Expositions du moment

Par Alexandra Etienne

La scène artistique londonienne est particulièrement variée, mais voici déjà un aperçu de quelques expositions qui ont lieu en ce moment.

Commençons par la grande rétrospective tant attendue de l’artiste et dissident chinois Ai Weiwei à la Royal Academy of Arts. Son activisme en ligne, où il critique le régime politique chinois, lui a valu les foudres du parti communiste, tandis que la communauté internationale l’applaudit pour sa quête inébranlable de transparence gouvernementale et de libertés individuelles ; sujets encore tabous en Chine. En même temps, sa renommée est telle que d’une certaine façon le statut de ‘célébrité’ d’Ai Weiwei a presque éclipsé son oeuvre en tant qu’artiste.

Que sait-on finalement de son oeuvre, de ce qu’il crée? Pas grand chose, si ce n’est qu’il attribue une grande force politique à l’art. Ainsi, l’art est-il un concept central dans l’oeuvre de l’artiste, retrouvé dans ses travaux de manière plus ou moins explicite. La Royal Academy of Arts renforce cette idée avec une sélection de sculptures et d’installations qui exigent pour leur compréhension une explication de contexte. Ici se trouve simultanément la clef et l’énigme de l’oeuvre d’Ai Weiwei:  dénuée de titre ou d’explication, celle-ci perd sa force visuelle, tout simplement car sans ces sources d’information, elle est incompréhensible. Pour apprécier telle ou telle sculpture, il faut la regarder de plus près, la ‘déchiffrer’. Ai Weiwei nous invite à observer et à se rapprocher de son oeuvre par un processus de réflexion. Cela fait toute la force (et la faiblesse?) de sa production artistique: politisé de bout en bout, l’art ‘made by Ai’ est combatant, énergique, mais aussi auto-référentiel (peut-être trop?). Le concept constitue ainsi l’essence même de chaque oeuvre. Les oeuvres sont reliées aux expériences personnelles de l’artiste mais s’imbriquent aussi dans l’histoire chinoise. C’est bien cet aspect narratif qui renforce l’effet visuel de l’oeuvre. La perception et la réaction du visiteur sont vécues subjectivement. Cette exposition ne vous laissera pas indifférent… L’art d’Ai Weiwei? Un véritable manifeste visuel!

 

30268954-02_bigDu côté de South Kensington, le musée Victoria and Albert invite le public à voyager en Inde à travers le textile: Fabric of India est une magnifique ode à la culture indienne explorée par le tissu. Seul bémol de cette exposition: l’interdiction de toucher aux oeuvres! Tous ces tapis et saris (il y en a beaucoup! Comptez au moins deux heures de visite) sont d’une beauté spectaculaire, l’expérience visuelle des somptueux matériaux en deviendrait presque ‘tactile’. L’exposition est conçue comme un univers en soi qui reflète bien la diversité, les somptueuses techniques de cet art et les histoires racontées par les fils de ces textiles faits à la main, du troisième siècle à nos jours.

La signification sociologique de ces oeuvres est particulièrement intéressante: ces textiles constituent effectivement le matériau même de l’identité indienne. Ce jeu sur le mot ‘tissu’, que l’on retrouve dans le titre de l’exposition ‘Fabric of India’, jette un regard neuf sur l’histoire de l’Inde qui est intimement liée au textile. Commerce, société, mécénat sont également des thèmes (parmi d’autres) explorés au cours de ce parcours. Bonne route! C’est en tout cas un magnifique itinéraire qui vous attend.

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Enfin, si vous faites un tour à la National Portrait Gallery près de Trafalgar Square: Giacometti, Pure Presence est une merveille! Des croquis, dessins et quelques sculptures et têtes rarement exposées font tout le sel de cette exposition atypique. Alberto Giacometti (1901-1966), sculpteur mondialement connu pour ses figures filiformes, était surtout un observateur invétéré d’une certaine ‘présence’ humaine qu’il esquissait, dessinait, sculptait dans son atelier de Montparnasse à Paris. Cette exposition est unique car focalisée sur ses portraits qui reflètent une finesse psychologique. Intense, minutieux, triste, distant… une affluence de termes pourrait décrire ses portraits hypnotisant, une force fascinante dégage des regards des modèles et de leurs silhouettes. L’exposition donne un aperçu dans la vie des personnes représentées dans l’oeuvre de Giacometti: sa famille, son cercle d’amis, ces amantes.. Un subtil et nuancé panorama de la vie de l’artiste –bien plus qu’un simple sculpteur d’argile!

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