Les prestigieuses salles de la Royal Academy of Art accueillent jusqu’au 13 décembre l’un des plus fameux dissident chinois contemporains, Ai WeiWei. L’artiste est reconnu internationalement pour ses oeuvres qui marient le moderne à une ancienne tradition chinoise mais qui sont également très critiques à l’égard du gouvernement totalitaire. Il doit pourtant une grande partie de sa célébrité à son incroyable histoire qui témoigne de l’oppression subie par les critiques du gouvernement établi en Chine.
Ai WeiWei grandit avec sa famille dans un camp de travail et de rééducation parce que les poèmes de son père étaient estimés opposés au gouvernement. Il étudia le cinéma à Pékin et découvrit son amour pour l’art conceptuel et les performances artistiques pendant les années 80, qu’il passe à New York. Rentré à Pékin en 1993, son travail artistique se concentra alors sur la politique chinoise. Ai Wei Wei est un talent multiple: sculpteur, architecte, performer, il est également connu pour sa présence internet: son blog et son twitter sont lus internationalement. Sur ces plateformes il exprime sont mécontentement envers le gouvernement chinois et milite pour un système plus démocratique. En 2011 il fut arrêté par la police chinoise et détenu pour 81 jours sous prétexte d’évasion fiscale. Les conditions de vie étaient psychologiquement étouffantes: il était enfermé dans une minuscule chambre, surveillé 24h/24 par deux agents de la police militaire. Libéré sous conditions restrictives, il ne put quitter le pays qu’en juillet 2015, date à laquelle le gouvernement lui rendit son passeport.
Dans ce contexte, l’exposition à la Royal Academy redouble d’importance, Ai Wei Wei peut enfin visiter une de ses expositions à l’étranger. C’est une rétrospective de ses grandes oeuvres et une présentation de nouveaux travaux, créés spécialement pour l’espace du musée. La Royal Academy of Art a choisi des oeuvres qui représentent quelques grands thèmes de la carrière artistique d’Ai Wei Wei. Le motif de redécouverte de biens culturels chinois domine: Ai Wei Wei joue notamment avec la réactivation d’urnes datant de la période Han (206 BC- 220 AD) en les peignant de couleurs Technicolor, ou comme démontré dans la série de photographies Dropping a Han Dynasty Urn (1995), en les détruisant tout court. En adaptant ces biens historiques à un contexte moderne, l’artiste provoque, il questionne la valeur que nous attribuons à l’héritage culturel et le contraste avec le moderne.
Ses oeuvres les plus remarquables sont politiquement motivées, une salle entière de l’académie est dédiée à ses recherches sur le tremblement de terre de Sichuan en 2008. Les faibles infrastructures des écoles se sont écroulées et des milliers d’enfants sont décédés. Le gouvernement chinois fit de son mieux pour taire l’affaire, il ne publia jamais d’informations sur les victimes. Ai Wei Wei fit alors une investigation et rassembla les noms des enfants qui couvrent désormais les murs de la salle. C’est une oeuvre très touchante, qui envoie un message clair: elle rétablit l’honneur des victimes et fait preuve du pouvoir qu’a l’accès à l’information.
Le trajet du spectateur finit dans une salle où se trouve l’oeuvre S.A.C.R.E.D (2012) composée de six boîtes contenant des reconstitutions des conditions de la détention de l’artiste. Elles montrent Ai Wei Wei dans différentes situations dans sa cellule, toujours entouré de deux agents de police à quelques centimètres de lui. L’effet produit est extrêmement claustrophobe, le spectateur ressent le poids psychique que cette situation a dû avoir sur l’artiste.
L’exposition donne une bonne vue d’ensemble des travaux d’Ai Wei Wei, rendez vous-y avant le 13 décembre; la Royal Academy ouvre même ses portes pendant 56 heures de suite le dernier weekend (du 11 au 13).
Author: Paola Perrin de Brichambaut