De qui êtes-vous l’enfant ?
De mon père et de ma mère me répondrez-vous. Pour la majorité d’entre nous cette affirmation est correcte, il s’avère pourtant que dans certains cas la vérité est bien plus complexe. Il sera question dans cet article de génétique, de gémellité et d’invraisemblance.
C’est la drôle découverte de parents qui apprennent que leur fils, né par fécondation in vitro, est du groupe sanguin AB, alors qu’eux sont du groupe A. Il est facile de s’imaginer un récit d’adultère, seulement la femme n’a pas trompé son mari. Il est un peu moins facile mais toujours envisageable de s’imaginer un échange infortuné de sperme, seulement le père était le seul blanc à confier sa semence ce jour-là et l’enfant est…blanc.
Cette impossible histoire est pourtant belle et bien celle d’un couple américain de 34 ans. Un test de paternité est effectué en récupérant les cellules de l’intérieur de la joue de l’homme. Le résultat est consternant : il n’est pas le père. Epaulé par le Dr. Barry Starr, généticien renommé de la célèbre Stanford University, le couple décide d’entreprendre un test plus poussé : un test généalogique.
C’est ici que les évènements prennent une tournure aussi inattendue qu’étrange. Le père serait en fait l’oncle de son fils. Cette révélation digne d’un film de science-fiction en laissera sûrement plusieurs abasourdis. Ce phénomène scientifique porte le nom de chimérisme.
La mythologie grecque utilisait le terme « chimère » pour désigner une créature fantastique, un hybride possédant le corps complet d’un lion, une deuxième tête de chèvre et une queue de serpent. En génétique, une chimère se réfère à un organisme, souvent végétal, constitué de plusieurs variétés de cellules génétiquement distinctes. L’espèce est donc le résultat de la cohabitation de différents types de tissus.
Chez les humains le chimérisme est bien plus exceptionnel. Au départ, c’est une grossesse gémellaire qui se profile, mais un embryon ne survit pas. Le second peut alors assimiler certaines cellules de ce frère et les exprimer. A la naissance, plusieurs de ses cellules afficheront donc le patrimoine génétique du « jumeau ». On parle dans ce cas-ci de chimérisme hématopoïétique. Il en existe un autre type dit complet. Ce-dernier décrit la fusion totale des deux œufs, formant un embryon pouvant se développer normalement.
Pour le couple américain, le chimérisme hématopoïétique s’applique. En effet, 10% des gamètes (cellules sexuelles) du père corrèlent avec l’ADN de l’enfant. Ainsi, le spermatozoïde qui a rencontré l’ovule de la mère était porteur des gènes du frère qui n’a jamais vu le jour. Le fils a donc hérité du matériel génétique non pas de son père mais de son oncle. Son parent, génétiquement parlant, est en quelque sorte un fantôme, un homme ayant seulement vécu le temps des premières divisions cellulaires…
La littérature médicale ne recense qu’une centaine de ces cas particuliers. En 2002 une histoire similaire a fasciné les médias. Lydia Fairchild divorce de son mari Jamie Townsend. Elle exige alors une pension alimentaire pour ses trois enfants, pour l’obtenir elle doit fournir une preuve qu’elle et son mari sont bien les parents des enfants. Les tests ADN ressortent : le mari est bien le père mais Lydia Fairchild ne serait pas la mère. Le même verdict tombe : cette femme est une chimère.
Ce sujet intriguant fait l’objet d’un engouement cinématographique. Des clins d’œil à cette manifestation génétique sont fréquents. Dans Skyfall (2012), le yacht de Silva porte le nom de « Chimera », reflétant l’image d’un homme à la nature conflictuelle et dualiste.
Ce sont des accidents qui dévoilent les cas de chimérisme humain, mais les chercheurs spéculent sur la possibilité que ce phénomène soit bien plus commun qu’on ne l’imagine.
Donc, de qui êtes-vous l’enfant?
Author: Marion Durteste