Par C. Stevenson
Apparemment, l’argent n’achète pas une coupe de cheveux digne de ce nom.
Donald J. Trump deviendra-t-il le 45ème président des Etats-Unis d’Amérique ? Les derniers sondages poussent à le croire. L’idée d’avoir à la tête de la première économie mondiale un milliardaire ouvertement xénophobe, qui enchaine les bourdes sans que sa popularité ne semble être affectée, angoisse beaucoup les européens. Pour commencer, quelle part de la population états-unienne soutient vraiment l’homme d’affaires ? Et surtout, pour quelles raisons ?
Avant de répondre, un rappel rapide sur le déroulement de l’élection présidentielle aux Etats-Unis s’impose. Tous les quatre ans, un représentant démocrate – traditionnellement plus à gauche – fait face au nominé républicain – de droite – dans le but de s’installer à la Maison-Blanche. Le choix des nominés se fait part le biais d’un premier tour, indépendant dans chacun des cinquante Etats.
Il s’avère impératif de se montrer quelque peu sceptique quand on se retrouve confronté à des statistiques quelconques et d’autant plus lorsque celles-ci traitent de politique. Selon Real Clear Politics, avec 32% des intentions de vote, Trump est actuellement en tête dans le New Hampshire, où se déroulera la première primaire présidentielle le 9 février. De prime abord, ce nombre parait décisif quand on considère que son dauphin, Ted Cruz, n’aurait convaincu que 20% des électeurs. Tout d’abord, relevons que ces chiffres pourraient être fortement biaisés par ceux qui prétendent vouloir voter pour Trump sans prévoir véritablement de le faire, soit par pure provocation, soit parce qu’ils suivent la foule. Ensuite, il parait pertinent de se demander ce que représentent réellement ces proportions, lorsqu’on considère la totalité du peuple américain. En effet, seuls ceux qui se sont enregistrés comme étant républicains peuvent voter dans les primaires de ce parti. Dans le New Hampshire, il s’agit de 260’896 électeurs au total. Théoriquement, un peu plus de 80’000 d’entre eux voteront donc pour Trump. Dans un pays de presque 320 millions d’habitants, ce nombre équivaut à 0.026% de la population. Enfin, il faut garder en tête que Trump est une présence médiatique constante et que, de ce fait, la couverture accordée à ses supporters est complètement disproportionnée par rapport à leur nombre effectif. Depuis sa création en 1916, la première des cinquante primaires a déjà eu un impact décisif sur la course à la nomination. Pourtant, cette réalité n’affecte en rien l’importance de relativiser les chiffres qui nous parviennent d’outre-Atlantique.
Néanmoins, il est indéniable que The Donald, comme le surnomme la presse anglo-saxonne, surfe actuellement sur une vague de succès que peu avaient prédit. D’où vient cette popularité? Avant tout, Trump a réussi à séduire une partie des électeurs très conservateurs grâce à sa politique en matière d’immigration, de port d’armes, d’intervention militaire et de protectionnisme. Ses positions sont partagées avec la quasi totalité des Républicains qui brigue la présidence, mais la présence médiatique du magnat des affaires et le nombre très élevés de candidats défendants des valeurs plus ou moins identiques a encouragé l’extrême droite états-unienne à porter son choix sur lui.
Ensuite, un certain nombre de ses supporters (peut-être moins négligeable qu’on pourrait le penser) voterait pour Trump non pas parce qu’ils estiment qu’il est le meilleur représentant de leurs idéaux politiques, mais en appel à l’insurrection contre la conjoncture politico-économique aux Etats-Unis ou contre le système politique du pays, que nombreux aimeraient voir renversé. Ces réactionnaires vont de ceux pour qui Trump représente un clown, dont ils voudraient prolonger le spectacle, aux anarchistes purs et simples, en passant par un contingent libéral extrêmement désillusionné par la présidence d’Obama et le manque de changements concrets apportés par cette dernière.
Certains, par ailleurs, admire Trump pour sa candeur dans un pays où le politiquement correct a pris une telle ampleur que les députés n’osent plus tenir de propos forts par peur d’être attaqués et de perdre le soutien financier dont ils sont dépendants. The Donald, il est vrai, peut se venter d’être le seul candidat à la présidence autofinancé, grâce à une valeur comptable nette estimée par le magazine Forbes à $4.1 milliards. La première conséquence est qu’il défend théoriquement ses propres idées et non celles de ses bailleurs de fond. Il fait ainsi course avec le slogan “Make America Great Again” et beaucoup croient que sa volonté de réanimer le rêve américain est sincère, puisqu’il a prétendument déjà réussi à un niveau personnel dans la monde du business.
Cette hypothèse nous mène à la cause prépondérante du soutien dont The Donald bénéficie: c’est un “winner”. Le terme ne peut être traduit par “vainqueur”, car il ne signifie pas seulement “quelqu’un qui a gagné”, mais plutôt “quelqu’un qui gagne” et c’est précisément ce qu’attendent de lui ses supporters. Trump dirige depuis des années une des entreprises les plus prospères du pays; il a conquis les marchés financiers. De plus, il conquiert également l’univers de la politique depuis qu’il s’y essaie, et ceci malgré les attaques continues des médias. Aucun pays n’est aussi friand de “winners” que les Etats-Unis. Trump séduit par ses victoires à répétitions, mais en politique, ces dernières sont plus incertaines que dans le monde du business. Recevra-t-il toujours le même soutient s’il commence à perdre des primaires ?
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