La question de l’authenticité est au centre du questionnement philosophique à propos de l’art. Pourquoi certaines oeuvres sont-elles considérées comme authentiques et d’autres ne le sont pas ? Comment sont faits ces choix et par qui ? L’affaire du Red Self Portrait d’Andy Warhol peint en 1965 a soulevé à nouveau ce débat. Cette toile a en effet été déclarée comme n’étant pas de l’artiste pop bien connu par la ‘Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc.’ et ‘the Andy Warhol Art Authentication Board, Inc.’. Pourquoi ont-ils fait ça ? Quelle a été la portée de ce geste ? C’est à ces questions que j’essayerai ici de répondre.
Andy Warhol est un artiste Américain né en 1928 et mort en 1987. Il reste à ce jour une figure centrale du courant Pop Art. Ce mouvement est né en parallèle avec le début de la publicité et a remis en question l’utilisation et la valeur des objets du quotidien. Il a également questionné l’art en utilisant des techniques, des procédés et des objets qui jusqu’ alors n’avaient jamais eu de portée artistique. Andy Warhol, dans la continuité de Marcel Duchamp va être un des fondateurs du courant pop art Américain. Il va utiliser des produits iconiques Américains tels que le Coca-Cola, et en faire des peintures. Il utilisera aussi la sérigraphie, une technique d’impression lui permettant de reproduire des toiles en série, ce qui déclenchera une véritable révolution dans l’art. Son atelier s’appelle « The Factory ». Il y travaille avec ses élèves et d’autres personnes qui l’aident dans le processus de fabrication des oeuvres. En effet, il veut être le plus détaché de la tâche de fabrication possible. Le processus n’est plus ce qui importe mais l’idée qui se cache derrière : une série de décisions prises par l’artiste. Il remet donc en question le sens de l’oeuvre d’art ainsi que la valeur de son caractère unique.

Red Self Portrait est une toile imprimée dont la base est un autoportrait photographique. Il va comme à son habitude l’imprimer sur un écran qu’il fera ensuite sécher puis sur lequel il appliquera de la couleur et l’imprimera ensuite sur une toile. A partir de la première plaque il fera deux séries d’autoportraits. La première sera approuvée comme authentique selon le comité Andy Warhol, la deuxième ne le sera pas. En effet il n’était pas là pendant le processus de fabrication et donnait ses instructions par téléphone. C’est ce qu’il aimait appeler de « l’art par téléphone ». Pourtant, ces toiles étaient signées et même dédicacées par Andy Warhol : il les avait offertes à Richard Ekstract, un éditeur. Le fait que le conseil ait refusé de les considérer comme des toiles authentiques de l’artiste a fait débat. Pourquoi ce conseil, tenu après la mort d’Andy Warhol, a-t-il refusé cette toile?

Avec cette décision, le comité a nié un principe phare dans l’authentification d’une oeuvre d’art : la signature de l’artiste en tant que gage d’authenticité. Une explication éventuelle serait d’ordre financier. En effet, plus il y a de toiles d’Andy Warhol sur le marché plus la valeur d’une toile est faible et inversement. Ce type de comité travaille le plus souvent en étroite collaboration avec des galeries d’art et des receleurs d’art pour qui la valeur d’une oeuvre d’art est centrale dans leurs affaires. Réduire le nombre d’Andy Warhol sur le marché leur permet de vendre plus cher celles déjà authentifiées (à noter que le dernier Andy Warhol a été vendu aux enchères à 105 millions de dollars). Une autre raison pourrait être tout simplement qu’une toile réalisée par quelqu’un d’autre que l’artiste dont en vient l’idée, ne peut être acceptée par le monde de l’art comme réellement de lui. Mais c’est là qu’est la nouveauté même de Andy Warhol, son idée principale : effacer le rôle artisanal de l’artiste, et n’accorder d’importance qu’au processus de réflexion derrière l’oeuvre. Le conseil, en refusant l’authenticité de cette toile a donc nié l’esprit même de l’artiste et le message qu’il souhaitait transmettre.
Pour aller plus loin : http://www.nybooks.com/articles/archives/2009/oct/22/what-is-anandy-warhol/
Author: Noemie Remond-Gaulier