Par Aarti Shankar
Le narratif du référendum européen au Royaume-Uni est largement axé sur l’immigration et la souveraineté nationale. En effet, le commerce n’a pas suscité le même sensationnalisme, en partie parce qu’il n’inspire pas l’urgence des questions d’identité nationale. Qui plus est, personne ne semble capable de préciser l’effet d’une rupture sur le commerce britannique, ce qui empêche cet argument de gagner de terrain médiatique.
Pourtant, pour le camp « Leave », la solution économique semble être évident: quitter la culture étriquée de l’Union Européenne pour pouvoir adopter une pratique commercial vraiment mondialisé. Gerard Lyons, conseilleur économique de Boris Johnson, a récemment affirmé que Londrès doit suivre « un programme global ». Lyons a argumenté que la part européenne de l’économie mondiale diminue, suggérant que le Royaume-Uni ferait mieux de négocier des accords commerciaux en dehors de l’Europe pour assurer sa prospérité. Certes, pendant la récession mondiale, l’UE a vécu une longue stagnation économique, tandis que les pays émergeants, tels que la Chine et l’Inde, maintenaient un taux de croissance très élevé. En plus, cela fait des années que le Royaume-Uni connaît un déficit commercial de presque 60 milliards de livres avec l’UE. Mais, la valeur du commerce européen, est-il vraiment sur le déclin ? Le Royaume-Uni, pourrait-il mieux mobiliser son avantage comparatif en poursuivant tout seul le commerce international ?
Selon The Centre for European Reform, un think-tank britannique, le commerce intra-UE est loin d’être une avenue épuisé : le commerce régional constitue plus de 60% du commerce des états membres, et continue à grandir à un taux annuel de 5,4%. En outre, la signifiance du déficit commercial avec l’UE devrait être perçue avec précaution : l’Union, en tant qu’un bloc homogène, achète 50% de l’exportation britannique, tandis que le Royaume-Uni constitue environ 10% de l’exportation de l’UE. Crucialement, une moitié du surplus européen avec le Royaume-Uni peut-être expliquer par deux états membres : l’Allemagne et les Pays-Bas. Quant aux autres 25 nations qui ne s’impliquent pas beaucoup dans le commerce britannique, seraient-ils vraiment en faveur de négocier un accord complaisant en cas de rupture ?
Avant tout, le camp « Leave » doit établir un contrefactuel crédible en dehors de l’Union afin de construire un argument convaincant. On entend parler souvent du fait qu’il serait dans l’intérêt de l’UE d’implémenter un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni, étant donné qu’il représenterait le seul plus grand partenaire commercial en échange des biens. Cependant, Londrès ne serait pas libre de trier les éléments du marché unique qui le plaisent sans être aussi soumis à toutes les quatre libertés fondamentales de l’Espace Economique Européenne. Or, en refaisant appliquer la politique sur le travail libérale et, surtout la libre circulation, cela minerait la tentative du camp « Leave » de regagner contrôle des frontières.
En outre, comment le Royaume-Uni compenserait-t-il toute perte de commerce résultant d’un « Brexit » ? Nombreux sont ceux liés au camp « Leave » de proférer l’idée d’augmenter les accords internationaux. Un lien évident à exploiter serait son partenariat avec les Etats-Unis d’Amérique. Pourtant, un accord similaire entre l’Australie et les Etats-Unis, qui a entré en vigueur en 2004, n’a provoqué qu’une baisse de prix de commerce de 0,06%. Donc, en cas d’une sortie, toute tentative de réduire les pertes de commerces en puisant dans les accords internationaux nécessiterait la création d’un réseau de commerce extensive. Le fait de concevoir quelques projets avec nos partenaires traditionnels ne fera pas l’affaire.
Surtout il faut se poser la question si l’adhésion à l’Union nous empêche vraiment de poursuivre « une programme globale » ? La gamme des accords dont bénéficie l’Union Européenne couvre déjà 59% du commerce global britannique. Avec l’établissement potentiel du TTIP, ce chiffre pourrait monter jusqu’à 88%. Sachant que le Royaume-Uni serait obligé de négocier chacun de ces accords en cas d’un « Brexit », mérite-il vraiment de quitter l’UE afin d’exploiter le reste du marché mondial ? Ne serait-il pas mieux de rester au sein de l’Union afin de profiter d’un commerce globalisé ?