Coupe d’Europe 2016 : l’ennemi de l’intérieur

Par Jérémie Gaudez 

Tandis que la France, embourbée dans des troubles politiques et sous la menace terroriste, a désespérément besoin d’un Euro réussi, celle-ci a été trahie par des hooligans venu ternir l’image du football et d’une compétition qui avait pourtant bien commencé. On s’attendait certes à un accident ou un attentat pendant l’euro. Personne ne s’attendait à un début tranquille de la compétition et l’Etat français a pris les mesures qu’il fallait : déploiement massif des forces de l’ordre, périmètre de sécurité avant Irlande – Suède suite à la découverte d’un coli suspect… Mais une autre menace a pris une plus grande envergure : les hooligans.

Il faut dire que la France et l’Angleterre ont grandement agi ces dernières années pour limiter leur influence, allant de la simple amende à l’interdiction de stade comme l’ont appris à leurs dépens les « ultras » du PSG. Ainsi les accidents et les combats entre supporters ont diminué en nombre et en intensité. En France, on peut citer quelques cas isolés, comme les Niçois affrontant les Stéphanois à travers des lancers de sièges au stade de Nice, l’Allianz Riviera, ou encore quelques escarmouches entre Lyonnais et Stéphanois. Mais rien de l’envergure de la guérilla entre Russes, Anglais et Marseillais qui sévit à Marseille (suivie par ailleurs de batailles entre Irlandais du Nord et Niçois).

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Pendant une journée, c’était la guerre. Les Russes étaient préparés : cagoulés, ayant préparé des projectiles et se saisissant de chaises avoisinantes, ils chargent quelques fans anglais quelque peu enivrés avant de prendre la fuite. Les Anglais ripostent et s’ensuit ainsi une guérilla dans les rues de la ville, les Russes harcelant les Anglais à chaque coin de rue. Certains marseillais se joignent à la fête pendant que certains retraités, faisant leur promenade habituelle sur la « promenade des Anglais », tentent de prendre la fuite. Les CRS interviennent, mais trop tard, et doivent faire un ample usage de gaz lacrymogène pour « contrôler la situation » qui va empirer lors du match, alors que les Russes chargent à nouveau les Anglais au coup de sifflet final.

Ce que l’on peut tirer de cette terrible journée, c’est déjà que les forces de l’ordre étaient submergées. Les CRS n’étaient pas préparés à riposter ou, encore mieux, empêcher cette situation en étant, par exemple, déployés en masse à proximité des fans ou en infiltrant leurs rangs en civil. Les stadiers et forces de police dans le stade n’étaient pas en nombre suffisant pour empêcher les débordements. Les forces de police de Lens, en approche du match Angleterre – Pays de Galle, doivent en tirer des leçons – ce qui a été le cas : des mesures de sécurité appropriées ont été prises et le match s’est déroulé dans le calme.

La deuxième, c’est que certaines réactions sont disproportionnées. Lens va interdire toute vente d’alcool l’après-midi à proximité du stade, une mesure assez excessive. Les fans de rugby irlandais se saoulent à chaque match et, pourtant, ils causent peu d’incidents. De plus, un homme saoul ne peut pas vraiment se battre ou causer des dégâts similaires à ceux éprouvés par Marseille. Enfin, les Russes cagoulés n’ont probablement pas décidés d’attaquer les anglais en masse suite à une décision impulsive prise sous l’influence de l’alcool. C’est une mesure qui ne règle pas le problème à la source et n’aura que des répercussions mineures. Mais c’est probablement un sujet pour un autre article. La menace de disqualification de l’Euro, si elle n’est pas un rideau de fumée, est une bien meilleure solution.

La troisième, et beaucoup plus importante, c’est qu’elle tâche l’image du sport et du football. Elle contraste notamment avec la solidarité exprimée après les attentats du 13 Novembre, où chaque stade anglais avait chanté la Marseillaise, où le drapeau français avait été hissé jusque dans les stades américains de NFL, où l’ensemble du monde du sport et du football avait montré une fraternité unique, forte, redorant le blason d’un sport jadis trop terni par les actes isolés d’ultras fanatiques, surtout durant certaines années noires du PSG. Sur ce sujet, ces évènements remettent aussi en cause l’intégration de certains supporters qui avaient fait l’effort de suivre les règles imposées par le club et avaient milités pour être réintégrés.

Certes, d’autres images fortes s’opposent à cette barbarie, comme celle d’un supporter irlandais tenant la main d’un supporter polonais blessé par ces brutes et hospitalisé. Mais ce sont les hooligans qui font la une des journaux qui, en plus de blesser leurs adversaires, dégradent leur image, celle de leur pays et du sport. Le football est un lieu de réjouissance, de chants, de fair-play, de joie pour oublier les petits malheurs du quotidien. En agissant de cette manière idiote, ils abîment l’image d’un sport déjà si fragile ébranlée par la corruption, l’argent, juste pour montrer que, maintenant, ils sont plus forts, plus violents et, surtout, plus immatures que les hooligans adverses.

Cette attitude ne peut plus durer. La Russie est particulièrement responsable : ils ont envoyé une liste de personnes interdites de stade plus petite que la Suisse, qui elle-même avait envoyé les noms de moins de 100 personnes ! L’Angleterre, en comparaison, avait envoyé plus de 3000 noms. De plus, un député et haut responsable de l’union russe de football, Igor Lebedev, a déclaré qu’il ne voyait « aucun problème » à ce que des fans se battent entre eux et a encouragé « les gars » à « continuer ». « Bravo ». De telles personnalités n’ont pas leur place dans un monde du sport se basant des valeurs de fair-play et de respect. Ceci est très troublant à l’approche de la coupe du monde 2018 en Russie.

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Si l’UEFA veut se faire respecter et mettre un terme à ces violences, elle doit prendre des sanctions plus sévères que l’interdiction de la vente d’alcool pour la survie de la bonne image que le football a acquis récemment. La menace de disqualification de la Russie doit être imposée en cas de nouvelles violences.