Par Jérémie Gaudez
Le 10 juillet 2016, la France joue ce qui s’apparentait être la finale « la plus facile de son histoire » d’après le journal El Mundo. 120 minutes et un but d’Eder plus tard, les Bleus tombent de haut. Il ne faut néanmoins pas ôter la progression et le parcours à la fois impressionnant et étonnement décevant de l’équipe.
Préparation : les Bleus dans la douleur
N’oublions pas que, lors de la campagne de matchs amicaux, l’équipe de France a été vivement critiqué par la presse. Entre prestations décevantes et inaptitudes offensives, notamment lors de la défaite 1-0 face à l’Albanie, les Bleus ne suscitaient pas grand espoir et sympathie de la part des Français. Certains joueurs ont fait le sujet de polémiques, notamment Benzema et Valbuena lors de l’affaire de la « Sex-tape », Sakho lors d’une affaire de dopage (depuis blanchi) ou encore Benzema ayant accusé Deschamps de racisme. Ces joueurs ne furent d’ailleurs, pas convoqués.
Cette tendance aurait pu s’inverser lors d’un sombre 13 novembre avec une victoire 2-0 sur l’Allemagne (déjà) et l’arrivée de nouveaux joueurs, jeunes et prometteurs tels que Martial et Coman. Mais d’autres évènements, surtout lors de cette sinistre journée, mettent encore plus de pression sur ces joueurs qui portent maintenant les espoirs d’un peuple meurtri par du terrorisme sale, sans vergogne.
Les derniers matchs amicaux victorieux de la France (3-2 face aux Pays-Bas, 4-2 face à la Russie, 3-2 face au Cameroun et 3-0 face à l’Ecosse) montrent une équipe offensive au visage nouveau, sans ses anciennes stars mais avec la montée de Griezmann et Payet. Cependant, une vague de blessures en défense (Varane, Mathieu, Zouma, Trémoulinas forfaits…) sèment la panique (on remarque que la France a concédé au moins 1 sauf dans un seul des derniers matchs amicaux) et forcent la convocation de Rami, véhément dénoncé comme étant le point faible de cette équipe, et celle d’Umtiti très demandé par les fans.
Les Bleus sont donc soumis à une énorme pression avant le début de cet Euro, ayant subis nombre de critiques, changements suite à l’indisponibilité de ses stars, possédant une défense fragile et une attaque souvent impuissante, soutenu par une population au moral vacillant. Affaire facile donc.
L’Euro 2016 : Un parcours du combattant…
… avec un début pour le moins rassurant
Loin de confirmer les espoirs placés en eux, les Français suscitent au contraire des craintes: entre fragilités défensives contre la Roumanie, un nul immérité face à la Suisse et victoire in extremis pour le match de la revanche nous opposant à l’Albanie, on trouve peu de motifs de satisfaction. Quelques trames se dégagent cependant, telles que la maîtrise de Koscielny en défense, la sérénité d’Hugo Lloris dans les buts, la montée en puissance de Griezmann et Sissoko (notamment face à la Suisse pour ce dernier), l’efficacité de Giroud, la hargne de Payet ou, malheureusement, la faiblesse d’Evra dans son couloir gauche. Mais surtout, la France trouvait le moyen de ne pas perdre et allait chercher la victoire dans les moments difficiles. On n’avait pas vu tel état d’esprit depuis longtemps. De bon augure donc.
Payet, justement, sauveur des Bleus et homme de cette phase de groupe. Il est facile de passer outre ce qu’il a accompli suite aux prouesses de Grizemann ; mais il gagne le match d’ouverture face à la Roumanie à lui tout seul, offrant à Giroud le premier but de la compétition et délivrant tout un peuple grâce à une frappe flottante limpide allant se figer dans la lucarne adverse et a grandement pesé face à l’Albanie, marquant le deuxième but après Griezmann justement. Il n’est pas aligné au départ de Suisse-France qui finit sur un triste 0-0, montrant son importance. Sans lui, la France quittait cet euro prématurément.
Phases finales : la domination
Un début (incroyablement) poussif face à l’Irlande et quelques frayeurs face à l’Allemagne : c’est tout ce qu’on peut reprocher à cette équipe entre la phase de groupe et la finale. Certes, une énorme erreur de Pogba offrit un pénalty à l’Irlande qui nous asphyxia pendant la première mi-temps des huitièmes de finales mais la remontée spectaculaire des Bleus, avec de surcroît une grande performance de Griezmann auteur un doublé, annonçait la tenure des prochains matchs. Démontrant une grande entente avec Giroud, le duo d’attaque prenais le match en main et l’emportaient d’une manière telle qu’on en oublia leur début catastrophique. Le festival offensif face à l’Islande où tous les cadres s’exprimèrent (Pogba, Payet, Griezmann, Giroud par deux fois…) paracheva cette impression d’une domination écrasante. La France était, à ce moment, en forme et devenue la meilleure équipe de cet euro. Même Giroud fit taire les critiques, ayant marqué 11 buts en 12 matchs alors qu’il était régulièrement attaqué à cause de sa finition douteuse.
Tombeuse de l’Allemagne en demies, la première et à priori seule grosse équipe qu’elle aura à affronter, la France se dirige droit vers son troisième euro. Auteur d’un nouveau doublé, Griezmann a sécurisé le soulier d’or du meilleur buteur et se distingue comme étant le meilleur joueur de la compétition. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes puisque même Umtiti est l’auteur de performances références en défense pour sa première titularisation face à l’Islande et sa deuxième face à l’Allemagne (rien que ça) et Sissoko, titulaire face à l’Allemagne, joue admirablement bien alors que le joueur de Newcastle est pratiquement inconnu du grand public et souvent remplaçant. La finale s’annonce donc être une simple formalité.
Nota bene : Ne jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué
Désillusion. Humiliation. Laxisme. Rien ne peut qualifier l’énorme déception qui s’abat sur la France le soir du 10 juillet. Alors que l’un des deux meilleurs joueurs du monde, Cristiano Ronaldo, sort blessé au tout début du match, annihilant la force d’attaque portugaise et offrant virtuellement la finale à son adversaire du soir, le Portugal réalise l’impossible. Misant sur sa grande force lors de cet euro, une défense à toute épreuve, il plie mais ne cède pas.
Pepe, Fonte cadenassent l’attaque française et Rui Patricio réalise le match de sa vie, devenant le gardien ayant réalisé le plus d’arrêts en finale (7 dans le temps réglementaire). S’imposant sur une tête de Griezmann, sur une frappe puissante de Sissoko ou sauvé par son poteau face à Gignac, il maintient sa cage inviolée. Pendant ce temps, le Portugal se rapproche.
Lloris doit s’imposer à son tour face à Nani avec une claquette de grande classe. Ensuite, un coup franc de Guerreiro sur la barre (sifflé pour une main inexistante de Koscielny alors que c’est en fait Eder, attaquant remplaçant et futur héros national qui avait touché la balle). Enfin, le désastre. Le coup franc est dégagé mais Moutinho récupère le ballon et le distille à Eder. L’attaquant du Lille Olympique Sporting Club contrôle le ballon et distance Koscielny lequel, déjà averti, ne s’est pas risqué à commettre une faute, et déclenche une frappe d’une précision chirurgicale, rasant le poteau, juste hors de portée du portier français. Le Portugal, en jouant crânement sa chance, venait de réaliser un exploit et décrochait le premier titre de son histoire, 12 ans après la désillusion de 2004 à domicile face à la Grèce.
En ce qui concerne les Bleus, à part une – mais qu’elle fut couteuse- erreur défensive, à savoir le manque de pressing sur Eder lors du but, la prestation était solide. Sagna et Evra ont fait leur match. Umtiti et Koscielny, certes fautifs sur le but, étaient solides et ont des circonstances atténuantes. Lloris a longtemps repoussé les assauts portugais. Matuidi et Pogba ont assuré une domination française au milieu du terrain et n’ont pas commis de grosses erreurs. Sissoko a quant à lui réalisé le match de sa vie, perçant les lignes portugaises avec ses accélérations, forçant une sublime parade de Patricio sur une frappe lointaine, montrant son amour du maillot et scellant sa place en équipe de France pour les éliminatoires de la coupe du monde 2018. Cependant, l’attaque n’est pas exempt de tout reproche : Payet et Giroud étaient invisibles, Griezmann a montré qu’il craque lors des grands moments – autant en finale de ligue des champions avec un penalty manqué qu’à l’euro avec sa tête passant au-dessus du but d’un Rui Patricio impuissant – et Gignac a cruellement manqué de chance, sa frappe heurtant le montant. Mais, quand ça ne veut pas marquer, ça ne veut pas.
L’après Euro : le futur des Bleus et la Coupe du monde de 2018
Malgré ce tragique dénouement, cet Euro a de quoi nous rendre optimiste. Les joueurs ont montré qu’ils avaient l’amour du maillot. Un beau collectif, une attaque enfin bien rodée et une défense plutôt solide en font l’une des meilleures équipes de cet Euro, possédant la meilleure attaque, le meilleur buteur et le meilleur joueur de la compétition, Antoine Griezmann. Il constitue un pilier jeune et talentueux autour duquel une équipe performante peut être construite. Lloris a montré toute sa grandeur, Koscielny sa maîtrise et Umtiti qu’il avait le niveau pour être titulaire. Avec lui, Zouma, Sakho, Varane, la France possède 4 jeunes défenseurs aspirant à s’imposer en charnière centrale. De plus, il peut même jouer latéral où Sagna et Evra commencent à se faire vieux.
En attaque, tous les joueurs ont considérablement marqué les esprits. Giroud peut espérer un rôle de titulaire à Arsenal où il devra confirmer sa grande forme et, au pire, il trouvera un autre club qui sera ravi de l’accueillir. Payet, s’il ne décroche pas un contrat lucratif à West Ham où il est adulé, pourrait partir dans un très grand club après son Euro réussi. Coman est l’un des trois meilleurs jeunes joueurs de cet Euro et, chaque fois qu’il rentrait sur le terrain, il pesait dans le jeu, dynamitant les phases offensives et apportant de la vitesse, faisant de lui un grand atout. Mais le grand vainqueur reste probablement Sissoko, sorti de nulle part, qui va probablement pouvoir se sortir de l’impasse dans laquelle il se trouvait à Newcastle, équipe devenue médiocre et reléguée en Championship (D2 anglaise) pour aller dans un club d’envergure. A l’opposée, le grand perdant est Gignac qui a joué presque chaque match mais sans marquer un but et, surtout, manquant la balle du match en finale. Le jeune Lacazette doit trépigner d’impatience, attendant son heure. Martial non plus n’a pas marqué les esprits mais, n’ayant que peu joué, il est difficile de se faire une opinion de sa performance.
Au milieu, personne n’a vraiment brillé, que ce soit Pogba, Cabaye ou Matuidi. Kanté, encore peu expérimenté en équipe de France, pourrait bien prendre la place de ce dernier grâce à sa débauche d’énergie, ses relances précises et son autorité dans les duels. Il faut juste pour cela qu’il montre avec son nouveau club, Chelsea, que son excellente saison avec Leicester n’était pas que l’affaire d’une année. Cependant, personne n’a vraiment commis d’erreurs non plus et c’est aussi tout ce qu’on demande à des milieux aux caractéristiques avant tout défensives, preuve d’une certaine sérénité dans l’entrejeu. Après tout, la France a dominé presque tous ses matchs avec une possession de balle supérieure et cela demande un travail colossal d’organisation, récupération et orientation du jeu de leur part. Rien de quoi paniquer donc.
Enfin, Griezmann. Important tout au long de l’Euro et libéré à partir des phases finales, le jeune joueur va probablement ressortir grandi d’une saison où il aura disputé deux finales pour deux défaites. Pièce maîtresse des Bleus, il a tout d’un jeune Ribéry. Polyvalent, finisseur, rapide, costaud et possédant un très bon jeu de tête malgré sa petite taille, c’est le nouveau héros français. Le natif de Macon a unifié le pays sous son aura et son talent phénoménal. Il est difficile de croire qu’il a été refusé, enfant, par nombre de clubs Français et qu’il a failli ne pas devenir footballer. Mais ces revers l’ont endurci et probablement aidé à devenir l’un des nouveaux leaders des Bleus. Avec un tel joueur à la barre, le futur est radieux et ensoleillé (au contraire de cet Euro où il a souvent plu.)
Des joueurs aspirant au ballon d’or (surtout un, le meilleur joueur de l’euro), une défense talentueuse, une attaque retrouvée, un gardien de classe mondiale, un milieu serein, une jeune équipe inondée par le talent avec de la compétition à tous les postes et, surtout aguerrie par une triste finale. Si quelqu’un ne donne pas la France favorite pour arriver au moins dans les équipes du dernier carré de la prochaine coupe du monde, c’est un grand pessimiste. Il ne reste plus qu’à cette équipe de confirmer lors des éliminatoires avant la coupe du monde 2018.