Par Rita Bouziane
Surnommée « L’astre de l’Orient », Oum Kaltoum s’est inscrite dans une lignée de chanteurs emblématiques qui ont marqué leur génération, mais pas que. En effet, Oum Kaltoum fait partie intégrante de la mémoire collective des peuples arabo-musulmans et des amoureux de la musique comme Jean-Michel Jarre, Led Zeppelin mais aussi Youssou N’Dour qui en 2004, dans le cadre de la parution de son album « Egypt, lui avait rendu hommage, accompagné d’un orchestre classique égyptien. Aujourd’hui, quarante ans après sa mort, elle demeure la « voix des Arabes » tant dans le fond que dans la forme : d’un côté il est indénibale qu’elle possédait une voix à la fois puissante, profonde et douce; mais surtout, sa carrière d’un demi-siècle a éé marqué par son activisme, son patriotisme et son engagement politique. Retour sur le parcours de la femme qui incarne l’arabité, par exellence.
Née à la fin du XIXème siècle au fin fond de la campagne égyptienne de Tmaïe El Zahayira, c’est son père qui la poussera à s’orienter vers le chant, lui même étant chanteur et imam. C’est d’ailleurs l’aspect théologique du travail de son père qui l’aidera à perfectionner sa technique puisqu’elle s’exerce à la psalmodie du Coran. Très tôt, le cachet profond – et très masculin – de sa voix font qu’elle va très vite attirer les plus grands compositeurs et arrangeurs de l’époque. Ainsi, elle sera entourée du célèbre poète Ahmed Rami, qui lui va dédier 137 chansons, mais aussi les musiciens-poètes Ahmed Chawki et Mohammed Abdelwahab. Le mythe Oum Kalthoum était née, alors qu’elle avait la vingtaine : chignon haut, lunettes noires visées sur le nez et textes lyriques. Le succès était tel qu’on lui ouvra les portes du cinéma et du théâtre le temps d’apparitions, certains allaient jusqu’à vendre leur mobilier pour s’acheter des places de concert de celle qu’on surnommait en dialecte égyptien « La dame ».
L’engagement
Oum Kaltoum reste au jour d’aujourd’hui le symbole de la nation arabe et de l’arabité, bien loin du monde arabo-musulman moderne que l’on connait aujourd’hui, marqué par l’extrêmisme, la pauvreté, l’analphabétisme et l’islam politique. En effet, grande amoureuse de la langue, Oum Kaltoum chantait des textes qui renvoyaient à un arabe littéraire et très soutenu. Par ailleurs, l’effet produit est assez incroyable : bon nombre d’analphabètes qui l’adulaient – car Oum Kaltoum était appréciée de tous, allant des aristocrates du Caire aux habitants des contrées perdues du monde arabo-musulman – se sont re-dirigés vers l’alphabétisme et l’apprentissage de l’arabe classique.
Aussi, Oum Kaltoum est-elle connue pour les liens amicaux profonds qu’elle entretenait avec le président égyptien de l’époque, Gamal Abd El Nasser. C’est tout de même assez surprenant quand on sait qu’avant le coup d’état, lorsque la monarchie était encore en place, elle avait chanté pour le roi Farouk, mais son patriotisme et son talent ont fait que Nasser refusa qu’elle ne soit exécutée et elle deviendra le symbole du socialisme nasserien soit une époque où l’égypte et le monde arabo-musulman étaient encore tournés vers les arts, l’amour et la coexistence pacifique.
Oum Kalthoum au Maroc, à Agadir, en companie du président Nasser et du roi Mohamed V.
La défaite militaire contre Israël
La guerre de six jours opposa Israël à l’Egypte du 5 au 10 juin 1967 et se solda avec la défaite militaire de l’Egypte. C’est dans ce contexte qqu’elle chanta Al Atlal الأطلال soit « les ruines » qui est à l’origine un texte du poète culte égyptien Ibrahim Naji et qui se transforma rapidement en une ode à la liberté. Cependant, même si ces textes étaient imprégnés de patriotisme et puisaient directement leur inspiration du contexte historique de l’époque, Oum Kalthoum n’est jamais tombée dans le piège de la haine ce qui fait que malgré son engagement patriotique envers l’Egypte, elle est reprise par des chanteuses israéliennes et depuis 2012, une des portes de Jérusalem-Est porte son nom.
Une artiste, une femme
Si elle est une artiste atypique et hors-normes, L’astre d’Orient demeure éalement une femme à part entière et assez avant-gardiste. Divorcée à deux reprises, elle abordera dans ses premières chansons dans les années 1920 le thème de l’amour et du plaisir. Aussi, elle va très rapidement devenir l’emblème de l’Egypte moderne et le symbole de lémancipation de la femme arabe. En effet, Oum Kaltoum s’est toujours considérée comme musulmane mais n’a jamais porté le voile et assumait entièrement sa féminitait de part les robes qu’elle portait, nottement. Quand on pense à l’arrivée quelques décennies plus tard des Frères Musulmans et aux changements sociaux auxquels ils vont procéder en infiltrant les moeurs sociales égyptiennes, on ne peut qu’être nostalgique de l’époque où La Dame se baladait la tête libre, en femme libre, de la capitale marocaine Rabat, à Bagdad, en passant par Paris en 1967 et partout où elle se rendait, elle faisait l’unanimité.
Un deuil national
Se sont trois millions de personnes – et bien plus encore à travers le monde – qui se sont ruées dans les rues du Caire, en 1975, pour assister aux funérailles de cette dame, devenue aujourd’hui le symbole d’une époque qui semble bien lointaine, celle où l’on chantait dans les rues du Caire l’amour à tout-va, où l’on faisait revivre les vers d’Omar Khayamm et l’expression « voiler les femmes » provoquait le rire qui a désormais laissé place à l’aprobation.
شكراً، يا كوكب الشرق.
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