Par Sophie Marjoribanks
Aujourd’hui plus que jamais, on entend parler de la nécessité d’une “solution politique” en Syrie ; cependant, cette dernière reste vague et rien n’a réellement été mis en place. Il est ironique, alors, que le Bureau des Etudiants à UCL avait, a priori, interdit à la seule personne qui aie jamais suggéré une solution concrète, de s’exprimer sur le campus. Il s’agit de Macer Gifford, un ancien étudiant de UCL, puis cambiste à Londres, qui en 2014, a décidé de rejoindre les rangs des forces kurdes (YPG) pour combattre l’Etat Islamique, sur le terrain syrien. Désormais de retour, il essai de trouver une tribune pour faire part au grand public de ses expériences et discuter du concept du fédéralisme démocratique qu’il envisage comme la solution la plus adéquate à appliquer en Syrie. La décision de le censurer a été revue et on lui a finalement accordé le droit de s’exprimer le 2 Décembre dernier sur le campus de UCL, dans le cadre d’un évènement spécial crée par l’Association Kurde de l’université anglais.
Ce retour sur l’interdiction à Gifford de s’exprimer en public sur le campus a été rendu possible grâce à la mobilisation des étudiants indignés qui ont recueilli 1500 signatures sur une pétition en ligne. En effet, au départ, les raisons données pour légitimer le fait de refuser à Gifford le droit de parler sur le campus avaient inclus, parmi d’autres: la crainte que des étudiants soient encouragés à aller eux-mêmes en Syrie pour combattre; ne pas vouloir prendre parti pour un coté dans un conflit; et éviter de représenter le conflit en Syrie de manière binaire et manichéenne.
Cependant, même si l’on peu comprendre les raisons qui ont poussé l’université à prendre une décision aussi drastique, elles omettent les vraies ambitions et motivations qui ont poussé Macer Gifford à aller en Syrie. En effet, il a expliqué pendant sa conférence qu’il n’y est allé ni avec l’intention de devenir un hero, ni parce qu’il croyait pouvoir changer quelque chose, mais parce qu’il voulait apprendre. Il voulait en savoir plus sur ce groupe qui cause autant de destruction et qui arrive à attirer autant d’attention, afin de pouvoir revenir au Royaume-Uni et parler de ses expériences pour que nous puissions tous comprendre mieux le fonctionnement de ce groupe. De ce fait, pendant sa conférence, il a décrit son arrivée, ses camarades présents et les actions militaires des Kurdes contre l’Etat Islamique. Tout cela sans pour autant glorifier le combat. Au contraire, il a parlé des tours de garde qui duraient jusqu’à dix heures, dans des conditions météorologiques extrêmes, après n’avoir eu qu’une heure de sommeil.
Encore une fois, la décision de UCL a du sens dans le sens où elle cherche à protéger le campus contre les orateurs qui provoquent la haine et la violence, mais si l’on se tourne contre quelqu’un qui a de l’expérience personnelle et directe sur un conflit et un groupe qui nous menace, cela me semble se priver d’une belle occasion de se cultiver sur le sujet. En sortant de l’amphithéatre, je n’ai entendu que des étudiants se posant des questions, regrettant qu’il n’y avait pas plus de temps pour poser leurs questions a Gifford. Si nous ne pouvons pas avoir une telle conversation sur un campus universitaire, une conversation où l’avis de Gifford par rapport aux attaques aériennes a bien été contesté, où pourrions-nous le faire? Parmi les étudiants, il y en a qui choisissaient UCL pour pouvoir apprendre, se développer et questionner; pour écouter des professeurs qui sont des experts, et pour profiter de sa réputation ainsi que du réseau des contacts et des anciens élèves.
Le discours de Macer Gifford n’est pas important que pour UCL et les universités, mais aussi pour la sociéte au sens large. D’une manière pratique, écouter un homme qui a lutté contre l’Etat Islamique veut dire mieux comprendre l’aspect militaire de ce groupe. Nous ne pouvons pas parler du besoin, ou pas, des attaques aériennes sans comprendre la situation sur le terrain. On pourrait toujours décider qu’on est contre ces attaques, mais seulement après avoir bien considéré l’élément stratégique et militaire du point de vue de ceux qui sont en train de lutter.
D’une façon plus générale, écouter tous ceux qui visent à remettre en cause l’idéologie islamiste nous permettra de mieux la combattre. Si on en parle dans la société, on apprendra et l’approche sera plus cohérente. Suite aux attentats du 13 novembre a Paris, il y a eu plein d’appels pour rester unis et pour défendre nos valeurs; cela veut dire que l’on encourage le discours autour de ce sujet. En plus du fait de nous permettre de mieux comprendre l’idéologie et alors d’y résister, si l’on accueille le discours cela veut dire que l’on ébranle activement l’idéologie. Idéologie secrète et inconnue pour tous ceux en dehors du groupe, elle est séduisante, différente, nouvelle et dangereuse. Réprimer des idées et des idéologies ne va jamais les éliminer; il faut les écouter, les analyser et puis les remettre en cause de façon logique et intellectuelle. Si l’on a peur de lutter contre l’Etat Islamique, et même peur d’en parler, on lui donne de la légitimité et le laisse gagner du terrain. Le simple rejet comme quelque chose de ‘non-islamique’ nous rend faibles et ignorants quand on essaie de lui résister. Cependant, si l’on comprend et peut expliquer pourquoi nous rejetons le groupe, cela nous rendra forts et capables de s’y opposer.
En conclusion, nous devons nous féliciter du choix de laisser à Macer Gifford l’occasion de se prononcer sur le campus de UCL. Aussi, cela nous rappelle-t’il que pour rester forts et unis, il faut défendre la liberté académique sur le campus universitaire, là où les idées se forment, et il faut défendre la liberté d’expression dans nos sociétés, là où les idées sont mises en œuvre.