Par Raphaël Cario
Au lendemain de l’inauguration du 45ème président des Etats-Unis, le sénat espère que Trump pourra disposer au plus tôt d’un cabinet fonctionnel. Pour cela, voilà deux semaines que les nominés aux postes de gouvernement sont entendus par les différentes commissions du sénat en vue de leurs confirmations. Une occasion d’en savoir plus sur le futur gouvernement de l’Etat fédéral.
Tous les membres du cabinet de Trump, ainsi que la plupart des nominés aux postes à responsabilités, doivent être confirmés par le sénat des Etats-Unis. Par conséquent, chaque nominé se doit de passer une audience sénatoriale. Il s’agit d’une longue session d’interrogation, pouvant durer plusieurs jours, menée par les membres des commissions (bipartisanes) correspondant au poste (le Secrétaire d’Etat passe devant la commission des Relations Extérieures, etc.). Après l’audience, une majorité simple est nécessaire pour être confirmé, les démocrates ayant levé l’obligation d’une majorité aux deux tiers en 2014 afin d’éviter les obstructions parlementaires. Les Républicains ayant une majorité au sénat de 51 sièges (bientôt 52), il est peu probable qu’un des nominés ne soit pas confirmés. Il est toutefois possible qu’en cas d’égalité ils doivent faire appel au nouveau Vice-Président, Mike Pence, qui départagerait le vote afin de d’assurer une confirmation à la nouvelle administration.
Les cinq membres les plus importants du futur gouvernement à être passé devant une commission sénatoriale sont Rex Tillerson, nominé pour le poste de Secrétaire d’Etat (ministre des affaires étrangères), Sen. Jeff Session Nominé pour le poste de Procureure général (Attorney General, Ministre de la Justice), Gov. Rick Perry pour le poste de Secrétaire de l’Energie, Dr. Ben Carson, candidat malheureux à l’investiture républicaine et nominé pour le HUD (Housing and Urban Development) et Betsy DeVos pour l’éducation.
Rex Tillerson, ancien PDG de Exxon Mobil, une compagnie pétrolière américaine, a dû faire face aux dures questions posées par des républicains comme par des démocrates sur ses liens avec la Russie. En effet, sa relation personnelle avec le Président de la Fédération, Vladimir Poutine, inquiète une partie des membres de la commission des Relations Extérieurs qui sont, dès lors tentés de ralentir sa nomination. Tillerson a tenté de les rassurer en assurant que sa première priorité serait d’empêcher l’expansionnisme russe en Ukraine et en Syrie. Alors qu’il était interrogé de manière insistante par Sen. Marco Rubio, lui aussi candidat malheureux à l’investiture républicaine, sur s’il qualifierait Vladimir Poutine de « criminel de guerre » pour ses actions menées en Tchétchénie et en Syrie, Tillerson a répondu qu’il « n’emploierait pas ce mot ». Il s’est cependant distancé du Président en s’opposant à plusieurs de ses propositions, notamment le Muslim Ban et en reconnaissant les dangers du réchauffement climatique, sans pour autant le considérer comme une « menace imminente ».
Sen. Jeff Sessions, qui a été entendu plus tôt ce mois-ci, a aussi pris ses distances avec Trump. Alors qu’on lui demandait s’il considérait les propos du président enregistré il y a dix ans et ayant fait surface pendait la campagne comme décrivant une « agression sexuelle », le nominé a répondu « Très Clairement, c’est la cas ». Il a également exprimé sa volonté d’appliquer la loi en matière d’avortement bien qu’il y soit personnellement opposé. De la même manière, il supporte l’application de la loi votée en 2010 étendant les « hate crimes » (crime haineux) aux crimes commis contre les LGBT. Tout au long de son audience, il a également nié les allégations de racisme, ayant été accusé en 1986 d’avoir fait des remarques racistes alors qu’il était procureur général d’Alabama.
Dr. Ben Carson, ancien chirurgien et une fois de plus candidat malheureux à l’investiture républicaine, a surtout été interrogé, lors de son audience pour sa nomination au poste de secrétaire du HUD, sur le possible conflit d’intérêt entre le président (et sa famille) et le marché immobilier. Il a été questionné de manière très insistante par Sen. Elisabeth Warren du Massachussetts (égérie de la gauche dure américaine) qui lui a demandé s’il pouvait garantir que pas un dollar du trésor public ne se retrouverait dans la poche du milliardaire ou de ses proches. Carson a répondu : « Je peux vous assurer que ce que je fais est porté par une morale et des valeurs, il ne sera pas mon intention de faire quoi que ce soit qui lui profite personnellement ». Si cette réponse précise que ce ne sera pas son intention, elle n’en n’écarte pas la possibilité.
Le nominé pour secrétaire de l’énergie (responsable entre autres de l’arsenal nucléaire) est Rick Perry, ancien gouverneur du Texas et (surprise) candidat malheureux à l’investiture républicaine en 2012 et 2016. Lors de sa campagne en 2012, il oublia durant l’un des débats l’un des départements qu’il promettait d’abolir s’il était élu. Il est maintenant nominé pour le diriger. Il a reconnu regretter cette proposition durant son audience et a fait l’éloge de la recherche énergétique (menant à des innovations comme la fracturation hydraulique). Beaucoup remettent en question sa capacité à diriger le département de par son manque d’expérience, alors qu’il devrait succéder à Ernest Moniz, physicien nucléaire très reconnu.
Le dernier nominé à être passé devant une commission est Betsy Devos pour l’éducation. DeVos est une militante de longue date pour les écoles sous contrat (privés en accord avec l’état) et a passé une très mauvaise audience où elle est apparue comme totalement perdu en ne semblant pas maitriser suffisamment les dossiers (notamment au sujet des armes à feu dans les écoles où réponse vague a laissé plusieurs membres de la commission perplexes). Issue d’une riche famille du Michigan, famille qui a depuis longtemps financé le parti républicain à hauteur de millions de dollars (17 millions depuis 1989 d’après la Federal Election Commission) elle a été questionné sur ses qualifications alors que Sen. Warren l’a accusé de n’avoir été nommée que grâce à ses contributions. Les démocrates ont dès lors demandé une deuxième audience alors que son vote de confirmation a été reculée d’une semaine
Il semble peu probable qu’un des nominés ne soit pas confirmé par le sénat alors que même Marco Rubio semble pencher vers un vote pour Tillerson. Le chef de la majorité au sénat, Mitch McConnell, a d’ailleurs assuré à la presse et à la nouvelle administration que le cabinet serait confirmé dans son ensemble. C’est donc sans problème que pourra commencer à travailler le prochain gouvernement dont l’inexpérience inquiète une partie du public et de la classe politique.
- Photo de couverture : The White House’s Museum