Londres : les menaces qui pèsent sur la vie nocturne

Par Lucy Schofield 

Dans cet article, Lucy Schofield s’alarme du nombre grandissant de boîtes londoniennes qui ferment au profit de gros complexes immobiliers – et du risque que cela représente pour les quartiers concernés et la communauté créative de Londres.

Bussey Building : la référence londonienne sauvée in extremis

Bussey Building à Peckham est sans doute l’un des espaces de création les plus appréciés de Londres : la musique, l’art, le cinéma, le théâtre, les ateliers et spectacles de danse sont à l’honneur dans le bâtiment iconique de Peckham. Il se répartit sur plusieurs étages et le toit est doté d’une terrasse de 5000 mètres-carrés- avec une vue à 360 degrés sur Londres. Une simple recherche sur Resident Advisor un samedi soir et Bussey serait en haut de la liste des soirées les plus populaires à Londres cette nuit-là.

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Cependant, vers la fin de l’année dernière, ce pilier londonien a été confronté à la menace des promoteurs immobiliers. Il y a un sentiment de colère au sein de la communauté, en particulier la communauté créative, qui réalise que Londres est en train de se débarrasser des bonnes boites, des espaces de concerts et des lieux d’art en faveur de logements sans âme, qui ne sont même pas abordables pour la plupart des Londoniens. Cela aurait un effet dévastateur pour Peckham ainsi que sa scène créative, parce qu’une telle fermeture créerait un précédent, accordant à l’argent une plus grande valeur qu’à la créativité. Heureusement, une pétition de Change.org a eu un réel effet : la demande a été retirée après que la pétition a atteint plus de 15.000 signatures. Bussey Building a été ‘sauvé’ par les internautes et on espère être en mesure d’y aller et profiter des nombreuse soirées Soul Train à venir.

Madame Jojo’s, Plastic People et Cable : fermeture immédiate

Bien que l’exemple de Bussey soit positif, d’autres ne sont pas si heureux ; notamment la fermeture et perte d’établissements légendaires comme Madame Jojo’s, Plastic People et Cable au cours des dernières années. C’est peut-être pour cela que des initiatives comme celle concernant Bussey ont été dénoncées avec tant de véhémence.

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Les habitués de Madame Jojo’s ont attribué la fermeture de l’établissement à la tentative de Westminster Council d’embourgeoiser Soho, ce qui prive le quartier de son esprit unique, son patrimoine et son histoire : la boîte existait depuis les années 1950 et appartenait à l’univers décalé de  la scène « underground », de Londres. La perte de Plastic People, une des boites les plus appréciées dans le monde, a aussi frappé la vie nocturne londonienne. Certains des meilleurs DJs du monde y étaient résidents: de Four Tet, Theo Parrish, Carl Craig à Floating Points. La boîte a également joué un rôle précurseur sur la scène britannique de la musique dance, avec leur soirée FWD>>, pionnière dans les genres de dubstep et grime.

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Cable, une boîte de nuit iconique avec une capacité de 1.300 personnes, a dû fermer définitivement en 2013. Cette fermeture a suivi deux ans de batailles juridiques avec Network Rail, l’autorité responsable du réseau ferroviaire du Royaume-Uni. Comme la plupart des clubs de sa taille aussi populaires, Cable a été consacré dans de nombreux genres musicaux dont drum’n’bass, techno et grime : la boîte servait de QG au label Butterz et leurs soirées grime depuis leur lancement. Après la fermeture de Cable, le cofondateur du label, Elijah, a écrit sur son blog que cette fermeture résultait de la pression du gouvernement, de la police et des conseils municipaux qui considèrent les boites de nuits comme des nuisances publiques encourageant la débauche et l’abus d’alcool. Mais pour les amoureux de musique électronique, la vie nocturne londonienne a pris un coup dévastateur. Et cette fermeture soudaine n’a pas seulement affecté les gens qui fréquentaient la boîte mais aussi les  70 personnes qui ont perdu leur emploi.

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L’ancien site de Cable, honoré d’une « blue plaque » installée par le guide culturel en ligne Below The River : « La lumière au bout du tunnel, cruellement éteinte par Network Rail. »

Ce ne sont là que quelques exemples des menaces qui pèsent sur la vie nocturne londonienne. Pas plus tard qu’aujourd’hui, j’ai vu une autre pétition (qui n’a toujours pas atteint le nombre de signatures requis) pour sauver Canavan’s Peckham Pool Club, aussi menacé par les promoteurs immobiliers. C’est peut-être une attitude défaitiste mais ce problème semble être sans fin – quand ce n’est pas une boîte, c’est l’autre. Face à ces menaces, seule la mobilisation peut avoir un réel impact ; espérons donc que l’exemple de Bussey à Peckham encouragera les Londoniens à s’engager pour la préservation de cette scène musicale, hétéroclite et innovante, qui a fait la réputation de ces quartiers.