en mission pour venir en aide aux armées baltes. Celles-ci font appel aux autres pays membres de l’organisation pour effectuer ce genre des missions nécessitant une technologie supérieure que seuls les grandes puissances militaires possèdent. Sur la base aérienne de Siaulai en Lituanie, des membres de l’armée française surveillent l’espace aérien, très fréquenté par l’aviation russe. Les avions russes le survolent pour rejoindre l’enclave de Kaliningrad ou pour rejoindre l’Europe, mais pas seulement. En 2 mois d’opération à l’automne 2016, 16 avions suspects ont été intercepté dont la plupart étaient russes. Afin de ne pas détériorer la relation franco-russe, cette opération reste, paradoxalement, très discrète.

Cependant, la Russie n’a toutefois aucune raison valable de se lancer dans une guerre à l’Europe, ce qui explique l’absence de réaction des autorités européennes. Les intrusions de la Russie en dehors de son espace aérien visent à faire pression sur l’Union Européenne et ainsi à diviser pour mieux régner. L’Europe doit donc veiller à son unité pour ne pas succomber à la stratégie qui a porté ses fruits en 2014 en Crimée. Tout en sachant qu’il n’y a jamais eu autant de troupes occidentales à la frontière russe depuis l’opération Barbarossa en 1941…

http://abonnes.lemonde.fr/europe/article/2016/12/25/l-europe-des-confins-des-pays-baltes-en-plein-doute-1-5_5053852_3214.html

http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/otan-la-france-engagee-dans-les-pays-baltes_1899935.html

http://www.touteleurope.eu/actualite/la-contribution-des-etats-europeens-a-l-otan.html

http://www.wsj.com/articles/natos-jittery-baltic-members-move-to-beef-up-own-defense-1483447152?tesla=y&mod=e2fb

(c) Photo de couverture : globalmeatnews.com