Par Rita Bouziane
C’est aussi ça, l’engagement.
Il y a plus ou moins 48 heures, l’un des plus grands noms de la musique moderne et une figure emblématique du féminisme et du Black Power, Beyoncé, a mis en ligne son dernier single : « Formation ». Par un effet de contre-miroir, la vidéo rend-compte de la discrimination et du long processus d’intégration – inachevé ? – par lequel la communauté afro-américaine a du passer. C’est donc une Beyoncé fière et défiante qui sance haut et fort son appartenance à la communauté noire en faisant nottement référence à son « negro nose with Jackson Five nostrils ». Mais ce n’est pas que cela qui a affolé la toile.
En effet, le lendemain, elle était attendue au Levi’s Stadium afin de prendre part au fameux halftime show.. durant lequel elle interpreta « Formation » ! Tenues en cuir noir, chorégraphie orchestrée, tambours, l’hommage au fameux « Black Power Salute » ainsi qu’au mouvement des Black Panthers transperce les yeux des spectateurs, téléspectateurs et de la toile. Retour sur ce moment et l’histoire de la lutte de la communauté afro-américaine aux Etats-Unis.
La Louisiane, un lieu au symbolisme puissant
Le lieu de tournage de Formation n’est pas neutre. La Louisiane qui était un territoire de la Nouvelle-France et a été explorée sous le règne de Louis XIV au XVIIe a été vendue aux États-Unis par Napoléon en 1803. Passée de colonie française a une partie intégrante des Etats-Unis, la Louisiane va être soumis à un processus de peuplement la rendant très vite associable à l’esclavage.
En effet, la Louisiane alors peuplée d’autochtones amérindiens va voir débarquer deux types d’immigrants : des immigrants volontaires mais d’autres, forcés car prisonnier de ce qui été alors le Royaume de France. A la même époque, le développement des plantations nottement de coton commence à s’accélérer et on se mit à forcer des africains sub-sahariens – réduits à la condition d’esclaves – à traverser l’océan Atlantique pour être vendus aux propriétaires de ces plantations. C’est ce qu’on appel la traite négrière.
Le commerce triangulaire
En pleine période colonialiste, les esclaves étaient à la fois des hommes et des femmes, très jeunes ou plus vieux, le plus important étant qu’ils puissent être utilisables à des fins de travaux manuels.
Avant d’être parqués sur des bateaux appelés “navires négriers”, les esclaves étaient détenus dans des cellules trop étroites par rapport à leur nombre, sur l’île de Gorée, au large de la côté ouest du Sénégal. Ainsi, des dizaines et des centaines de millions d’africains seront vendus – ou du moins ceux qui auront survécu à la traversée – nottement, à de riches familles du Sud des Etats-Unis, et en Louisianne.
Dans le chapitre cinq de la partie XV de De L’Esprit des Lois, Montesquieu va user d’un second degré dont lui seul a le secret pour rendre compte de la situation avec cette maxime, désormais célèbre : « Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux d’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique, pour s’en servir à défricher tant de terres. »
Beyoncé: Symbole de la mobilité sociale..
« I just might be a black Bill Gates in the making »
« I dream it, I work hard, I grind ’til I own it »
Ces extraits des paroles écrites par Beyoncé et le jeune rapport Swae Lee sont lourdes de signification. En effet, si les population noires des Etats-Unis n’étaient pas habilitées à gagner sa vie comme les « blancs », le fait que Beyoncé elle-même et que quelqu’un comme Barack Obama aient une tribune relevaient il y a un demi-siècle de l’utopie.
Si le rêve américain est une réalité, il n’a pendant très longtemps étaient réservé qu’à une partie de la population que l’on considérait comme digne d’avoir des droits de par leur appartenance à ce qu’on considérait comme une race au sein même de la race humaine : la race blanche.
Dans sa vidéo, Beyoncé démontre bien au travers de certains moments à quel point les rôles sont presques inversés puisqu’on la voit nottement en maîtresse de maison, en Louisianne, entourée de ces dames.
En chantant « I might be a Bill Gates in the making » elle ne parle pas seulement d’elle en faisant référence à son parcours et sa carrière internationale, mais elle s’addresse aux noirs, aux femmes, aux homosexuels, et bien d’autres encore qui longtemps – et encore aujourd’hui – ont du travailler deux fois plus durs pour se voir reconnaître des droits et surtout le droit de rêver à se dépasser et devenir qui ils sont. Cela, ne peut se faire que dans une société qui accompagne la progression de l’individu entant qu’il est un être en devenir et où la discrimination n’est pas.
…et héritière du Civil Rights Movement
En effet, lors de la cérémonie du halftime show au SuperBowl 50 d’aujourd’hui, la référence au mouvement des Black Panthers était évidente : bérêts noirs, tenues en cuir noires et chorégraphie prenant la forme d’un géant X.. soit un grand clin d’oeil au fameux leader des Black Panthers : Malcolm X ; ainsi qu’au fameux Black Power Salute de 1968, qui était lui-même un hommage aux Black Panthers.
Les Lois Jimmy Crawls
L’année 1865 marque la fin de la Guerre de Sécession qui conduira à l’abolition de l’esclavage. Cependant, trois décennies plus tard, la création du Ku Klux Klan – une organisation clandestine prônant la suprématie blanche – ainsi que la mise en place par la Cour Suprême des lois Jim Crow ainsi que l’arrêt Plessy v. Ferguson vont légitimer la discrimination envers la population noire, mais surtout la légaliser. Cela va se concrétiser par la ségrégation dans les lieux publics mais aussi dans les écoles publiques. Cela se fait au nom de la doctrine “Seperate but equal” soit “Séparés mais égaux”.
Afin de contre-carer cela, et-ce dès le début des années 1910, des mouvements contestaires pacifiques seront mis en place comme la marche de protestation silencieuse à New York organisée par la NAACP contre les émeutes raciales à East St. Louis en Illinois de 1917, organisée par l’homme politique jamaicain Marcus Gravery.
La naissance d’un mouvement
En 1965, Rosa Parks, une employée travaillant dans une entreprise de l’Alabama marquera l’histoire par un geste symbolique et d’une bravoure incroyable : elle refuse de se lever et de laisser son siège à un passager blanc, alors qu’elle était dans l’un des bus de Montgommery. Son arrestation sera à l’origine du boycott de ces bus par la communauté noire pendant une année entière ainsi que deux ans plus tards de la création de la Southern Christian Leadership Conference, luttant pour les droits civiques dans un esprit de non-violence chrétienne, présidée par Martin Luther King.
C’est à lui que l’on doit le texte désormais connu de tous « I have a dream » dont est issue la phrase « I have a dream that one day, my four children will live in a world where they won’t be judged by the color of their skin but by the content of their mind ».
Il sera assassiné le 04 Avril 1968 d’une balle dans la tête, devant sa chambre d’hotel, à Memphis.
Déségrégation, intolérance et Black Panthers
Dès 1954, la Cour Suprême des Etats-Unis déclara anti-constitutionnelle la ségrégation raciale dans les écoles publiques. Aussi, le président de l’époque, John F. Kennedy met en place des mesures de discrimination positivepour lutter contre les discriminations raciales à l’embauche, nottement. Cependant, pour beaucoup encore, surtout dans les états du sud des Etats-Unis, la population noire était assimilée à une race, qui plus est inférieure à la race blanche. S’en suivirent alors des violences attroces.
En effet, les lois antiségrégationnistes n’était pas appliquées dans l’ensemble des états : ceux du sud, en l’occurence. Cela donna lieu à l’incident des Freedom Rides. Il s’agissait de groupes d’activistes noirs qui traversaient le pays dans des bus ; la symbolique étant la déségrégation dans les transports. Lorsque les bus atteignirent l’Alabama, ils furent attaqués à coup de bombe incendiaire par la foule qui les attendait de pied ferme et ceux qui réussirent à en sortir furent rattrapés et battus à mort à coup de battes de baseball et de chapines de bicyclettes. Parmis les militants qui étaient à l’intérieur du bus, certains étaient blancs et ils furent aussi sauvagement attaqués que leurs camarades. Le plus célèbre restera Jim Peck qui avait été si ammoché au niveau du crâne qu’il du recevoir cinquante-deux points de suture.
L’insécurité grandissante et en vu des violences auxquelles était sujette la communauté noire, le mouvement des Blakc Panthers fut crée en 1966, à Oakland. Le Black Panther Party lutta contre les violences policières en organisant des patrouilles armées (tout en et mena des campagnes de solidarité au sein de la communauté afro-américaine : lutte contre la toxicomanie, distribution de vêtements.. Ils disposaient même d’un journal.
Malcolm X : anti-héro ?
Né dans le Nébaraska en 1925, Malcolm X a perdu ses deux parents à cause de la ségrégation. Très instruit autour du thème de l’Afrique et de l’esclavage – il déchifra des centaines de livre là-dessus lors de son incarcération qui dura sept ans – il n’en ressort que plus sûr de lui et plus décidé que jamais à lutter contre le racisme dont lui et sa communauté étaient victimes.
Ainsi, c’est à sa sortie de prison qu’il adopta la patronyme X car il refusait de continuer à porter le nom de son père qui n’était en fait que celui de la dernière famille qui avait « possédé » la sienne. Le X faisait donc référence à ses origines africaines inconnues. Grand orateur, c’est un homme passionné qui créera le groupe La Nation de l’Islam car lors de son incarcération, il avait également étudié la religion de près et c’était retrouvé dans ses valeurs de bases à savoir l’égalité des hommes, le respect et la tolérance.
Le groupe comptait autour de 40000 adhérants mais ce qui fait de lui une figure controversé, encore aujourd’hui, et qu’il jugeait que « la fin justifiait les moyens ». Ainsi, pour lui et d’autres activistes de l’époque comme Angela Davis (https://lejournalucl.com/2015/12/10/angela-yannick-noah-2010/), le racisme était un élèment à abbatre « par tous les moyens nécessaires », à savoir, la violence.
Alors qu’il s’apprétait à délivrer un discours à New York, au Audubon Ballroom de Manhattan, il sera assassiné.
Lors de ce halftime show du SuperBowl 50, Beyoncé a redonné vie aux idées de ces figures mythiques de la lutte contre le racisme aux Etats-Unis. Cependant, son message est d’autant plus important de nos jours, quand on sait que notre monde traverse une période de crise à tous les niveaux mais surtout identitaire et que notre rapport à l’Autre est menacé, il est important de se rappeler que que derrière les conflits sociaux et politiques et nos différences physiques, culturelles, nous sommes avant tout des êtres humains capables de s’aimer et d’avancer ensemble. Ne tombons pas dans la trappe de la haine gratuite car nous avons peur. L’Autre, c’est aussi Moi.