Par Lucile Simon
Les zombies, ça n’existe pas. Pas chez les humains non (quoiqu’il m’arrive quelquefois d’en croiser tard la nuit dans les couloirs de la bibliothèque). Certains s’y préparent quand même, à cette fameuse apocalypse des zombies, sujet préféré de plusieurs séries et films qui n’en finissent plus de sortir. Je leur conseille d’aller se renseigner auprès des Sciences de la Vie plutôt que la science-fiction car, en effet, une étude menée par David Hughes, entomologiste à l’université de Pennsylvania State, explique l’existence de « fourmis-zombies ».
S’il vous vient l’envie de partir en voyage au fin fond du Brésil ou de la Thaïlande, prenez garde où vous posez les pieds ! Leurs forêts abritent plusieurs espèces de fourmis charpentières victimes d’un ennemi peu commun. L’Ophiocordyceps unilateralis, plus connu sous le nom de « champignon zombie » est un parasite qui n’infecte que les insectes (heureusement pour nous autres Homo sapiens). Il doit son surnom à son mode d’infection plutôt particulier, consistant à prendre possession du corps de sa proie et la pousser vers une mort précoce.
J’entends le mot « zombie » ?
Pas d’inquiétude à avoir : ces fourmis ne chercheront pas à vous dévorer la cervelle. En réalité elles sont plus mortes-vivantes qu’autre chose. Elles doivent leur nom à la maladresse avec laquelle elles se déplacent accompagnée de spasmes périodiques qui sont caractéristiques du comportement d’un champignon et non pas d’un insecte.
Un prédateur malin
Découvert en 1859 par Alfred Russel Wallace, biologiste Anglais, on trouve O. unilateralis surtout dans des écosystèmes humides tels que les forêts tropicales. Ne pouvant survivre par lui-même au-delà de trois semaines, notre coupable dépend entièrement de son hôte pour se reproduire et se propager. Sa courte vie n’est néanmoins pas un problème : les fourmis sont une espèce abondante fournissant à ce parasite un nombre incalculable et inépuisable d’hôtes. Nous avons donc affaire à un champignon malin capable de choisir une cible favorable à sa survie.
Que sait-on de plus ?
Aux alentours de 2009, l’entomologiste David Hughes entreprend la tâche d’éclaircir donc le mystère de ces fameuses fourmis. Accompagné de son équipe, il part pour la Thaïlande afin d’étudier ce curieux phénomène. Et c’est dans son laboratoire en Caroline du Sud qu’elles lui livrent leur secret. Les spores, particules infectieuses répandues dans l’air par le parasite, infectent l’insecte en pénétrant son exosquelette. Une fois contaminée, la victime se comporte d’une manière des plus étranges. Comme ivre, elle erre maladroitement à l’écart de sa colonie au lieu de suivre ses congénères vers la canopée. C’est en fait le champignon qui, ayant pris le contrôle de son cerveau, la force à descendre aux pieds des arbres, environnement humide et donc plus adéquat à son bon développement. La fourmi se positionne à l’envers et plante alors ses mandibules dans les nervures d’une feuille, autre geste considéré anormal chez cet insecte. Il ne faut pas plus de 3 à 9 jours pour qu’elle succombe à son attaquant. Quelques jours après sa mort, tel un miracle elle reprend « vie ».
En vérité, à cette étape du cycle d’infection la moisissure s’est répandue dans tout l’exosquelette de son hôte. Elle a proliféré autour du cerveau et des muscles permettant au parasite de contrôler les mouvements de la coquille maintenant vide. Ce qui rend ce phénomène particulièrement fascinant est le fait que la moisissure n’ait pas pénétré l’intérieur du cerveau ou des muscles. O. unilateralis posséderait de grandes facultés d’adaptation ainsi que les moyens de développer des mécanismes complexes.
Il ne reste plus qu’au champignon à développer une longue tige (vue ci-dessous) qui diffusera ses spores. Elles seront dispersées par milliers et viendront se déposer sur de nouvelles victimes, perpétuant ainsi le cycle.
Par : David P. Hughes et Maj-Britt Pontoppidan
Malgré son effet nocif chez les fourmis, cette famille de champignons posséderait divers avantages pour l’homme. Certaines de ses secrétions naturelles pourraient être utilisées dans des produits tels que les colorants alimentaires ou même des procédés de fabrication pharmaceutique. Plus important encore serait leur potentiel médical. Des recherches sont actuellement en cours afin d’explorer son utilité dans les traitements contre les tumeurs, les taux élevés de glucose dans le sang, et plus récemment la tuberculose.
Néanmoins, les mécanismes participant à la transformation de fourmis en zombies restent incompréhensibles et font l’objet d’études approfondies. Et si ce parasite déjà très avancé parvenait à s’adapter au corps humain ? L’apocalypse des zombies serait-elle plus proche que nous ne le pensions ?
Pour aller plus loin :
http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/des-fourmis-zombies-decouvertes-au-bresil_1112973.html
http://www.nature.com/news/fungus-that-controls-zombie-ants-has-own-fungal-stalker-1.11787
(*) Sources de la photo de couverture : Flickr.com