Par Rita Bouziane
« Beau moment ce matin pour l’inauguration de la plaque commémorant le génocide des Tutsi au Rwanda. N’oublions jamais. » Voilà les mots partagés par la maire de Paris, Anne Hidalgo, suite à l’inauguration du jardin destiné à la mémoire des Tutsi au Rwanda. Si le geste est admirable, il a un parfum amer. Il semble fort de constater que la mémoire suit un schéma allant de l’amnésie et l’occultation du passé à une émergence progressive de mémoires. Dans le cas du génocide rwandais, la passation officielle de la France sous silence pendant plusieurs années est justifiée de par le fait que lors de la montée des tensions, jusqu’aux prémices du massacre, la communauté internationale dont la France et les Nations unies fontpartie, n’est pas intervenue. En effet, entre Avril et juin 1994, près de 800000 Rwandais furent tués en l’espace de 100 jours. La plupart des victimes étaient des Tutsis et la grande majorité de ceux qui perpétrèrent ces violences, des Hutus. Ce qui n’était qu’un défilé de contestations de nationalistes dans la capitale Kigali s’est rapidement transformé en un véritable bain de sang civil qui fut marqué par une vitesse et une violence sans pareil. Ce n’est que plus tard que le frontPatriotique Tutsi vient porter secours à son peuple et né put que constater l’énormité des dégâts. Ainsi, allons-nous revenir sur les tristes pages de cette histoire sombre de l’Afrique subsaharienne.
Tensions ethniques au Rwanda :
Les tensions ethniques qui animent le Rwanda ont toujours été présentes. On note, en effet, un désagrément majeur entre le peuple des Hutus – les plus représentés dans le pays soit 80 % de sa population – ainsi que la minorité Tutsie. Cette rivalité s’est transformée en animosité depuis la période coloniale.
Cependant, les deux groupes ethniques peuplant le Rwanda sont très similaires : même langue, occupation du même espace et suivirentdes mêmes traditions. Les Tutsis sont généralement plus grands de taille, plus fins que les Hutus et ils sont réputés êtres originaires d’Éthiopie.
A l’arrivée du colonisateur Belge en 1916, le pays était divisé en trois groupes ethniques. D’une part les Tutsis, qui étaient présents lors de la colonisation allemande du pays et le dirigèrent via une monarchie, les Hutus et les Twa qui ont disparu car ils furent éradiqués par les deux autres peuples.
Des cartes d’identité furent mises en service classifiant les populations selon leur origine. Or, les Belge considéraient les Tutsis comme supérieurs au Hutus, c’est ainsi que pendant les 20 ans qui suivirent, il leur a été offert de meilleurs postes et de chances face à l’éducation que leurs voisins Hutus. La haine grandissante des Hutus envers les Tutsis aboutie à une série d’émeutes en 1959 qui se soldèrent avec l’assassinat de 20000 Tutsis et la fuite d’autres Tutsis vers des pays voisins comme le Burundi, la Tanzanie et l’Ouganda. Lorsque la Belgique accorda son indépendance au Rwanda en 1962, les Hutus prirent de plus en plus de place au sein de pays et pointèrent les Tutsis comme les responsables des crises économiques traversées par le pays.
Ainsi, le Génocide du Rwanda, commencé en 1994, puiserait ses sources près d’un siècle auparavant, en 1916, à l’heure de la colonisation belge.
Déclanchement du génocide :
Le 6 Avril 1994, à 8H30, le Président Juvénal Habyarimana, un Hutu qui avait instauré un régime dictatorial au Rwanda pour les Tutsis depuis 1973, revenait en avion d’un sommet organisé en Tanzanie, quand l’appareil fut abattu alors qu’il survolait la capitale Kigali. Aucun passager ne survécut.
Au jour d’aujourd’hui, personne n’est capable de déterminer qui furent les réels responsables de l’accident, mais il n’en fallut pas plus pour les extrémistes Hutu pour qi’ils démarrèrent dans les 24 heures qui suivirent une réelle boucherie dont furent victimes les Tutsis et prirent contrôle du gouvernement.
Cent jours de sang :
Le massacre débuta à Kigali – la capitale rwandaise – quand La Jeune Organisation Anti-Tutsi établie par les extrémistes Hutus, mit en place des barrages sur la route et des contrôle d’identification à l’issu desquels tous les Tutsis furent tués à l’aide de machettes, de bouts de bâtons et de couteaux.
Le 7 Avril de la même année, les extrémistes Hutus prirent le pouvoir dans le pays et déclarèrent que tout Tutsis et Hutus modérés seraient tués. La Belgique envoya des casques bleus de l’ONU afin d’essayer de rétablir la paix et de sauver le premier ministre Rwandais mais ils ne purent sauver ni le premier ministre ni leur propre personne. Entre temps, les Hutus récupèrent tous les noms et adresses des Tutsis vivant au Rwanda à partir de dossiers volés au gouvernement et n’eurent plus qu’à faire du porte à porte.
Les semaines qui suivirent furent un bain de sang effroyable pour les Tutsis qui se réfugièrent à l’intérieur d’églises, d’hôpitaux et d’écoles mais cela n’arrêta en rien les Hutus.
L’un des pires massacre eu lieu dans la nuit du 15 au 16 avril dans l’Eglise Catholique de Nayrubye située à quelques kilomètres de Kigali. En effet, le maire de la ville proposa aux Tutsis de les cacher là-bas mais il les trahit aux Hutus qui commencèrent à les tuer à l’aide de grenades et d’armes et finirent par les achever avec des manchettes ou encore à la main.
De plus, des milliers de femmes furent violées et torturées avant d’êtres tuées. La torture passait par le découpage de leurs seins et leur excision.
Les corps des victimes ne furent pas enterrés et les restes de leurs ossements furent exposés dans des places. Beaucoup de corps furent jetés dans des lacs, des torrents et des rivières en référence au mythe selon lequel ils viendraient d’Ethiopie et étaient n’avaient pas leur place au Rwanda.
L’implication des médias dans le génocide :
Pendant les nombreuses années qui précédèrent le génocide, le Kangura – un journal contrôlé par les extrémistes Hutus – diffusa des messages haineux à l’encore de la population Tutsi et en Décembre 1990, le journal mis en place les « 10 Commandements du Hutu » où l’on pouvait retrouver des lois telles que :
– Tout homme épousant une Tutsi, ou inversement, sera considéré comme un traitre.
– Les échanges commerciaux avec les Tutsis sont interdis.
Le 8 Juillet 1993, la RTLM (Radio Télévision des Milles Collines) annonça la même couleur que le Kangura mais de manière beaucoup moins haineuse. Cependant, quand le massacre commença, la RTLM changea de ton et eu un rôle important dans le déroulement du génocide puisqu’elle invitait ces auditeurs à « couper les grands arbres », en référence à la taille des Tutsis. Aussi, la radio diffusa des noms de familles Tutsis et donna aux Hutus deux choix : tuer ou être tuer.
Le monde extérieur spectateur :
Suite à la Seconde Guerre Mondiale et l’Holocauste, l’Organisation des Nations Unies adopta une Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (CPRCG) le 9 décembre 1948 selon laquelle : « un génocide, qu’il soit commis en période de guerre ou de paix, un crime selon le droit international qu’il faut réprimer et punir ».
Cependant, l’ONU, n’est pas intervenue et aujourd’hui, certains tentent à penser qu’un pays tel que la France a une part de responsabilité dans ce qui s’est passé puisqu’elle s’est rendu le 22 juin 1994 au Rwanda sous mandat de l’ONU afin d’exécuter l’opération « Turquoise » comme le souligne le livre de Guillaume Ancel « Vents sombres sur le lac Kivu ».
Le génocide Rwandais prit fin quand le FPR (Front Patriotique Rwandais), ou RPF en anglais, reprit le pouvoir dans le pays. En effet, le PRF faisait partie du groupe de Tutsis exilés en Ouganda des années avant le massacre. Le front réussit à rentrer au Rwanda et quand il s’empara du pouvoir dans l’ensemble du pays au milieu du mois de juillet 1994. Si le génocide s’est achevé, cela n’a enlevé en rien à la part de responsabilité de la France, de la Belgique, des États-Unis et des Nations-Unie qui ont laissé de telles horreurs se dérouler.
« Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir » disait le maréchal Foch, il est donc importé de reconnaître ici la volonté de l’État français à réhabiliter la mémoire Tutsie et donc une forme de reconnaissance de leur statut de victime d’un génocide effroyable. Cependant, un monument, un jardin, s’il a la puissance de concrétiser une idée ou un évènement et de les graver à jamais dans de la pierre, il faut reconnaître qu’il existe une tendance à attendre de se détacher de l’instant en question temporellement pour mieux en reconnaître les conséquences. Souvenons-nous des Mémoires de la Seconde Guerremondiale qui était d’abord troublée et complexe, puis occultées jusqu’à la fin des années 1960 pour enfin voir naître un réveil des Mémoires qui se rapprochait de la réalité historique aussi difficile soit-elle à accepter.